A Rochefort, « Le Versailles de la Mer »
7 septembre 2018 Frédéric De Poligny Aucun commentaire À la une du WeekEnd Bretagne, Corderie Royale, École de Médecine Navale, Hermione, Jacques Demy, Patrick Bonnaud, Roca Fortis, Rochefort 5694 vues
Rochefort est née en 1666 de la volonté d’un seul homme, Louis XIV, notre Roi-Soleil qui avait décidé de donner à la France une flotte à même de tenir tête aux Anglais, ennemis héréditaires depuis la Guerre de Cent Ans.
Le choix du lieu d’implantation de cet arsenal maritime créé de toute pièce à 30 km à l’intérieur des terres ne dut rien au hasard. L’embouchure de la Charente largement protégé par l’île d’Oléron, l’île d’Aix et le petit ilot de l’île Madame, offrait la possibilité de bâtir plusieurs forts pour en verrouiller l’accès.
De plus l’effet des marées sur le niveau des eaux de la rivière interdisait aux gros bâtiments de guerre de remonter vers Rochefort à marée basse. Toute flotte voulant passer outre se serait irrémédiablement échouée.
Autre avantage, bâtir un arsenal au milieu d’un immense territoire marécageux, interdisait à de possibles attaquants de débarquer des pièces d’artillerie et de les approcher des remparts pour un assaut terrestre.
Si cette décision royale fut parfaite du point de vue tactique, elle comportait des contraintes majeures. Construire une ville, là ou il n’y avait rien, pouvait sembler simple même au XVIIème siècle, mais le faire sur un marais cela pouvait tenir de l’impossible. Rochefort allait devenir la ville de l’invention par excellence.
Face à ce défi les ingénieurs du roi firent des merveilles. On enfouit dans ces terrains meubles des milliers de tronc d’arbre pour créer un immense soubassement sur lequel on commença à élever la Corderie Royale, un magnifique bâtiment en pierre de taille de 374 m de longueur. Autre difficulté majeure, il fallait créer une forme de radoub pour pouvoir construire au sec les grands bateaux de guerre et les réparer. Il fut nécessaire, après avoir creusée cette immense forme de radoub, de la maçonner entièrement. Ce fut la première forme de radoub en dur, une grande première mondiale.
Les sols instables ne permettant pas de mettre en place une grue pour installer les mâts sur les navires, on imagina le principe de grues à mâter flottantes, autre première mondiale.
La vase s’accumulant devant les portes de la forme de radoub, on réalisa un ingénieux système de « moulin à vase » utilisant la force du vent pour activer une drague flottante mobile qui ramenait la vase dans le lit du courant. Des prouesses technologiques inimaginables pour cette époque!
Autour de l’arsenal naissant il fallait aussi construire une ville. Alors Michel Bégon, Intendant de la Marine Royale, voulut être à la pointe du progrès et de la modernité.
Le plan de la ville en damier fut basé sur de larges rues dessinées à angle droit avec un aménagement de vastes places. Tous les immeubles devaient être bâtis en pierre de taille et ne pouvaient dépasser un rez-de-chaussée surmonté de deux étages. Ce qui fait de Rochefort une ville aérée et pleine de lumière offrant une grande sensation de bien-être.
Pour ceux qui examineraient de près un plan de la ville, ils pourraient y trouver la seule et unique rue au tracé en courbe, la rue des Petites Allées. N’hésitez pas à l’emprunter, elle est pleine de charme.
Au cours du siècle dernier la Marine s’est petit à petit désengagé de l’arsenal de Rochefort, laissant de magnifiques bâtiments comme la Corderie Royale qui abrite maintenant un passionnant musée idéal pour découvrir le monde des cordages et des nœuds, grande spécialité des marins. C’est un de ces fleurons de la ville qui lui ont valu le titre de « Versailles de la mer ».
Non loin de la Corderie Royale, l’ancienne demeure des Commandants de la Marine est devenue le Musée National de la Marine, et possède de fabuleuses archives et maquettes qui retracent entre autres l’histoire de Rochefort et de son arsenal.
On y voit dans la cour d’honneur, une reproduction à taille réelle du célèbre Radeau de la Méduse, car c’est ici à Rochefort que se déroula le procès du Commandant de la Méduse.
C’est à Rochefort que le Marquis de La Fayette embarqua en 1780 à bord de la frégate Hermione pour l’Amérique afin de soutenir les insurgés américains dans leur Guerre d’Indépendance et se battre avec eux contre les Anglais jusqu’à la victoire finale à Yorktown.
Et c’est juste derrière le musée, dans la grande forme de radoub que fut construite la réplique la plus authentique possible de l’Hermione par une association de passionnés qui réussirent leur pari fou. En 2015, l’Hermione traversa l’Atlantique pour recevoir un accueil triomphal lors des commémorations de la Fête de l’Indépendance des Etats Unis.
L’Hermione est ouverte à la visite tous les jours sauf pendant ses grandes croisières maritimes comme celle qui la conduisit entre janvier et juin de cette année jusqu’en Méditerranée pour les Fêtes Nautiques de Sète avec un équipage de 15 marins professionnels secondés par 350 gabiers volontaires qui se sont relayés au cours des étapes.
A coté de l’Hermione dans la deuxième forme de radoub la mature de la frégate a été reconstituée et équipée de tyroliennes et autres ponts de singe pour permettre à ceux qui n’ont pas peur d’escalader les haubans, de jouer pour de vrai aux gabiers au sommet des mâts.
Le Musée Hèbre de Saint-Clément vaut le détour avec ses collections historiques venues des antipodes. le premier étage est spécialement dédié à l’écrivain Pierre Loti avec une extraordinaire visite en 3D de la maison qu’il avait magnifiquement décorée dans les moindres détails, maison qui est actuellement fermée pour de lourds travaux de rénovation.
Pierre Loti y recevait ses amis au cours de réceptions magnifiques en costumes fantaisistes de style « ottoman ».
C’est aussi à Rochefort que fut créée la première École de Médecine Navale au monde qui fut transférée à Bordeaux en 1890. Seul est encore ouvert à la visite le Musée de l’École de Médecine Navale.
La salle de la bibliothèque qui a conservé ses 22.000 livres reliés de cuir, est magnifique. On y trouve aussi un étage entier consacré aux collections ethnologiques et scientifiques rapportées de tous les coins de la planète par les chirurgiens de Marine.
Un visite qui ne doit pas être oubliée c’est celle du Musée des Commerces d’Autrefois, musée privé qui sur quatre étages de galeries a pu reconstituer un grand nombre des échoppes et des boutiques de nos villes des années 1900, boucherie, café, couturière, pharmacie, marchand de vin, cordonnerie, épicerie ….
L’impression de faire un saut dans le temps est magique et parents comme enfants passent de longues minutes à découvrir ces milliers d’objets d’un passé pas si lointain.
A Rochefort, bars, cafés, restaurants et terrasses proposent un peu partout des haltes réconfortantes et désaltérantes aux promeneurs. C’est une ville qui se visite à pied et des arrêts revigorants et goûteux sont toujours les bienvenus.
La brasserie Cap Nell profite de sa vaste terrasse sur les bassins du port de plaisance pour attirer les badauds dès que pointe un beau rayon de soleil. Les assiettes y sont généreuses et en saison son melon entier farci d’une boule de glace à la vanille est délicieux de fraîcheur.
Si vous êtes à la recherche d’une exceptionnelle table de gourmet, à quelques pas de la Maison de Pierre Loti, la petite salle du restaurant Les Quatre Saisons où officie le chef Patrick Bonnaud vous attend pour une vraie pause gastronomique.
Derrière la façade toute simple d’une petite maison rochefortaise vous trouverez une cuisine créative et très raffinée, empreinte de délicatesse et de complexité. Les huîtres chaudes au beurre et aux algues sont une des grandes spécialités de la maison.
L’Hôtel de la Corderie Royale offre le confort d’un beau 4* et son emplacement est parfait entre la Corderie et le petit port.
Mais si vous voulez découvrir le charme de la vie dans une de ces maisons XVIII ème du centre ville, la Villa des Demoiselles est une très belle maison d’hôtes dont les propriétaires ont su garder l’âme et l’esprit d’une époque où il faisait bon vivre dans ces murs.
Et pour ceux qui voudraient profiter des charmes de Rochefort à moindre coût, le Roca Fortis, petit hôtel de charme 3* offre des chambres gentiment décorées non loin du théâtre de la Coupe d’Or.
Rochefort est revenu sur le devant de la scène il y a quelques années grâce au fameux film de Jacques Demy, « Les Demoiselles de Rochefort » auquel le film servit de décor.
Dans cette jolie ville il y a beaucoup à voir et à faire, et un seul week-end n’y suffirait pas. Rochefort est une ville où il fait bon revenir.
Frédéric de Poligny
Office de Tourisme de Rochefort: www. rochefort-ocean.com
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