Pourquoi Air France – KLM a t-elle le vent en poupe ?
13 mai 2016 Jean-Louis Baroux 1 commentaire À la une Air France-KLM, Alexandre de Juniac, IATA, Jean-marc Janaillac 4737 vues
Réjouissons-nous des résultats affichés par le groupe Air France/KLM pour le premier trimestre 2016. Ils sont franchement meilleurs que ceux de l’année dernière pour la même période. En effet le résultat net est passé de -560 millions en 2015 à -152 millions. Bon ce n’est pas encore très glorieux, mais traditionnellement le premier trimestre est toujours le plus mauvais de l’année.
Par contre certains points d’interrogation demeurent à la lecture des comptes. Notons d’abord que toute l’amélioration du résultat, soit 408 millions est presque entièrement représentée par le poste carburant, lequel est descendu à 1.096 millions contre 1.480 millions en 2015, soit un gain de 384 millions d’€ ce qui fait 94 % de l’amélioration.
Le reste est dû à un mélange de bons et de mauvais chiffres. Le chiffre d’affaires est en hausse de 23 millions ce qui reste tout de mêle modeste et la dette nette a baissé de 146 millions pour s’établir à 4.161 millions, montant encore terriblement important et qu’il faut bien financer même si les taux n’ont jamais été aussi bas.
Au chapitre des inquiétudes, on peut mentionner la masse salariale qui n’arrive pas à baisser puisqu’elle a encore augmenté de 14 millions d’€ au premier trimestre alors que les effectifs ont diminué de plus de 3 000 salariés par rapport à la même période de l’année dernière. Cela signifie que les salaires continuent à augmenter.
Et puis, les comptes font nettement apparaître que les capitaux propres sont repassés en négatif de 556 millions. Or, pour autant que je sache, les compagnies aériennes françaises doivent impérativement afficher des capitaux propres positifs faute de quoi elles perdent leur licence d’exploitation.
Certes un délai est toujours accordé pour reconstituer les fonds propres et il serait surprenant que l’Aviation Civile française se montre rigoureuse vis-à- vis du transporteur national, mais les règles sont les règles et il est à souhaiter que les résultats du 2 ème trimestre permettent de repasser les capitaux propres en positif.
Finalement le groupe traverse une zone de turbulences non prévue. Elle s’est ouverte par la démission surprise du Président du Groupe Alexandre de Juniac (photo), probablement lassé de ne pas pouvoir réformer la société au rythme qu’il souhaitait lui imposer. Il va passer maintenant du côté des arbitres en prenant la direction de IATA. A ce poste, il sera d’ailleurs en première ligne pour arbitrer le différend qui ne va cesser de s’aggraver entre les compagnies du Golfe et les transporteurs occidentaux.
Cette démission intervient au moment où il fallait mettre en place les mesures du plan Perform 2020 dont, seul, le succès pourrait assurer le maintien du Groupe dans le top 10 des transporteurs aériens mondiaux. Or il sera bien difficile de maintenir le cap car celui-ci demande encore des efforts à toutes les catégories de personnel, y compris aux pilotes et cela sera très compliqué à faire passer dans un contexte d’amélioration des comptes, même si celle-ci est due à des causes extérieures, et au moment où une nouvelle gouvernance va s’installer.
En fait, même si les options sont maintenues, 6 mois vont être perdus pour leur mise en application car il serait surprenant que des décisions de fond soient prises avant l’entrée en fonction de Jean Marc Janaillac, le nouveau Président du Groupe même si l’équipe de direction d’Air France et celle de KLM restent en place. Il va d’ailleurs être très intéressant de voir comment le pouvoir va être exercé dans cette nouvelle configuration.
Si JMJ veut imposer sa marque, il devra mener lui-même les négociations avec les pilotes et alors, inéluctablement, désavouer au moins partiellement les mesures imposées par la direction actuelle, lesquelles ont été approuvées par les Tribunaux. Mais il est également possible qu’il laisse une grande latitude de commandement aux Présidents des filiales française et néerlandaise et alors son rôle risque de n’être que de la représentation.
Quoiqu’il en soit, cette période de transition ne peut pas être bénéfique à Air France. Elle se traduira inévitablement par un certain flottement et par la tentation d’un bras de fer avec les pilotes qui, comme toujours menacent de faire grève dès qu’ils n’obtiennent pas entière satisfaction à leurs demandes.
Pour tout dire, un conflit social cet été serait un désastre total pour la compagnie. Les nuages arrivent, il n’est pas certain qu’ils amènent des orages.
Jean-Louis BAROUX
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1 commentaire pour “Pourquoi Air France – KLM a t-elle le vent en poupe ?”
« désavouer au moins partiellement les mesures imposées par la direction actuelle, lesquelles ont été approuvées par les Tribunaux »
Il est dommage lorsqu’on se lance dans une analyse qui se veut fouillée de se livrer à une telle approximation. Je vous invite à relire le jugement. Vous y verrez que le juge a refusé d’appliquer les mesures dont la compagne demandait expressément la mise en oeuvre. Il s’est borné à dire que le recours unilatéral de la compagnie à l’arbitrage de son PDG était légal, alors que le SNPL contestait le fait que le PDG puisse être juge et partie.