Les compagnies aériennes Low cost sont-elles en péril ?
27 septembre 2016 Jean-Louis Baroux 1 commentaire À la une Easyjet, low cost, Speedy Boarding 5454 vues
Le modèle Low Cost est non seulement arrivé à maturité, mais il semble bien avoir atteint ses limites. Il a eu et il a encore toujours une énorme utilité pour le transport aérien : il amène une nouvelle clientèle que les compagnies traditionnelles sont incapables de capter. Sauf que pour attirer ce nouveau marché, il a fallu faire quelques contorsions avec les affichages de tarifs.
Je viens de faire une petite expérience en allant sur le site EasyJet. J’ai cherché un vol Paris (Orly) –Berlin (Schoenefeld) aller le 19 octobre avec un retour le 20. Premier constat, tout est clair, il suffit de suivre les flèches. On ne pourra pas dire que les clients ne soient pas informés.
Le prix le moins cher pour ce trajet est de 39,62 € à l’aller et de 31,80 € au retour soit 71,42 € pour l’aller-retour, ce qui, on en conviendra est très raisonnable, voire, pas cher du tout. Le prix le plus élevé pour ce même aller-retour est de 114,84 €, là encore, rien à dire.
Bon, il est clair que ces tarifs ne permettent pas d’assurer la rentabilité de la compagnie, dont je rappelle qu’elle a dégagé un profit net de 548 millions de livres en 2015 pour un chiffre d’affaires de 4.686 millions de livres soit un taux de résultat net de 12 %. Je connais beaucoup de transporteurs envieux d’un tel ratio.
Donc, pour arriver à cet excellent chiffre, il faut autre chose que du transport sec, même si EasyJet a atteint le formidable coefficient de remplissage de 91,50 % en 2015 en progression de plus de 5 points par rapport à 2005.
C’est là que l’on rentre dans les fameux « ancilliary services », autrement dit les services de complément. Alors toujours pour ce même trajet, vous pouvez ajouter le choix de votre siège : 13,12 € par vol si vous voyagez entre les rangées 2 et 6, 43,33 € si vous avez un bagage en soute, 19,68 € pour une assurance annulation et 13,38 € pour une assurance « vol manqué ».
Le montant des services complémentaires ressort alors à 102,63 €, soit plus cher que le tarif d’appel et presque au même prix que le tarif le plus élevé.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Avant de compléter votre dossier, le site vous invite à acheter une nuit d’hôtel, allez, ne soyons pas mesquins et prenons un bon établissement proposé au prix de 179 € et puis tant qu’on y est, une voiture de location à 63 €. Je ne connais pas la commission que touche la compagnie sur ces transactions, mais il serait surprenant qu’elle soit inférieure à 20 %. Voilà encore 48,40 € de gagnés.
Tout bien compté, les services complémentaires rapportent sur ce trajet 151,03 € soit plus de deux fois le prix d’appel. Il faudra bien entendu rajouter à cette recette les marges réalisées sur les ventes à bord.
Vous me direz que toutes les compagnies n’ont qu’à en faire autant et que les mêmes recettes entraînent les mêmes résultats. Je suis cependant un peu gêné de constater que pour privilégier les recettes complémentaires la compagnie, comme d’ailleurs les autres « Low Costs » ont volontairement dégradé le produit de base.
D’abord la densité des sièges. Tous les clients constatent que les rangées, surtout celles de l’arrière sont beaucoup trop rapprochées. Cela a d’ailleurs deux avantages pour la compagnie : elle met plus de passagers et elle peut vendre ses suppléments pour être assis un peu plus confortablement à l’avant.
Ensuite les procédures d’embarquement : afin d’accélérer les rotations des appareils, il faut embarquer les clients le plus vite possible. C’est ainsi que les portes d’embarquement ferment au moins 10 minutes avant la fermeture des portes de l’avion et que les passagers sont priés de faire la queue dans la passerelle en attendant que l’appareil soit prêt à les accueillir et ce même pour les
clients qui ont acheté le fameux « speedy boarding ». Et puis, quoi qu’on en dise, la ponctualité n’est pas toujours respectée surtout pour les vols de fin de journée. Certes tout n’est pas toujours de la faute de la compagnie, mais pour faire les 8 vols quotidiens, il faut prévoir des horaires très tendus, pratiquement impossibles à tenir. Tous les clients en ont fait l’expérience.
Mais par contre si la compagnie est en retard et si les retards sont supérieurs à 3 heures, les clients auront toutes les peines du monde à obtenir les compensations prévues par la règlementation européenne.
Bref, le « Low Cost » porte encore bien son nom. Mais EasyJet s’attaque maintenant à la clientèle affaires et pour cela le transporteur britannique se fend d’une brochure envoyée aux utilisateurs fréquents.
Je note d’abord que ceux-ci n’ont rien réclamé et qu’ils apprennent qu’ils sont mis sur un fichier d’adhérents au « Flight Club » censé leur procurer des avantages dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont très modestes, je vous en passe les détails. Rien par exemple sur la facilité des procédures d’indemnisation pour retard au-delà de 3 heures.
Les compagnies « Low Cost » vont avoir du chemin à faire pour se mettre au niveau des transporteurs traditionnels, tout comme ces derniers ont du pain sur la planche pour converger vers le modèle « Low Cost » dont ils admirent les résultats.
On suivra avec attention les démarches des uns et des autres pour arriver au modèle hybride vers lequel va le transport aérien.
Jean-Louis Baroux
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1 commentaire pour “Les compagnies aériennes Low cost sont-elles en péril ?”
Je suis quand même un peu surpris que pour un grand expert du calibre de Mr Jran Louis BAROUX, l’avenir des compagnies Low Cost soit déduit du raisonnement d’un petit segment tarifaire sur un un vol Paris (Orly) –Berlin (Schoenefeld). Ilfaudrait une reflexion plus globale sur ce dossier, et je préfère les conclusions du Routes Europe Strategy Summit Aberdeen, sur le thème « What is the Future of the Low-Cost Market in Europe? », qui est plus proche des réalités de ce modèle, projeté dans l’avenir
Aussi, contrairement aux affirmations de Mr BAROUX, dont je respecte profondement les idées, les Low Cost, ne sont ni saturés, ni à court d’idées
Sur les 168 compagnies aériennes que compte l’Europe, 45% de la capacité est accaparée par les Low Cost, contre 38% en 2015, demontre CAPA, avec un taux d’evolution (+ 13%) plus que le double pour les autres compagnies (+5%) ; ce qui marque indéniablement une très forte présence des LC. Cette part ne s’arrêtera pas , non seulement compte tenu de ce rythme de progression, mais aussi, car, chaque fois qu’une compagnie emblématique mord la poussière, une Low Cost est la pour la remplacer ou presque (Cas de Malev en 2012)
On estime qu’en 2024, les leaders Ryanair / Easyjet contrôleraient 42%, contre 22% en 2015
Autres signes évidents que les Low Cost ont encore des marges de manœuvres très évolutives, sont perceptibles dans la stratégie de redéploiement qui demeure loin d’être figée dans son schema classique initial, au niveaux de :
– Le rapprochement des LC des GDS (Distribution)
– Le Ciblage du Trafic d’Affaires
– Le positionnement dans des plateformes autres que secondaires
– L’interlining et les Code Share avec des compagnies Emblematiques
Venons en aux « Ancillary Services » (Recettes Annexes ou Complementaires) …Les low-costs réalisent soit, « une partie importante de leurs ventes et de rester profitables: les repas achetés à bord, le choix des places les plus agréables dans l’avion, les commissions sur les achats de chambres d’hôtel ou sur les locations de voitures, les suppléments de bagages ou même l’achat de valises et de sacs pour pouvoir loger dans la soute les excédents… » ils constituent plus de 20%.
Les ancillary services ont procuré aux compagnies aériennes dans le monde plus de 57 Milliards de $ et sont devenues une pratique marketing courantes, où certains transporteurs majeurs tirent jusqu’à 38% de leurs recettes de ce créneau
Mais force est de constater que les compagnies Full Service n’y ont pas eux-mêmes résisté ; le groupe Air France KLM a engrangé 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires grâce à ces recettes annexes dont l’essentiel provient des commissions sur des locations de voiture ou la vente d’assurance. Pourquoi dans ce cas en vouloir aux gourous de la compression des Couts ?
Aussi serait – il prématuré de déduire que le Modèle Low Cost est saturé, et que ces requins là, ont plus d’un lapin dans leur chapeau…