Ce que cache vraiment le concept de Surtourisme
10 août 2018 Richard Vainopoulos Aucun commentaire Chroniques Airbnb, Surtourisme, Venise 10240 vues
Le sentiment d’un trop-plein touristique est la conséquence de deux facteurs : un manque flagrant d’organisation des flux, et la flambée des loyers liée au succès d’Airbnb.
Jusqu’à une date récente, on se demandait comment développer le tourisme. Aujourd’hui, on s’interroge sur la façon dont on pourrait le limiter. Peu importent les objectifs affichés par les pouvoirs publics – français notamment, mais pas seulement – qui visent à augmenter le nombre de visiteurs. Il y aurait des villes trop séduisantes, trop attirantes, trop uniques.
Nous pensions que c’était une chance, et voilà que l’on nous explique que ces villes sont en fait victimes d’une malédiction, la malédiction du « surtourisme » . Et si le problème était ailleurs ?
Une psychose qui cache un manque d’organisation
Et si le « surtourisme » n’était qu’une façon de signaler une mauvaise organisation de l’accueil des visiteurs ? Prenez Venise. La ville a accepté que des bateaux de croisières empruntent le canal de la Giudecca avant de s’apercevoir que les déplacements de ces énormes navires contribuaient à ébranler des constructions déjà soumises à rude épreuve. Certains appellent cela du « surtourisme ». J’appellerai ça plus simplement une erreur. Une erreur en passe d’être corrigée.
Autre exemple : Dubrovnik. Là encore, la ville serait victime du « surtourisme ». Dans les faits, il ne s’agit que de l’hypercentre ancien. Il a été décidé d’afficher un seuil à partir duquel les entrées seraient régulées. Une mesure qui n’est pas absurde. Remarquons simplement que ce chiffre n’a pour l’instant jamais été atteint. C’est quand même ce qui s’appelle faire beaucoup de bruit pour rien.
Améliorer la gestion des flux ? C’est possible !
Et Paris me direz-vous ? Et bien là encore le problème de Paris, bien réel, n’est pas le « surtourisme », mais une gestion pour le moins hasardeuse des flux touristiques sur certains sites parfaitement identifiés.
Le Louvre, qui a accueilli l’année dernière 8 millions de touristes, n’offre que deux entrées, soit deux goulots d’étranglement, sachant que l’immense majorité des visiteurs choisit de se présenter à l’entrée de la pyramide. Et que dire de la Tour Eiffel – + de 6 millions de visiteurs en 2017 – qui privilégie les groupes et rend la visite individuelle particulièrement compliquée, voire choquante quand des centaines de touristes font la queue sous la pluie et dans le froid – quand la priorité devrait être de fluidifier les arrivées (et je ne parle pas des grèves du personnel, comme récemment !)
Impossible ? Pas du tout. La preuve, à Amsterdam par exemple, un site internet informe en temps réel les visiteurs du temps de queue qui les attend. Très prochainement, une application indiquera les sites à éviter par rapport au temps d’attente estimé.
Que seraient ces sites sans le tourisme ?
Il ne faudrait pas oublier l’apport extraordinaire du tourisme. Pointés vulgairement du doigt par les adeptes de la théorie du « surtourisme », ces sites, au-delà de leur grande richesse culturelle, sont également – et il ne faut pas l’oublier – de véritables machines économiques. À Venise, le tourisme fait vivre 65 % de la population et rapporte à la municipalité deux milliards d’euros par an.
Dans la capitale catalane, 18 % du chiffre d’affaires des commerces barcelonais est généré par le tourisme. Sans touriste, près de 1.200 commerces se verraient contraints de fermer. Sans tourisme, Paris survivrait bien sûr, mais Versailles (3 millions au Château et 7 millions dans le Parc !) comme Blois ou encore Chambord n’auraient pas les moyens d’être entretenus et restaurés. Dans le Loir-et-Cher, Blois et Chaumont représentent 40 % des effectifs salariés du tourisme, lequel constitue la quatrième activité économique du département.
Le problème Airbnb
En fait, le vrai problème est la raréfaction des logements et la flambée des loyers, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec le « surtourisme ». Souvent citée aux côtés de Venise et de Dubrovnik avec lesquelles elle n’est pourtant pas comparable, Barcelone est surtout devenue l’emblème des dégâts occasionnés par Airbnb. Les habitants sont excédés, et à juste titre. Non pas parce qu’il y aurait trop de touristes, mais parce que cette entreprise incite les propriétaires à transformer leur logement en chambre d’hôtel. Les conséquences de ces transformations d’usage sont bien connues : raréfaction des appartements pour les habitants, explosion des loyers et des prix à la vente.
La solution ? Non pas dénoncer le « surtourisme », mais endiguer le phénomène Airbnb par tous les moyens. Des représentants Amsterdam, de Barcelone, de Lisbonne, de Madrid et de Paris se sont récemment rencontrés pour faire un bilan des mesures prises par les autorités et envisager de nouvelles actions. Berlin va se joindre à ce groupe. Et New York demande maintenant à Airbnb de donner la liste des hôtes ! Ce sont clairement les voies à suivre.
Plutôt que d’évoquer un trop plein de touristes – qu’il faudrait s’employer par tous les moyens à diminuer – parlons plutôt de l’optimisation de la gestion des flux et de l’encadrement de nouvelles pratiques. Il y a chez ceux qui dénoncent le surtourisme – et qui ne sont souvent pas les derniers à voyager – un ostracisme social envers la grande masse de visiteurs désireuse de connaître d’autres horizons, d’autres cultures, d’autres modes de vie. Le succès touristique est une chance et présente de nouvelles contraintes. Aux pouvoirs publics de savoir apprécier l’un et de gérer les autres.
Richard Vainopoulos
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