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Affaire Donatello : Orgueils et préjugés… la leçon du jour

bertrand Figuier [1]L’année commence par une belle leçon.

En effet, l’affaire Donatello montre à quel point les succès d’hier ne seront pas ceux d’aujourd’hui.

Une bonne idée, un bon modèle économique, c’est d’abord un temps T ; rarement un temps éternel, surtout dans les affaires.

C’est aussi beaucoup de chance, même si l’on a vite fait d’oublier que l’opportunisme ne fait pas le génie ; savoir durer longtemps non plus.

Les recettes n’ont qu’un temps, un temps bien circonscrit, et il est vain, voire orgueilleux, d’imaginer que l’on pourra les répliquer telles quelles à une autre époque.

Le monde change ; hélas…

Le marché de masse, qui a fait le succès de Marmara par exemple, existe encore, certainement ; mais celui de 1995 ou du début des années 2000 n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui.

Dans les années 90, le volume, quelle que soit la branche d’activité, était synonyme d’industrialisation des processus de production. En 2015, le volume, ce sont surtout des moyens de distribution tous azimuts, du marketing et un énorme financement à bas coût.

En 1995 ou en 2000, le produit « volume » devait juste être basique et standardisable ; aujourd’hui, il doit être à la fois personnalisable, innovant et rassurant ; le tout pour un prix, si l’on peut encore appeler ça un prix, qui varie tous les jours.

Autrement dit, le volume aujourd’hui, c’est un coût fixe déterminé pour un rendement de plus en plus aléatoire. C’est le principe même du casino : je sais combien je mise ; on verra combien je gagne…

Ce qui pouvait se programmer en 2000 est donc devenu un jeu de chance, de loto, et plus seulement une question de savoir-faire.

En reprenant Donatello, les nouveaux managers du TO ne l’avaient sans doute pas remarqué. Tout à leur talent, ils pensaient probablement pouvoir dupliquer la recette et les méthodes qu’ils avaient éprouvées chez Marmara et qui leur avait valu une gloire méritée.

S’appuyant sur l’image rassurante de Donatello, une marque en laquelle le public avait confiance, ils ont dû se dire que leur expérience « volume » suffirait à la dynamiser réellement.

Sans doute pensaient-ils que, sur la seule foi de leur excellente réputation professionnelle, la clientèle et les agences allaient les suivre comme au bon vieux temps.

Mais voilà, la crise, un marché à la baisse, l’évolution du consommateur, de ses attentes et de son comportement ont rompu le charme, et le marché n’a pas répondu avec le même dynamisme qu’il y 15 ou 20 ans.

Le client de Donatello n’a jamais été et ne sera jamais celui de Marmara…

Pourtant les nouveaux patrons du TO se sont entêtés… un réflexe fréquent… « Orgueil et préjugés »… quand tu nous tiens…

Même si le modèle économique, très « moyen-courrier » du TO commençait à fatiguer… il fallait sans doute faire davantage attention à l’image de la marque, à son contenu produit, à la nature de sa clientèle et, quitte à tout révolutionner, le faire en douceur, progressivement, en tenant compte des compétences internes.

Résultat de cet aveuglement : un beau, un triste, un très triste gâchis.

Mardi prochain, à la sortie du tribunal de commerce, Donatello peut laisser plus de 100 personnes sur le carreau…avec des fournisseurs en rade, un passif d’environ 5 M € et, selon la rumeur, plusieurs mois de loyer impayés…

Voilà une belle, une vraie marque, ultra référencée, qui risque désormais de disparaître à tout moment, en laissant les agences orphelines.

Et oui, pour elles, sur le marché, ce n’est pas si courant en ce moment les TO qui font du produit à valeur ajoutée, du produit à prix non cassé… Il n’y en pas beaucoup qui peuvent, comme Donatello, se vanter de faire une pub dans le Figaro en amortissant cet effort financier par les ventes d’une seule journée…

Cette clientèle, plutôt fidèle et très attachée à la marque pour des raisons concrètes, comme la qualité du produit et du service, par exemple, chez qui va-t-elle aller demain ?

Qui en effet, parmi les producteurs, pourra lui répondre avec la même garantie de qualité ? Ne serait-ce que sur le moyen-courrier…

Pas besoin d’être grand clerc pour deviner que, ne trouvant plus son bonheur en agence, cette clientèle voyageuse et aisée ira majoritairement vers Internet et son « sur mesure ».

Il sera beau temps alors de dire que le Web gagne de façon déloyale des parts de marché sur les entreprises traditionnelles.

Mais le pire dans tout ça, c’est que souvent, trop souvent, les leçons ne servent à rien…

Alors bonne année quand même…

Bertrand Figuier