Les services de conciergerie fleurissent partout. Ex-collaborateur de Voyageurs du Monde et spécialiste des USA, Benoît Cerceau, le PDG de OnSpot, a remarqué combien le consommateur qui voyage a besoin d’aide sur place, pour être rassuré et satisfait de son expérience. Partant d’une offre de service dans l’assistance logistique locale pour répondre aux fréquents imprévus que les TO ne peuvent pas gérer directement et en temps réel, il a vite ajouté la conciergerie proprement dite à son activité de réceptif, pour enrichir localement le contenu des produits. Depuis les USA où il travaille aujourd’hui, il nous livre son analyse sur ce nouveau type de fournisseurs.
La Quotidienne : Comment expliquez-vous le développement rapide des services de conciergerie ?
Benoît Cerceau : Ça vient surtout du contexte général de la concurrence. Il est si intense, surtout sur le marché français et sur la destination USA, que les TO ont du mal à trouver de la marge à partir de leurs produits. Pour créer de la valeur et justifier les différences de tarif, le seul moyen, c’est de proposer du service, surtout dans le sur mesure et pour les autotours individuels.
[1]De ce point de vue, le développement de l’offre dans l’assistance logistique sur place, pendant le voyage, et plus généralement dans la conciergerie proprement dite, est un phénomène qui s’inscrit dans la durée. La véritable expertise du TO, c’est sa connaissance de la destination. Mais, tandis qu’on court de plus en plus après les marges, on ne peut pas répondre à tous les besoins locaux du client. Or le support d’un guide papier reste très figé et le client attend des réponses rapides, pointues et dans sa propre langue, sur ce qu’il y a autour de lui à chaque instant de son voyage.
Les réceptifs devraient intégrer cette demande de « personnalisation instantanée » du contenu produit dans leurs activités. Cette tendance est rentrée dans le marché aujourd’hui, et les clients demandent de plus en plus au TO s’il a un service d’assistance locale et de conciergerie. On voit même des TO perdre des dossiers parce qu’ils n’en ont pas.
Et ce n’est pas un hasard si le déploiement d’OnSpot hors USA, en Amérique Latine notamment, accompagne le développement de nos clients TO vers de nouvelles destinations, en particulier pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’y implanter matériellement.
LQ. : Comment cette offre de service est-elle commercialisée ?
BC. : Il y a d’abord le système des centres d’appel qui facturent à la minute. Ça veut dire des marges basses, pour une écoute relativement « standard » et un client qui contrôle de plus en plus ses dépenses. Chez OnSpot, on a préféré partir d’une carte en marque blanche, avec un modèle forfaitisé par dossier dont le prix est dégressif selon le volume de clients que le TO nous envoie.
[2]Certains TO offrent cette carte ; ça impacte leurs marges mais en contrepartie, ils fidélisent davantage leurs clients. D’autres TO, la majorité de ceux avec lesquels nous travaillons par exemple, en font un élément du produit et margent dessus.
Cela dit, la commercialisation peut aussi passer par des partenariats, comme celui que nous venons de conclure avec Miles Attack et qui nous donne un accès direct à 10 000 agents de voyages environ dans plusieurs pays européens. Après, c’est une question d’échelle et de maîtrise de son développement. Pour les GDS, notamment et pour le référencement réceptif dans les réseaux, il faut avoir atteint une certaine taille. Pourtant, à terme, il me semble naturel d’envisager de travailler avec eux. Pour l’instant, on privilégie sans doute le BtoB mais, à terme, ça rentre évidemment dans nos perspectives.
LQ. : En apportant du contenu personnalisé au voyage des clients, est-ce que ce service pourrait devenir le cœur du produit touristique ?
BC. : Pour moi, ça deviendra effectivement le cœur du produit et l’enjeu majeur portera sur la crédibilité de l’information proposée aux voyageurs.
Sans vouloir jouer les visionnaires, on ira sans doute vers des « engagements qualité », voire même des normes ISO ou quelque chose de ce genre… Et la connaissance « intime » d’une destination, la capacité à « hyper-personnaliser » le contenu, à surprendre le client sur la destination qu’il a choisie, deviendra vite un enjeu de positionnement marketing. Avec plusieurs avantages à la clé.
Sur un marché très fragmenté, comme les USA où un client peut avoir plusieurs intermédiaires pour ses locations de voiture, ses hébergements etc.…, une offre d’assistance et de conciergerie locales permet d’unifier l’ensemble avec un seul numéro vert pour tout le dossier. Ensuite, le TO et l’agent de voyage se redonnent les moyens de personnaliser leur offre, de se différencier réellement, « d’individualiser » leur positionnement pour ainsi dire, et d’échapper ainsi aux comparaisons trop rapides sur le seul critère du prix.
On parlait tout à l’heure d’outil de fidélisation, mais on peut encore évoquer la qualification client, puisque le jeu consiste à répondre à ses demandes particulières, et parfois au dernier moment, sur place, à l’impulsion. Pour OnSpot par exemple, la qualification commence dès l’inscription du client chez le TO – ça prend 2 minutes- ; puis elle s’étoffe lors de l’activation du service par le client lui-même – il renseigne sa fiche en indiquant son âge, ses goûts, s’il est fumeur ou non, sportif ou pas… bref toutes ces préférences et celles des gens qui l’accompagnent – et enfin elle se poursuit avec notre application qui l’informe de tout ce qui se passe autour de lui pour les 3 jours suivants – ça incite le client à nous appeler s’il veut réserver quelque chose ou modifier son parcours.
LQ. : Est-ce un moyen de revenir à des prix et des marges économiquement plus intéressants ?
BC. : Pour les TO et les agents de voyages, en tout cas, c’est déjà une nouvelle source de revenu. En achetant son voyage, le client est encore dans le virtuel. Il paye, mais il hésite très souvent à s’engager sur telle ou telle activité. Des services comme ceux d’OnSpot, lui permettent de le faire à la dernière minute, à l’impulsion, quand il réalise que « ce serait trop bête de rater ça » alors qu’il est sur place. Du coup, le TO ou l’Agent de voyage qui intègre ce service dans sa vente, marge d’abord sur sa propre vente, puis sur les dépenses commissionnées que son client réalise sur place : réservations de spectacle, entrées dans un parc, excursions….
Notre panier moyen est de 50 US$ par personne, alors que nos tarifs sont par dossier, et la commission tourne autour de 7 %. Ce n’est pas négligeable.
Et bien sûr, quand la tendance aux achats de dernières minutes augmente, le jeu consiste à faire monter les dépenses du client.
Autre source d’intérêt, la baisse de litiges qui diminue mécaniquement le travail de SAV ; on peut régler les problèmes sur place, mais le TO peut aussi pousser la réactivité jusqu’à rembourser le client dès son retour pour telle ou telle prestation litigieuse. Encore de la fidélisation…
LQ. : Bref, la conciergerie, ça ressemble à l’avenir ?
BC. : Il y aura bien sûr un temps d’éducation du client jusqu’à ce qu’il comprenne que la valeur ajoutée d’un voyage peut être dans une carte. Ensuite, cette valeur ajoutée sera déclinée en fonction du niveau de service attendu : gold, prémium, platinium…
Les prix fluctueront et les produits deviendront de plus en plus incomparables. Un fois cette étape franchie, il faudra absolument devenir la référence de l’assistance locale et de la conciergerie, à la fois pour se développer en franchise et pour permettre aux TO de communiquer sur « son » concierge.
Propos recueillis par Bertrand Figuier