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Comment nous on est très mal chaussés !

julie [1]C’est une théorie personnelle, qui a mûri dans mon esprit tortueux il y a quelques jours. Attention, ça parle d’amour.

Mais d’amour du voyage, vous voyez ? Pour ce qui concerne celui avec mon chéri lui, c’est le grand le beau le seul l’unique. Que j’ai la chance insigne de (toujours encore aujourd’hui) connaître.

Non, je parle de partir à l’étranger, découvrir des peuples, des contrées lointaines… à force d’en proposer chaque matin, d’en vendre (un peu moins en ce moment), pour plein de raisons qu’il serait fallacieux d’exposer ici, cet amour-là ne s’est réalisé, jusque là pour moi, que brièvement, et incomplètement (inutile de sauter sur votre dico, ce mot EXISTE).

Bien sûr l’argument Money est prépondérant ainsi d’ailleurs que celui de Time (normal, « time is money »).
Nous, les conseillers en voyages, sommes comme les cordonniers, très mal chaussés.

Brisé en plein vol telle une perdrix cendrée mortellement touchée par le tir d’un chasseur fourbe – je crois que je n’ai pas totalement évacué les hectolitres de gin tonic ingurgités la nuit dernière -, cet amour des voyages me reste comme une promesse enchanteresse, revêtant même un aspect mythique à mesure que le temps passe.

Et je sais pourquoi. C’est parce qu’il ne s’est pas consumé.

Je rêve toujours de découvrir des îles perdues au milieu de l’océan, d’aller à la rencontre d’animaux sauvages, de chevaucher de splendides destriers dans les steppes, la pampa ou que sais-je encore !

C’est tout simple, en fait. Quand on aime un homme (ou une femme d’ailleurs) et qu’on vit cet amour jusqu’au bout, il s’épuise de lui-même.
Tout est dit, tout est fait, je n’ai plus rien à te donner. Point barre, retour à la case départ. On pleurniche un mois, et ensuite on est rendue à la vie : perte de poids consécutive à l’abus de nourriture chocolatée, épilation du maillot et achat de chaussures à talons, et hop, la chasse du samedi soir est ouverte. The show must go on.

Mais quand on pars en voyage, quand on rêve de voyages, on est en plein boum, on vit un pur émerveillement.
Etrangement, les sentiments s’exacerbent d’être concrétisés. C’est un cercle vicieux.

Plus on voyage, plus on a envie de voyager. Et ça ne passe pas. Et ce n’est même pas gênant. C’est même rassurant, à vrai dire, car tourner la page, ce serait d’une certaine façon renier ces rêves enfouis au plus profond, considérer qu’ils n’ont jamais existé, et surtout accepter qu’ils doivent s’éteindre.

L’espoir fait vivre, c’est bien connu. Du coup, on magnifie, on entretient la flamme, et, en feuilletant les brochures des TO, on se repaît de ces moments délicieux vécus et encore à vivre…

Finalement c’est ça la base de notre métier et je pense que nous aurons toujours des clients. Tant qu’il restera des endroits magiques à découvrir !
Et dieu sait (et ma collègue Sophie) qu’il y en a un certain nombre…

Ce qui est paradoxal même quand rien de tout ça n’est arrivé, quand on est pas parti, c’est qu’on peut s’en féliciter en plus !
Quel bonheur d’avoir échappé à tous ces moments sordides, à ces galères que l’on a pas connues  ! On a vécu un amour aérien, presque irréel. On y pense tout le temps. On n’a qu’un souhait, que ça recommence. Et que ça ne s’arrête jamais….

Mais bon, soyons lucide, ça ne recommencera pas (pas tout de suite en tout cas), puisque la vie est une chienne. Alors on garde ses envies de destinations lointaines au chaud, on les berce, on les cajole. On sait que ça finira par arriver, un jour, un de ces quatre. On verra bien. Pour l’instant on est bien comme ça. Pas de rancune, pas de colère, pas d’aigritude (là vous pouvez chercher dans le dico, ça n’existe pas).

Juste des souvenirs et des promesses, qui eux, ne s’usent jamais, même si on s’en sert beaucoup.

Allez, Je vous embrasse tous bien fort, vous mes professionnels chéris du voyage !
On fait quand même un métier formidable.

Julie Labrune. 28ans
Conseiller en Voyages.