Au mois de juin dernier les élections législatives en Grèce ont porté au pouvoir un nouveau gouvernement, tandis que les élections locales ont souvent donné lieu à un renouvellement des équipes municipales. Comme il se doit dans le pays qui a inventé il y a des siècles la démocratie, le passage de flambeaux est l’occasion de donner sans à-coup de nouvelles lignes directrices. C’est pourquoi au salon IFTM-Top Résa nous avons rencontré lors d’un entretien exclusif Harry Theocharis récemment nommé Ministre du Tourisme grec, en remplacement de la très élégante Elena Kantoura qui il faut le dire n’avait pas démérité car en quelques années le dynamisme et le sens de la communication d’Eléna Kantoura avait restaurée à l’étranger l’image de la Grèce en tant que destination majeure de tourisme.
Pour commencer cet entretien exclusif, Harry Theocharis, le jeune Ministre (il n’est âgé que de 49 ans) a fait un point sur les chiffres du tourisme grec. L’année dernière, en 2018, la Grèce a accueilli 30 millions de touristes étrangers – dont environ 1,7 millions de français – aux quels il faut ajouter plus de 3 millions de croisiéristes. Au total cela a représenté environ un montant de dépenses de l’ordre de 60 milliards d’euros.
La France ne représente que le 3ème marché du tourisme grec, nous fait remarquer le Ministre, derrière l’Allemagne et le Royaume Uni, avec des réservations de dernière minute en légère progression.
Les objectifs du nouveau Ministre du Tourisme sont en premier lieu de viser une augmentation des recettes générées sur place par les touristes, plutôt qu’une augmentation massive du nombre de touristes, bien qu’il accueillerait celle-ci de manière positive.
L’idée est d’améliorer de manière sensible la qualité de service du tourisme grec pour faire venir où revenir une clientèle à plus fort pouvoir d’achat. Il semblerait que le Ministre aimerait améliorer tout particulièrement, l’hôtellerie intermédiaire, celle des hôtels 3* et 4* étoiles, et principalement l’hôtellerie non balnéaire.
Car le deuxième grand axe du Ministre est la promotion des régions moins connues de la Grèce et de ne pas centraliser tous les efforts sur les hauts lieux du tourisme balnéaire centré sur quelques îles fort courues et sur quelques régions côtières.
Sans sous-estimer l’importance vitale pour la Grèce de ce tourisme des plages, pour le Ministre, la Grèce a beaucoup plus à offrir avec d’autres régions à explorer, des régions pleine d’authenticité où les touristes pourront vivre d’intéressantes « expériences », le terme à la mode pour parler de rencontres et de vraies découvertes locales.
Le tourisme culturel doit être mis en avant dans un pays où il est difficile de faire quelques pas sans rencontrer de magnifiques sites archéologiques témoins de la naissance de notre civilisation commune.
La Grèce est un musée à ciel ouvert qui ne demande qu’à être mieux connu. Mais c’est aussi une mosaïque de villages, de régions, tous différents avec entre autres une gastronomie locale, dont les charmes sont à découvrir.
Pour ce tourisme qu’Harry Theocharis qualifie « d’engagé », une nouvelle campagne de communication est en préparation sur le thème de « l’exploration et de l’expérience », avec un accent important sur la communication digitale centrée sur l’usage de la téléphonie mobile.
Il ne pouvait pas être possible de ne pas interroger Harry Theocharis sur l’affaire Thomas Cook et sur l’ampleur du choc sur l’industrie hôtelière grecque.
Les services du Ministère du Tourisme estime que les hôteliers grecs font face une perte d’au moins 250 millions d’euros entre les paiements des mois passés qui n’arriveront jamais et ceux correspondants aux séjours en cours.
Certains espèrent que les caisses de secours des agences de voyages de toutes nationalités (APST, ATOLL…) auront la capacité financière d’en absorber une partie.
Mais l’autre aspect qui inquiète les hôteliers ce sont les réservations en cours. Seront-elles honorées où devront-ils faire face à une autre perte de chiffre d’affaires sur les mois à venir ?
Il est important de noter que la majorité des hôteliers grecs ont réagi avec dignité, laissant leurs clients continuer leurs vacances jusqu’au bout tout en sachant qu’ils ne seront pas près d’être payés.
Avec sagesse ils ont réalisé que ces mêmes clients seront à leur retour dans leur pays d’origine les meilleurs ambassadeurs du tourisme en Grèce et qu’ils seront nombreux à vouloir revenir. L’avenir du tourisme en Grèce était à ce prix.
Mais devant ce séisme financier, des hôtels qui devaient fermer comme chaque année à la fin octobre ont avancé de 2 à 3 semaines leur fermeture saisonnière. De son côté, comme nous l’a indiqué Harry Theocharis, le gouvernement grec a pris des mesures pour soutenir son hôtellerie. Suppression du paiement de la taxe de séjour et surtout un report immédiat du paiement de la TVA de six mois pour soulager la trésorerie des établissements touristiques.
Et pour les employés qui perdraient tout ou partie de leurs emplois, les conditions d’accès aux prestations sociales ont été modifiées. Le minimum de 100 jours de travail a été abaissé à 80, et la durée d’indemnisation légale a été rallongée, passant de 3 à 4 mois, permettant aux travailleurs saisonniers de faire plus ou moins le joint avec la prochaine saison.
Pour Harry Theocharis, la chute de Thomas Cook est un cap difficile mais déjà d’autres Tour Opérateurs de toutes nationalités sont sur les rangs pour reprendre à leurs comptes la destination. Et de citer TUI, « même si la clientèle de ce dernier est plutôt sur des produits niveau 3-4* alors que celle de Thomas Cook était majoritairement orientée 2-3*« .
A Top Résa le Ministre a rencontré la plupart des T.O. français avec chacun leurs spécificités. Ainsi lors de sa rencontre avec Axel Mazerolles, le Directeur Général de FTI Voyages il a été particulièrement intéressé par la possibilité d’ouverture en Grèce de Clubs FTI Privilège dont il a découvert et apprécié le concept.
De son côté Axel Mazerolles nous a confirmé que FTI prévoyait un fort engagement pour 2020 sur la Grèce, deux à trois fois plus important que ce qui avait été envisagé auparavant.
Bien que récemment nommé à la tête du tourisme grec, Harry Theocharis s’est rapidement emparé des dossiers et sa réputation de grand professionnalisme est un vrai plus pour ce ministère stratégique.
Diplômé de l’Imperial College de Londres, il a travaillé une dizaine années comme consultant dans le secteur privé avant de rejoindre le Ministère des Finances où à la tête du Service des Recettes Fiscales il l’a solidement réorganisé pour au final en redresser les résultats.
D’un abord facile, c’est quelqu’un qui sait écouter mais qui a une vision claire et à long terme de son action.
Bon communiquant, il saura convaincre ses interlocuteurs de la valeur de ses choix pour le futur du tourisme grec.
Frédéric de Poligny