L’étrange stratégie de Qatar Airways
16 novembre 2017 Jean-Louis Baroux 1 commentaire À la une Akbar al Baker, IAG, Qatar, Qatar Airways 7988 vues
Décidément il est de plus en plus difficile de comprendre la stratégie de Qatar Airways. Rappelons pour commencer que le Qatar est toujours soumis à une forte pression diplomatique de la part de ses voisins, lesquels ont, entre autres, interdit le survol de leur territoire par les appareils de la compagnie nationale.
Outre que cela pénalise le trafic passager qui n’était tout de même pas négligeable vers les pays maintenant interdits, cela renchérit les coûts d’exploitation car les appareils doivent faire un détour important pour éviter le survol de l’Arabie Saoudite.
Bref, on pourrait penser que cela conduirait le président de la compagnie Akbar Al Baker allait rentrer la tête dans les épaules en attendant que l’orage passe. Il n’en est rien.
Récemment, donc, Qatar Airways vient de prendre 9,6 % du capital de Cathay Pacific. Le montant de la transaction est important : 570 millions d’euros ce qui valorise le transporteur de Hong Kong à 5,933 milliards d’euros au cours actuel du dollar hongkongais.
Rappelons pour fixer un ordre d’idée que le groupe Air France/KLM ne vaut que 3,371 milliards d’euros au dernier cours de l’action qui est tout de même remonté à 11,230 euros. Cette prise de participation vient se rajouter aux 20 % déjà détenus dans le groupe britannico-espagnol IAG acquis pour 3 milliards d’euros, aux 10 % pris dans le sud-américain Latam pour 613 millions d’euros et récemment aux 49 % acquis dans l’italien Meridiana dont le montant de la transaction n’a pas été divulgué.
Or, à part IAG qui se porte très bien, les autres compagnies ne sont pas en excellent état économique. Cathay Pacific par exemple a perdu plus 32 millions d’euros en 2016 et 226 millions au premier semestre de 2017.
Voilà qui ressemble fort à la stratégie développée récemment par Etihad Airways avec les résultats désastreux que l’on connait. Certes les compagnies visées par Qatar sont d’un tout autre niveau et en bien meilleure santé que celles ciblées par son homologue d’Abou Dhabi.
Il est peu probable qu’hormis Meridiana, les transporteurs dans lesquels les participations ont été prises demandent à Qatar Airways de les aider à faire les fins de mois, comme c’était le cas pour Etihad.
Il n’en demeure pas moins vrai que l’on ne voit pas très bien quels objectifs sont attendus de ces prises de participation dont le montant cumulé est, je le rappelle, supérieur à la valeur totale d’Air France/KLM.
Les comptes de Qatar Airways ne sont pas publiés. On peut penser que bons ou mauvais, la compagnie a l’Etat Qatari derrière elle et que, comme pour Etihad en son temps, elle n’a pas à se soucier de sa rentabilité immédiate.
Ne pouvant rivaliser avec son grand voisin Emirates, Akbar Al Baker a choisi de positionner sa compagnie au plus haut niveau quant à la qualité de son produit. De ce côté-là, c’est réussi. Qatar Airways truste les récompenses et les clients l’apprécient.
Mais alors pourquoi disperser ses ressources à racheter des prises de participations si variées ? Peut-on imaginer qu’en dehors de Meridiana, elles puissent lui assurer une influence quelconque sur la stratégie des compagnies dans lesquelles les acquisitions ont été faites ?
Et quand bien même, comment Latam dont la base est le Chili et le Brésil, ou Cathay Pacific installé à Hong Kong pourraient-elles, de manière significative, alimenter le hub de Doha ? Quant à infléchir IAG, c’est également peu probable.
Dans le même temps, la compagnie est certainement affaiblie par son environnement diplomatique et elle doit recevoir les appareils qu’elle a commandés en masse aussi bien chez Boeing que chez Airbus. Il faudra bien financer tout cela.
Akbar Al Baker est un homme déterminé, il a donc certainement une idée derrière la tête. On attend avec impatience d’en savoir plus sur ses intentions à moyen terme.
Jean-Louis Baroux
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1 commentaire pour “L’étrange stratégie de Qatar Airways”
Cher Jean-Louis,
Bonjour. Des éléments de réponses mais vous avez sans doute déjà eu des échos à propos d’Air China.
Avec mes amitiés.
Bertrand