Le prix du billet d’avion : un grand mystère ou une évidence économique ?
4 octobre 2016 Rédaction Aucun commentaire À la une Alexandre de Juniac, BAR France, CDG Express, IATA, redevance PHMR, World Financial Symposium 4912 vues
Définir le prix d’un billet d’avion comme la somme qu’un consommateur est disposé à dépenser pour l’achat d’un service aérien peut paraître une affirmation simpliste mais répond à une notion économique semble-t-il évidente.
Toutefois, observant le doute et certaines critiques reprochant aux compagnies aériennes d’user d’artifices voire d’opacité dans l’établissement de leurs grilles de prix, un rappel de certaines notions fondamentales en la matière peut permettre à mon humble avis , d’apporter quelques éclairages sur ce sujet.
Parlons tout d’abord des éléments constitutifs immuables à prendre en compte dans la fixation d’un prix dans tout commerce, c’est à dire :
– Les coûts,
– L’élasticité et l’acceptabilité de la demande,
– La concurrence.
A ces trois composantes essentielles qui définissent la compétitivité d’une entreprise dans son environnement concurrentiel vient se greffer un autre élément important que représente la périssabilité du produit aérien comme l’est également celui de l’hôtellerie, contrairement à certains biens industriels : le produit est non stockable et donc irrémédiablement condamné à l’obsolence une fois passée l’heure programmée du décollage de l’avion.
Pour éviter ces situations économiquement préjudiciables les compagnies ont donc recours au yield management, système de gestion visant à optimiser la demande en temps réel pour une capacité contrainte.
Pour ceux intéressés par le sujet je vous renvoie à une excellente étude faite par Sheryl E.Kimes, universitaire américaine qui en a donné en 1989 une définition on ne peut plus claire : « le yield management est une application des systèmes d’information et des stratégies de pricing pour allouer la bonne capacité, au bon client, au bon endroit, au bon moment » (cf The basics of yield management).
Ceci concerne non seulement les compagnies dites traditionnelles quelle que soit leur taille mais aussi les transporteurs à bas coûts devant répondre à la même nécessité de maximiser la recette de chaque vol.
A ce point de l’exposé est-il utile de rappeler que le transport aérien doit répondre à des contraintes économiques particulièrement lourdes, souvent conjoncturelles dans un contexte ou la forte volatilité des coûts peut provoquer des variations de prix pouvant affecter drastiquement l’élasticité de la demande
Citons les plus marquantes :
– Lourdeur des investissements technologiques;
– Retour sur investissements inférieur au cout du capital entraînant une difficulté d’accès au marché des capitaux;
– Cout des redevances aéroportuaires et aéronautiques;
– Aléas liés aux fluctuations du prix du carburant ( cf le dernier accord OPEP sur la réduction de la production pouvant entraîner une nouvelle hausse
– les incertitudes géopolitiques et les conséquences d’une situation liée aux actes terroristes ( voir la chute importante observée depuis quelques mois de la demande touristique vers la France).
Comme le déclarait récemment Alexandre de Juniac, le tout nouveau président de IATA lors du World Financial Symposium qui s’est tenu récemment à Singapour « on ne peut pas prévoir le futur mais nous avons besoin d’être préparés à réagir rapidement quand l’environnement change».
On ne peut que souscrire à cette affirmation si tant est que nous ayons quelque contrôle sur un certain nombre d’éléments exogènes obérant les décisions stratégiques et affectant les résultats financiers.
Pour revenir a la tarification aérienne proprement dite , une fois pris en compte les éléments constitutifs fondamentaux exposés supra il ne faut pas ignorer le poids du mille-feuille des taxes et redevances diverses qui viennent grever le prix final et dont beaucoup de clients ignorent parfois l’existence puisque seul compte ,comme évoqué en préambule, le montant total à payer
Citons pêle-mêle sans les hiérarchiser :
-La taxe d’aviation civile abondant le budget de la Direction Générale de l’Aviation Civile (450 millions d’euros);
– La taxe d’aéroport pour couvrir les activités de sécurité et de sureté (environ 1 milliards d’euros) et qui devrait a tout le moins pour les opérations de sureté être du ressort de la responsabilité régalienne de l’état;
– La taxe de solidarité, communément appelée « Chirac » du nom de son promoteur (200 millions);
– la taxe pour les nuisances sonores en aéroport servant a insonoriser les habitations de riverains(46 millions);
– La redevance passager aéroportuaire;
– La redevance PHMR pour financer l’assistance aux passagers à mobilité réduite;
Et très bientôt vraisemblablement la taxe pour financer le CDG Express puisque faisant l’objet de discussions parlementaires en vue de son inclusion dans le budget rectificatif de la Loi de Finances 2017……
Se pose bien évidemment la question des surcharges compagnies pour contrebalancer les effets aléatoires d’éléments qu’elles doivent impérativement intégrer dans le processus de construction tarifaire pour rester financièrement compétitive.
La simple lecture du règlement européen 1008/2008 qui impose une présentation des prix tout compris devrait évacuer tout débat à ce sujet : le prix annoncé doit être le prix payé et tous les ingrédients participants à sa construction en sont les éléments constitutifs.
Dès lors qui pourrait prétendre en contester les paramètres car ,comme tout acteur économique offrant un produit au marché, les compagnies aériennes calculent leurs tarifs selon leurs propres impératifs financiers et commerciaux en tenant compte de leur compétitivité, de leur modèle industriel ou de leur politique commerciale.
Chaque compagnie, quel que soit le modèle de opérationnel choisi, a ses particularités en termes de commercialisation et construit son offre tarifaire incorporant diverses composantes qu’il ne m’appartient pas de discuter.
Seul le client décide, et personne d’autre, ce qu’il doit acheter en fonction de l’intérêt que représente pour lui une offre mise sur le marché.
Jean-Pierre Sauvage,
Président de BAR France ,
Créée en 1949, BAR France (Board of Airlines Representatives) est la plus ancienne organisation représentative des transporteurs aériens en France et regroupe les dirigeants de 70 compagnies françaises et étrangères qu’elle représente auprès des institutions aéronautiques, aéroportuaires, environnementales et touristiques.
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