Le Gouvernement vient d’annoncer un plan très ambitieux pour soutenir la filière aéronautique. En gros, il s’agit de mettre 15 milliards d’euros pour relancer cette activité dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle a été sérieusement secouée par la crise du Covid-19. Tout cela est bel et bon, mais à y regarder de plus près, on peut se poser quelques questions.
D’où vont venir les 15 milliards d’euros et à qui sont-ils destinés ?
On pourrait penser que l’Etat, dans sa grande générosité et conscient de l’apport du secteur aéronautique ferait l’effort pour apporter les fonds. Ce n’est pas le cas. La décomposition des fameux 15 milliards est intéressante à examiner. Il suffit d’ailleurs de suivre la présentation officielle qui en a été faite.
D’abord un appel au secteur export de BPI France de manière à faciliter les assurances crédit à la vente des Airbus à l’étranger, comme cela vient de se faire pour la commande du transporteur turc Pegasus Airlines.
Toujours via BPI France Export, mise en place, à partir de mars 2020 d’un moratoire sur les échéances de prêts consentis aux acquéreurs d’avion, en clair leurs échéances sont reportées pour éviter les défauts de paiements pour lesquels l’Etat devrait se substituer.
Et enfin proposer un assouplissement des modalités de remboursement pour l’achat des nouveaux appareils. Pour autant que je puisse lire, cette partie du plan n’est pas chiffrée. Par contre il est prévu d’anticiper des commandes militaires et de sécurité civile pour un montant de 832 millions d’euros.
Ensuite le soutien à Air France dont il faut rappeler qu’il s’agit de garantir un emprunt de 4 milliards auprès des banques, un peu frileuses pour prêter de l’argent à une compagnie jugée fragile, et de fournir une avance en compte courant d’actionnaire de la part de l’Etat pour 3 milliards d’euros.
Finalement cela ne coûte rien à l’Etat car il faudra bien rembourser les emprunts fusse dans un avenir éloigné et le compte-courant d’actionnaire devra lui aussi être remboursé. A moins que celui-ci soit reconverti en capital ce qui reviendrait à renationaliser la Compagnie, exercice d’ailleurs pas si simple compte tenu de la composition actuelle du capital.
Restent en gros 7 milliards d’euros.
Il est prévu la création d’un fonds d’investissement aéronautique destiné aux PME et ETI du secteur.
L’objectif est d’atteindre 1 milliard d’euros mais on est encore loin du compte. Si je fais bien les additions, on en est à 400 millions d’€ souscrits par BPI France pour 200 millions d’€, Airbus pour 116 millions, Safran pour 58 millions et Dassault et Thales pour 13 millions d’€ chacun.
Le fonds devrait être opérationnel en juillet avec une première tranche à 500 millions. Là encore, le montage est habile et l’Etat n’a toujours pas mis la main à la poche.
Par contre l’Etat mettra bien 300 millions sur 3 ans dans la création d’un fonds d’accompagnement public à la diversification, la modernisation et la transformation environnementale des procédés. Il n’est pas précisé qui gérera ce fonds et l’exemple proposé est l’utilisation des moyens du secteur
pour… produire des respirateurs.
L’Etat mettra en plus 1,5 milliard d’€ toujours sur 3 ans pour soutenir la Recherche et Développement de manière à faire de la France un des pays les plus avancés dans les technologies de l’avion « vert ».
Bon je refais mes calculs et il manque encore au moins 4 milliards d’€. C’est peut-être la contribution de BPI France Export à l’aide aux achats d’Airbus. Tout cela n’est pas très clair. Je note cependant que la présentation qui est faite ne correspond pas à une aide financière de l’Etat à hauteur de 15 milliards.
Si on met bout à bout le compte-courant d’Air France pour 3 milliards, et les quelques 1,8 milliards et encore sur trois ans pour le soutien à la recherche et aux PME, on est loin du compte.
Le reste, c’est-à-dire la plus grande partie, ce n’est finalement que de l’habillage, certes habile, certes
utile, mais on ne peut tout de même pas dire qu’il provient de l’Etat.
Mais finalement je reste choqué de voir que pour les Pouvoirs Publics, les compagnies aériennes, à la notable exception d’Air France, ne semblent pas faire partie du secteur aéronautique.
A ce jour seule La Compagnie a réussi à obtenir son PGE. Alors les autres transporteurs comptent-ils pour rien ? Or que deviendrait ce secteur s’il n’y avait pas les opérateurs : compagnies aériennes, assistants aéroportuaires, aéroports et tous les prestataires de services qui sont totalement oubliés.
Il serait urgent que Mme Elisabeth Borne et Mr Jean-Baptiste Djebbari, tous deux signataires du plan de soutien à l’aéronautique, prennent en compte tous les acteurs et non pas seulement une sélection d’entre eux.
Jean-Louis Baroux