Paris Aéroport ou Aéroports de Paris ?


A grand renfort de médias, Augustin de Romanet, le président de feu Aéroports de Paris a dévoilé la nouvelle identité de sa société : Paris Aéroport. En fait il ne s’agit pas simplement d’un changement de marque dont on se demande pourquoi investir 12 millions d’€ juste pour une inversion de mots, mais de la création d’une deuxième marque : Groupe ADP.

Si j’ai bien compris, La première est destinée aux voyageurs et la deuxième à l’ensemble des métiers du groupe.

baroux-1Ce n’est pas si simple. A première vue Groupe ADP s’adressera aux salariés et aux clients directs de la société alors que Paris Aéroport sera le symbole de l’accueil des clients individuels. Bon, pourquoi pas au fond ? Mais alors il faudra donner un contenu aux promesses.

Pour ce qui est de Groupe ADP, gageons que la marque indique l’ambition de devenir un acteur global et mondial des plateformes aéroportuaires. Cela signifie que Groupe ADP veut être compétent aussi bien dans la conception des aéroports que dans leur construction et leur gestion. Ce n’est pas vraiment nouveau car ADP est présent dans 38 pays, ce qui n’est pas rien.

Mais alors, le groupe semi-public car bien que le titre soit côté en bourse, l’Etat en détient encore 50,6 %, va se trouver en concurrence directe avec Vinci Airports qui affiche les mêmes ambitions et détient 8 % de son capital.

Ne va-t-on pas arriver à une guéguerre franco-française, comme on a pu le constater, en son temps, entre EDF et Areva, ce qui a fait perdre nombre de gros contrats de centrales nucléaires.

Certes, le Groupe ADP est parfaitement légitime dans ses ambitions internationales. Le secteur du transport aérien restera très porteur pendant de longues années et le manque d’infrastructures aéroportuaires est criant. Voilà donc une activité pleine d’avenir. On aimerait pourtant que le Groupe ADP s’intéresse de plus près à la privatisation des aéroports français.

Pour tout dire, il est un peu choquant de voir des capitaux chinois contrôler l’aéroport de Toulouse alors que nous avons en France deux opérateurs dans ce domaine d’activité. Il serait un peu logique de ne pas laisser partir vers des propriétaires étrangers Lyon St Exupéry ou Nice Côte d’Azur, par exemple. Pourquoi Vinci Airports et Groupe ADP ne s’allieraient-ils pas pour faire une offre compétitive ?

Et puis il y a le volet Paris Aéroport. Je note tout d’abord l’absence de « s » dans la marque. Cela indique sans doute une volonté d’homogénéisation du produit et des services rendus sur l’ensemble des plateformes. Eh bien il y a du pain sur la planche ! Roissy dispose de 9 terminaux tous disparates, éloignés les uns des autres et très mal reliés entre eux si on excepte la liaison entre CDG 1 et le pôle central de CDG 2.

Rajoutez à cela qu’Orly, avec ses deux terminaux, est construit à partir d’une conception très différente et que Le Bourget n’a pas la même vocation. Bref rencontrer dans chacun des terminaux, une unicité de services, voilà qui va être très complexe. Peut-être commencera-t-on par une signalétique performante et homogène ? Il est d’ailleurs curieux de constater que les aéroports ne sont pas arrivés, au sein de l’ACI, à définir une signalétique commune à tous les aéroports mondiaux alors que, par définition, les passagers vont, eux, d’un aéroport à l’autre.

Certes la volonté d’annoncer fièrement que « Paris vous aime » est très louable, encore faudra-t-il le prouver. Et là encore le chantier n’est pas mince, d’autant plus que le Groupe ADP ne maitrise pas, par exemple, les accès entre ses aéroports et la ville. Il faut appeler un chat, un chat. La desserte aussi bien d’Orly que de Charles de Gaulle est un véritable scandale, indigne de l’ambition d’être classé parmi le top 10 des aéroports mondiaux. Et l’affaire n’est pas prête d’être résolue. On parle maintenant de 2024 pour Roissy Express, quant à Orly Express, on n’en parle même pas.

Et que dire des grèves des taxis et des incidents que les clients des VTC ont dû subir l’année dernière ? Comment dans ses conditions le Groupe ADP peut-il montrer à l’étranger un savoir-faire qu’il n’est pas capable d’afficher dans sa plateforme principale ?

C’est par l’ambition que l’on fait bouger les choses. En l’occurrence, le changement de marque indique une vraie volonté de se positionner comme une future référence mondiale. Une qualité de service irréprochable et une capacité de construire et de gérer des aéroports partout. Voilà qui est enthousiasmant et qui doit être salué. Pourtant un certain scepticisme a accueilli ces annonces. Le titre a chuté de 1,14 % à la bourse. Mais le projet ne pourra pas devenir réalité à court terme, mais sur une longue période.

En tous cas, en tant qu’utilisateur fréquent des aéroports parisiens, je ne peux que m’en réjouir.

Jean-Louis BAROUX





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