Un Brexit qui tombe de haut … et mal !


On semble bien s’acheminer vers un Brexit pur et dur mais, si cela arrive, quelles seront les conséquences sur le transport aérien français ?

Le premier effet sera de sortir les transporteurs britanniques de l’ »Open Sky » européen qui leur a amené une grande prospérité. En effet, soumis à des règles sociales et fiscales plus avantageuses, ils ont pu conquérir des pans entiers du gâteau européen et ce dans tous les marchés importants, je veux parler de la France, bien sûr, mais aussi de l’Italie et dans une moindre mesure de l’Allemagne.

Voilà qui va freiner largement les possibilités dont ils bénéficiaient jusque-là car il faudra alors négocier des droits de trafic, comme c’était le cas dans les années 1980. N’oublions pas que la liberté de trafic européenne date de 1992, cela fait tout de même 25 ans, un quart de siècle !

Alors on peut pronostiquer que les négociateurs européens ne vont pas accorder des droits sans une négociation sévère. On voit bien, en particulier que l’accès aux aéroports londoniens, largement monopolisés par les transporteurs britanniques, seront l’objet de ce marchandage. A vrai dire outre le groupe IAG qui opère largement en Europe, deux autres transporteurs risquent d’être impactés : Flybe et bien entendu easyJet.

Cela ne résoudra pas pour autant la difficile question de la compétitivité des compagnies françaises face à leurs homologues britanniques. Flybe est un opérateur somme toute assez secondaire et suffisamment utile au désenclavement des régions pour ne pas être trop inquiété. IAG de son côté possède deux transporteurs espagnols Iberia et Vueling, lesquels disposent d’un Certificat de Transport de leur pays et donc européen. Ils continueront à bénéficier de droits de trafic, comme par le passé.

Le cas d’easyJet est plus intéressant. La compagnie est de droit britannique. Elle possède certes une filiale suisse dont elle pourrait éventuellement se servir, mais il n’est pas certain que cela soit vu d’un bon œil, d’autant plus que même si la Suisse bénéficie de l’ »Open Sky » européen, elle ne fait pas partie de la Communauté, tout comme la Norvège d’ailleurs avec son transporteur Norwegian. Voilà d’ailleurs une question intéressante.

Les pourparlers pour le rachat de Norwegian par le groupe IAG pourront-ils aller au bout sachant que la compagnie nordique risque alors de passer sous un pavillon britannique ce qui lui couperait d’office les accès aux marchés européens juteux qu’elle convoite ardemment ?

EasyJet a anticipé l’éventuelle difficulté en obtenant un pavillon autrichien, donc européen.
Seulement l’affaire ne sera pas aussi simple car elle devra alors reconstruire de fond en comble ses opérations aériennes. Nombre d’appareils opérant en Europe sont en effet basés au Royaume Uni.
Voilà que ne va pas simplifier ses affaires. Néanmoins, on peut être confiant dans les capacités de la compagnie pour trouver une solution à ce casse-tête.

Reste le plus gros « low cost », Ryanair. En théorie la compagnie est de droit Irlandais et elle ne sera donc pas touchée par une réduction des droits de trafic européens. Sauf que l’affaire n’est pas si simple. D’abord Ryanair a une très forte exploitation entre l’Irlande et le Royaume Uni.

Rien qu’entre Dublin et Londres, elle opère 19 vols quotidiens auxquels il faut rajouter la desserte de Birmingham, Bristol, Edimbourg, Glasgow, Leeds, Liverpool, Manchester, Newcastle et Nottingham au départ du seul aéroport de Dublin. Dans le cas d’un Brexit dur, on voit mal comment les britanniques
pourraient ne pas demander la réciprocité, ce qui conduirait immanquablement Ryanair à diminuer fortement sa desserte du Royaume Uni, car les transporteurs britanniques ne disposent pas de la flotte adaptée pour assurer l’équivalence de la desserte.

Au total, les transporteurs français peuvent-ils être bénéficiaires d’un Brexit ? Probablement car ils sont pour le moment tout au moins incapables d’opérer de manière rentable sur le territoire britannique alors que l’inverse n’est pas vrai. Alors il est probable qu’ils constateront une pression moindre de la part des compagnies britanniques.

Pour autant est-ce que les clients français du transport aérien y trouveront une certaine satisfaction ?
Rien n’est moins sûr car nombre de dessertes actuellement opérées par les transporteurs britanniques risquent de disparaître et les compagnies françaises sont, pour le moment tout au moins, dans l’incapacité de les reprendre de manière rentable.
Allez, espérons que tout cela finira par bien se terminer.

Jean-Louis Baroux





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