Bahreïn à la conquête des touristes Français


La rencontre avec Bahreïn se résume pour beaucoup à quelques heures d’escale lors de croisières sur géants des mers, à un transit à l’aéroport pour des vols vers l’Asie, ou à suivre les pilotes du Grand Prix de Formule 1. Le royaume, un des emblèmes des Mille-et-Une nuits, mérite bien plus que cela et il veut que ça se sache.

La trop répandue facilité rédactionnelle de qualifier une destination de « terre de contrastes » trouve cette fois à Bahreïn toute sa signification première. Il faut bien 3-4 jours pleins pour en mesurer l’étonnante diversité où traditions millénaires côtoient hautes technologies modernes dans un en-même-temps pas si courant. Le fruit d’une histoire à nulle autre pareille.

Il y a bien longtemps Bahreïn, et son chapelet d’ilots, était une oasis luxuriante dans laquelle beaucoup situent le jardin d’Eden des Écritures.

Et encore à l’époque d’Alexandre Le Grand qui y envoya ses émissaires chercher fruits, légumes et viandes pour nourrir sa grande armée à la conquête de l’Asie. Les Grecs ont fortement marqué Bahreïn qu’ils baptisaient Tylos.

La visite incontournable du splendide Musée National met en perspective tous ces apports et la riche culture qui en découla. Juste à côté, le Théâtre National à l’architecture d’avant-garde, où les plus prestigieux orchestres et artistes lyriques internationaux se produisent, orne son parvis d’une sculpture de plongeur en apnée à la recherche de perles huîtrières, l’identité de Bahreïn.

La perle locale, réputée une des plus belles et pures au monde, mariée à l’or devient entre les mains d’orfèvres ornement de remarquables parures féminines.

Le drapeau du pays est au diapason : une bande blanche pour l’éclat des perles, une bande rouge avec cinq pointes pour la couleur du textile sur lequel on met en valeur les perles et les cinq commandements de l’islam.

Lors d’une sortie en mer sur un cotre traditionnel en quête de la perle, l’ex or blanc de Bahreïn, on croisera un super tanker, l’or noir du pays contemporain. Hier et aujourd’hui, côte à côte.

Dromadaire et Formule 1

Son avenir, Bahreïn le voit bien dans l’accueil de visiteurs en recherche des charmes et mystères de son territoire multi séculaire.

Sur quelque 765 km2 (10 fois moins que la Corse et ses 330 000 habitants), les 1,45 million de résidents de Bahreïn, dont 60 % de migrants venus d’Inde, Sri Lanka, Philippines ou Thaïlande, ont depuis toujours vu passer foule de voyageurs mais pas encore vraiment pour le loisir, hormis les voisins d’Arabie Saoudite lors de week-ends festifs.

Au pouvoir depuis 1783, la dynastie Al-Khalifa, prenant la suite des Ottomans, des Portugais et des Perses, aura vécu sous la domination des Anglais dès 1820 et jusqu’à l’indépendance en 1971.

Le cheikh Hamad Ben Issa Al-Khalifa (photo ci-contre), devenu émir en 1999 au décès de son père, décide de transformer le pays en monarchie et prend le titre de roi en 2002.

C’est sous l’égide du prince héritier, Salman Ben Hamad, que Bahreïn a engagé une profonde revalorisation de ses atouts dont Muharraq, ancienne capitale. Les ruelles et habitations typiques y sont une à une restaurées et deviennent lieux de culture.

Même mise en valeur pour la forteresse de Riffa et la bien plus récente mosquée Al Fateh avec son dôme le plus grand du monde et son imposant lustre signé Swarovski.

Mais la première grande réalisation de mise en lumière du pays à l’international fut l’ouverture en 2004 du circuit automobile de Sakhir hôte du Grand Prix de Formule 1 par Michael Schumacher et celle de 2019 par Lewis Hamilton… juste à côté de la ferme de dromadaires du roi.

A marche accélérée

Pour faire tourner ces bolides, le pétrole est sur place ! Après l’Iran et l’Irak, Bahreïn fut le 3ème site de découverte de gisements au Moyen-Orient en 1932. Une révolution pour ce territoire où le désert envahissant s’est transformé en forêt de derricks et de torchères de gaz… sans renier la tradition : comme le faisaient sur cet espace les nomades d’autrefois, les Bahranis continuent, entre les pipe-lines, de dresser de grandes tentes pour recevoir famille, proches et invités lors de bbq parties et autres moments de convivialité.

Impression étonnante pour le voyageur de passage. Surtout qu’en plein milieu de ce décor pétrolifère et rocailleux, la vedette est tenue par « l’arbre de vie », un acacia géant âgé d’au moins 400 ans (la moyenne pour cette variété est de 90 ans) dont personne ne comprend comment il peut vivre dans de telles conditions.

A moins d’adhérer à la croyance locale qui fait de lui le dernier arbre survivant du Jardin d’Eden. Le passé et le présent toujours en même temps.

La confirmation vient dans le centre de Manama, la capitale. Les minarets traditionnels élancés se partagent le ciel avec des gratte-ciels toujours plus hauts et architecturalement osés, tel le World Trade Center avec ses deux tours reliées par trois éoliennes.

Le portrait du roi, omniprésent, sur le fronton des édifices doit partager la vision avec le visage d’une célébrité nouvelle, le papy fondateur de KFC.

Des malls, centres commerciaux démesurés avec boutiques des plus grandes marques internationales, cinémas, piscine ou patinoire, ne sont qu’à deux pas, ou plutôt tours de roues tant la voiture est reine ici, des petites échoppes ancestrales du souq.

A l’instar de quelques uns de ses voisins, Bahreïn sent venir la fin de l’âge doré du pétrole. Les gisements s’épuisent et des puits ferment.

La fortune encore accumulée est donc toute orientée vers l’avenir de l’après. Avec dans un premier temps, l’accueil de sièges sociaux d’entreprises et banques rayonnant sur tout le Golfe persique, et demain, celui de touristes.

Un défi engagé à marche accélérée et déjà visible.

Yves Pouchard





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