Vers la guerre entre les compagnies aériennes et les agents de voyages ?
15 janvier 2025 Jean-Louis Baroux Aucun commentaire À la une agents de voyages, Ancillary Services, distributeurs, France, IATA, NDC 2321 vues
La question mérite sérieusement d’être posée. Les premiers effets du NDC (New Distribution Capability) de IATA commencent à porter ses fruits. Rappelons qu’il s’agit d’une nouvelle norme d’échanges de messages entre les transporteurs et le marché. Elle permet non seulement d’échanger des lettres et des chiffres, mais également des images et du son.
Ainsi plus rien n’empêche les compagnies aériennes de développer à peu de frais leur propre tour opérateur. Certes le NDC met
plus de temps que prévu pour se développer. Seuls les plus gros transporteurs se sont lancés dans les développements informatiques nécessaires, mais ils pèsent un poids considérable dans le transport aérien mondial et ils peuvent imposer leur stratégie.
Or depuis un quart de siècle, les compagnies aériennes n’ont eu comme seul argument commercial que la baisse continue des tarifs, sous la pression d’une concurrence féroce et l’arrivée du modèle « low cost ».
Ainsi la seule recette liée à la vente des billets d’avion ne suffit plus à équilibrer les comptes. Il a fallu développer des produits annexes les (ancilliary products) pour compléter le chiffre d’affaires.
Ceux-ci atteignent près de 15 % de la recette, sans que des coûts spécifiques leur soient attachés, à part des développements informatiques.
C’est ainsi que le produit aérien a été dépouillé afin d’obliger les clients à acheter ces fameux produits dérivés : enregistrements des bagages, accès wifi à bord, priorités d’embarquement, assurances, que sais-je ?
Finalement ces nouvelles recettes deviennent un élément incontournable à l’équilibre du transport aérien.
Mais avec le NDC, un pas supplémentaire a été fait. Les compagnies aériennes peuvent maintenant additionner facilement à la vente des seuls billets, des locations de voitures, des chambres d’hôtel et pourquoi pas des places dans les stades ou à l’opéra et puis des achats de parfums et autres produits de luxe.
D’ores et déjà la plupart des sites internet des compagnies proposent ces produits, il ne reste plus qu’à les packager pour les promouvoir sérieusement vis-à-vis de leur public. C’est ce qui est en train de se passer.
Les transporteurs ne se cachent plus pour mettre sur le marché des produits touristiques comme ils pouvaient le faire par le passé en utilisant des filiales sous des marques différentes. Ils attaquent maintenant directement le marché sous leur propre marque.
Voilà qui ressemble furieusement à une offensive sérieuse dans le domaine d’activité des agents de voyages et des tour-opérateurs traditionnels. Les relations entre les opérateurs et leurs distributeurs ont toujours été conflictuelles, les premiers renâclant à rémunérer convenablement ceux auxquels ils confient le soin de les distribuer, à tel point que depuis le début des années 2000 ils refusent le leur
octroyer les commissions d’intermédiaires.
Certes il y a bien des arrangements en fonction des volumes car les grands réseaux d’agents de voyages se sont organisés pour garder le contrôle d’une partie importante du marché.
Mais jusqu’à présent les compagnies aériennes se bornaient à promouvoir directement auprès du public leur produit de base. Ce ne sera plus vrai dans le futur.
Alors, comment vont réagir les distributeurs ? Il serait surprenant qu’ils acceptent cette évolution sans réagir. Boycotteront-ils les transporteurs offensifs sur leur marché ? Cela ferait les affaires des compagnies de niche.
Sinon quels seront leurs possibilités de défense ? A vrai dire, on ne voit pas ce qu’elles pourraient être sauf à distribuer les packages construits par les compagnies.
Mais alors ce sera le déclin des tour-opérateurs généralistes.
Reste qu’on se demande bien pourquoi les transporteurs se lancent dans une telle offensive car ce n’est pas leur métier ni leur culture.
Autant, transporter des passagers et du cargo d’un bout à l’autre de la planète, réclame une expertise considérable au point d’absorber toute l’énergie des opérateurs, autant on les voit mal acquérir le doigté nécessaire pour négocier avec les acteurs terrestres, sans compter les qualités pour accueillir les clients qui sont soucieux d’avoir un interlocuteur physique avant de se lancer dans des voyages lointains.
On était arrivé à un modus vivendi acceptable pour les deux parties, chacune acceptant le mode économique de l’autre.
Les prix avaient été largement rehaussés à la sortie du Covid pour le plus grand bénéfice des transporteurs, pourquoi alors ces derniers se lancent-ils dans un secteur qui ne leur est pas familier ?
Jean-Louis Baroux
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