C’est lui aujourd’hui, le superman de l’aérien !
14 juin 2017 Jean-Louis Baroux 2 commentaires À la une AWAS, Dubaï Aerospace Entreprise, Emirates, Sheikh Ahmed bin Saheed Al Maktoum, Sir Tim Clark 4900 vues
La lettre électronique Aviation Business éditée dans le Golfe vient d’annoncer la prise de contrôle par la Dubaï Aerospace Entreprise (DAE) de l’importante compagnie de leasing d’avions AWAS une émanation du groupe Ansett passée depuis dans les mains d’un « hedge fund » Terra Firma, lequel vient de la revendre à 100 % à la DAE.
Qui dirige la DAE ? Ne cherchez pas, le Président est le Sheikh Ahmed bin Saheed Al Maktoum. Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais sachez que cet important personnage est également à la tête du groupe Emirates et des aéroports de Dubaï International, le premier « hub » du Golfe et du Dubaï World Central, la toute nouvelle plateforme aéroportuaire dessinée pour accueillir jusqu’à 260 millions de passagers soit 4 fois la taille actuelle de Roissy Charles de Gaulle.
Bref, après avoir créé de toutes pièces tout le système aéroporté de l’émirat de Dubaï, lequel est devenu l’un des leaders mondiaux avant d’être le numéro un, le voilà maintenant un acteur de premier plan dans le monde des leasers d’avions.
Avec l’acquisition de AWAS, la DAE va peser près de 400 appareils, pour une valeur bilancielle de 14 milliards de dollars et 110 compagnies clientes parmi les plus importantes du monde. Bon il reste encore deux géants plus importants : Aercap qui détient 1 300 avions d’une valeur de 43 milliards de dollars et GE Aviation Capital : plus de 1 800 appareils et 46 milliards de dollars d’actifs.
Reste que dans les mains du Sheikh Al Maktoum on trouve le premier ensemble aéroportuaire du monde, la compagnie la plus importante tout au moins quant au nombre de passagers internationaux et le 3 ème leaser d’avions. C’est assez dire combien il pèse dans le secteur du transport aérien.
Il est à la fois fournisseur d’appareils, utilisateur de la plus grande flotte long-courriers mondiale, et principal hébergeur de vols mondial. Et tout cela à partir de rien ou quasiment rien en 1985. Moi, je dis « chapeau l’artiste ».
Qui va maintenant s’opposer à ce pouvoir ? Comment les constructeurs auront-ils assez d’indépendance pour ne pas suivre ses recommandations ?
En particulier, comment Airbus va-t- il pouvoir encore attendre pour développer la version allongée et remotorisée du A 380 réclamée à cor et à cris par Sir Tim Clark le CEO d’Emirates, compagnie dont il faut rappeler que le Sheikh Al Maktoum est le président ?
Comment les états européens dont les économies dépendent largement des flux de passagers et de la construction aéronautique, pourront encore résister aux demandes de droits de trafic supplémentaires de la part des compagnies du Golfe ?
Finalement le transport aérien est en train d’être contrôlé par l’un des plus petits états de la planète, qui ne possède aucun marché et qui n’existait pas dans ce secteur d’activité 40 ans auparavant.
Pour n’avoir pas su évoluer assez vite et dans la bonne direction, pour avoir pensé que s’enfermer dans des barrières de droits de trafic, pour avoir limité sciemment le développement des aéroports, comme celui d’Orly, pour avoir tout simplement fait les mauvaises analyses en pensant que les acteurs du Golfe n’existaient que par des soutiens artificiels, l’Europe est en train de perdre un leadership qui lui était historiquement promis.
Les grands donneurs d’ordre de la location d’avions, les grandes compagnies, les principaux aéroports sont américains ou originaires du Golfe.
Il serait grand temps de réagir si nous ne voulons pas perdre notre indépendance laquelle est déjà bien entamée dans cette activité si stratégique.
La réaction ne peut seulement être nationale. Elle doit être européenne, mais pour cela les Etats de la CEE doivent accepter de perdre une part de leurs prérogatives, en particulier pour ce qui concerne le contrôle aérien, pour les transférer à une autorité européenne. Si nous ne comprenons pas cela, nous ne devrons pas nous étonner de vois la concurrence du Golfe encore une peu plus prégnante.
Jean Louis Baroux
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2 commentaires pour “C’est lui aujourd’hui, le superman de l’aérien !”
Excellente et très juste remarque de M.Just Biou sur le commentaire de M Baroux
Cher Monsieur Baroux,
Vous écrivez de fort belles analyses mais à quoi aboutissent-elles ? Ce sont d’intéressantes rubriques qui n’ont jamais débouché sur aucune application pratique.
Au fil des années, j’ai dû vous écrire une demi-douzaine de fois. Je n’ai jamais entre-aperçu la moindre réaction de votre part.
J’ai un petit peu d’expérience du transport aérien, une bonne trentaine d’années dans des postes à responsabilité. Longtemps, j’ai pensé qu’un entretien de vive voix avec un spécialiste de ce secteur serait intéressant et permettrait de développer une réflexion fertile. De toute évidence, je me suis trompé.
Comme son nom l’indique, un spécialiste en sait plus que quiconque et, dans sa tour d’ivoire, il n’a pas besoin de l’expérience des manants du bas-peuple.
L’essentiel du transport aérien français en est au stade «pré-Alitalia». Il reste un tout petit nombre d’années avant le point de non-retour. C’est affligeant mais ce n’est qu’un secteur économique, parmi de nombreux autres, qui disparaitra de l’économie de notre pays. R.I.P.
Puisque je n’aurai certainement pas l’occasion de vous rencontrer je vous adresse ici, par anticipation, mes sincères condoléances pour le transport aérien français.
Just Biou