Jugaad style !


PAROMANONon ce n’est pas le nouveau titre de PSY, dont la vidéo laissent à penser qu’il devrait justement aller en voir un de toute urgence, mais un terme indien pour l’instant peu connu et dont je subodore qu’il sera bientôt en filigrane de tout les plans d’actions des entrepreneurs innovants.

« Jugaad » – mot hindi populaire que l’on pourrait à peu prés traduire par « solution innovante et improvisée née de l’ingéniosité et de l’intelligence ».
Mais encore ? Système D ! Voilà qui est sans aucun doute plus parlant pour nous.

Sauf que si le système D peut avoir une connotation péjorative en ce sens qu’il n’introduit pas la notion d’innovation mais plus souvent de « faire avec les moyens du bord », le Jugaad signifie plutôt l’innovation frugale, c’est-à-dire la capacité à innover dans l’adversité et avec peu de ressources.

Alors que les pays industrialisés innovent à coup de plan d’investissement à long terme, mobilisant des ressources humaines et capitalistiques importantes, les pays émergents inventent, créent, et produisent sur des cycles plus courts , avec peu de ressources, et dans un contexte à priori peu favorable (manque d’infrastructure, cadre législatif et politique instable, formation insuffisantes, etc…).
Et pourtant leurs innovations sont plus performantes et connaissent des succès incontestables et parfois fulgurants, face à des multinationales occidentales dont les projets aboutissent de plus en plus trop tard sur des marchés qui les ont devancés.

La situation actuelle de crise à bon dos, elle nous permet de nous réfugier derrière des causes conjoncturelles et provisoires et de prier pour que demain redevienne comme hier.
Le psychologue Thomas Muller, spécialisé dans la gestion des crises, constate que certaines personnes lors d’une crise s’efforcent simplement de revenir à la façon dont étaient les choses avant. Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il ait assisté aux derniers congrès de professionnels du tourisme français…

L’innovation Jugaad, a contrario, c’est repenser les modèles économiques traditionnels, être plus à l’écoute, et surtout s’appuyer sur ces mêmes difficultés, que nous qualifions aujourd’hui à tort de crise, pour innover.

Comment ? En acceptant que l’innovation passe par des séries d’essais et d’échecs (culturellement difficiles à accepter en France) avant de réussir, et en suivant ces principes de base :

rechercher des opportunités dans l’adversité : à nous de nous adapter aux changements de comportement des consommateurs de produits du tourisme au lieu de nous efforcer à leur imposer nos anciens modèles.
Faire plus avec moins : les marges s’amenuisent chaque année, utilisons le peu qui reste à bon escient au lieu de négocier péniblement le « point de plus » prétendument salvateur.
Penser et agir de manière flexible : changer d’avis et de stratégie ne veux pas dire perdre son âme, bien au contraire un entrepreneur n’est pas un croisé dogmatique en quête du graal mais un être intelligent et pragmatique qui n’hésite pas à changer d’orientation si le marché l’impose.
Viser la simplicité : ce n’est pas forcement en investissant dans des usines à gaz technologiques permettant de consolider les offres multi-prestataires et d’assurer une diffusion intégrée multi-canal que les clients reviendront en courant.
Intégrer les marges et les exclus : en deux mots, faire exactement l’inverse de ce que vient de décider Thomas Cook qui se recentre sur le mainstream et abandonne les produits sur mesures et haut de gamme.
Suivre son cœur : l’intuition, l’écoute et l’empathie sont en période de mutation et de crise plus efficace que les études de marché et les audits de cabinet de consulting.

Si cette approche vous séduit, je ne saurais que trop vous inviter à l’approfondir par la lecture de : « L’innovation Jugaad – redevenons ingénieux ! »
(bien plus intelligent que de s’indigner en brassant de l’air devant les caméra de télévision, mais c’est un autre débat…) de N. Radjou, J. Prabhu et S. Ahuja aux Editions Diateino – 2013.

Pierre-André Romano





    2 commentaires pour “Jugaad style !

    1. Monsieur,
      Veuillez excuser ma réponse tardive mais je viens à l’instant de prendre connaissance de votre commentaire. Pour commencer permettez-moi de vous remercier pour ce commentaire et les compliments qu’il comporte.

      Concernant le fait de faire payer les devis, le sujet fait débat, comme vous le savez, depuis quelques temps parmi les professionnels et mon opinion pourrait paraitre brutale mais je pense que nous ne facturerons bientôt plus que ça : des frais de recherche et de conseils. Seuls les tours opérateurs opérant sur le mainstream (produits de type club très packagé avec vols spéciaux) ou les compagnies aériennes et hôteliers vendront des prestations directement. Le métier d’agent de voyages étant de conseiller un client, il ne sera plus nécessaire d’acheter et revendre pour lui des prestations auxquelles il aura lui-même directement et facilement accès… Aussi un voyageur pourra (peut) créer lui-même son voyage s’il le souhaite, ou payer pour un conseil si nécessaire. Entre les deux (TO et conseillers), des sites de déstockages pourront (et le font déjà) consolider certaines offres packagées, et tout comme les comparateurs, et se faire rémunérer par les producteurs, hôteliers, ou compagnies, et non par le client.
      C’est sans doute de la prospective-fiction, mais de toute évidence ainsi que vous l’avez constaté nous passons de plus en plus de temps à construire des devis pour des voyages sur mesure que les clients réservent ensuite en direct alors soit la profession d’agent de voyages disparait, soit nous apprenons à valoriser et monétiser nos compétences.

      Pourtant le marché n’est pas prêt, ni du coté des professionnels qui n’osent pas encore facturer un devis de peur de perdre les quelques clients qui leur reste, ni du coté des clients qui estiment, parfois à tord, pouvoir se débrouiller seul. Les rares initiatives dans se sens peines à démarrer, par excès de timidité commerciale bien compréhensible en ses temps difficiles.
      Au plaisir.
      Pierre-André

    2. Bonjour,
      Chronique très intéressante, comme toutes les précédentes de M. ROMANO. Merci.

      J’aurais souhaité profité de ce canal pour savoir ce que penserait M. ROMANO d’un principe consistant à faire payer les devis quand il s’agit de circuits complexes ?
      Bien que la chronique précédente expose que l’information « devrait être » par définition gratuite (entre professionnels seulement), qu’en est il vis à vis du potentiel client, qui vient nous prendre « l’expertise », l’ossature générale, pour aller se débrouiller seul ensuite sur le net… ? … Mon coeur me dit de le faire payer…

      Merci d’avance, svp.
      L.M.

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