Le jardin Hanbury, une Italie qui fleure toujours bon


Aux confins de l’Italie, près de Vintimille, agrippé au rivage entre ciel et terre, le jardin Hanbury fête cette année ses 150 ans, vestige d’un temps où la bonne société britannique soignait ses hivers au soleil de la Riviera.

Si ce n’est plus la reine d’Angleterre qu’il accueille comme jadis, le jardin reçoit toujours autant: des scientifiques, et des touristes dont il cherche à relancer le nombre à l’occasion de son jubilé.

Le défi n’est pas mince. Planté à une époque où voyager était un luxe et admirer un cactus un événement digne de la première girafe à Paris, le jardin perd de la fréquentation.

La vue est divine et la promenade superbe, sur 18 hectares tout en pente, promesse de selfies inratables dans un monde végétal aux formes, couleurs et noms latins étonnants.

Mais l’ensemble a gardé le charme désuet d’un cabinet de curiosité ou d’un jardin du souvenir qui fait dire à certains visiteurs que le jardin Hanbury a le pouvoir de faire oublier le temps.

« On est tombé à 35.000 visiteurs par an. Avant la crise on était à 50.000. Les gens bougent moins, surtout les Italiens« , observe Luigi Minuto, professeur de botanique et président du jardin, plus connu en Grande-Bretagne qu’en Italie.

En juin, un nouvel audioguide en trois langues (français, italien, anglais) et en audiodescription pour les mal-voyants sera proposé pour la visite du domaine et sa villa aux façades roses, ombragée de pins d’Alep.

Le succès d’un dimanche en costumes d’époque organisé début mai pourrait être réédité après l’été, la période où le jardin dort, écrasé de soleil.

Une boutique de livres et de cartes postales doit aussi ouvrir, en complément de la buvette au cadre champêtre exceptionnel.

Echapper à la grisaille de Londres

Depuis 1987, c’est l’université de Gênes qui préside à cette lente résurrection du jardin conçu dès l’origine pour la science autant que pour l’agrément, mais souvent oublié par les ouvrages touristiques consacrés à la Côte d’Azur alors qu’il est à quelques centaines de mètres de Menton.

Son fondateur, Sir Thomas Hanbury, héritier d’une riche famille d’industriels quakers spécialisée dans la pharmacie avait acquis la propriété pour échapper à la grisaille londonienne et assouvir avec son frère sa passion pour la botanique.

Des essences rares, quelques-unes éteintes dans la nature: les lieux sont un sanctuaire pour des plantes tropicales ou subtropicales acclimatées grâce au micro-climat local exceptionnel.

Un jardin mexicain, une forêt australienne, des arbres du bush africain voisinent une végétation méditerranéenne plus classique, agrumes, oliviers, cyprès.

En hiver, la température descend rarement sous le zéro et il fut une époque où le Times de Londres publiait à chaque Nouvel An, en première page, une liste de toutes les plantes en fleur ce jour-là au jardin, ce qui faisait mourir de jalousie le reste de l’Angleterre, selon les Amis du Jardin Hanbury.

Mécène dans l’âme –il a équipé Vintimille d’un théâtre et apporté l’eau aux villages voisins–, Hanbury faisait volontiers lui-même visiter son jardin.

« C’est beau et magnifique, avec des escaliers à l’italienne. C’est surtout la femme de son fils qui a favorisé l’aspect ornemental avec des fontaines, des bassins, une statuaire intéressante, un mausolée familial. Mais ce n’est pas conçu uniquement pour se promener, c’est un lieu où l’on peut trouver des plantes d’une grande rareté ou très intéressantes« , commente le botaniste et conférencier Marc Bottin.

Chaque amateur ayant sa plante de prédilection, Jean-Claude Lafaye, un riverain passionné de 72 ans, cite lui un Euphorbia Ingens natif d’Afrique australe, sorte de candélabre de huit mètres de haut.

« Ce qui m’intéresse ce n’est pas tellement le côté décoratif mais la biologie des plantes. Je fais moi-même des expériences sur des plantes tropicales pour voir si elles supportent l’hiver hors d’une serre« , dit-il, preuve que 150 ans plus tard, l’esprit de Thomas Hanbury vit encore.





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