Connaissance et tribulations chez l’ Homo Touristicus (suite et fin)


Le premier grand voyageur connu est indiscutablement Ulysse dont le périple pour rentrer chez lui fut … homérique. Joachim du Bellay ne s’est pas trompé en écrivant « Heureux qui comme Ulysse, a fait un long voyage. »

Dans la vraie, les romains, par curiosité, montrent leur intérêt pour la culture, l’histoire. Ce qui poussa l’élite sociale et intellectuelle à parcourir les rives de la Méditerranée : un noble loisir « otium cum dignitate » – digne repos comme l’affirmait Cicéron.

Puis au moyen-âge, les croisades furent un grand déplacement de masse pour les pèlerins qui
accompagnaient le croisés et voulaient découvrir le tombeau du Christ à Jérusalem.

Un long voyage à pied, très dangereux le plus souvent sans retour.

C’est à cette occasion que les templiers inventèrent l’ancêtre du chèque de voyage, les gites d’étape et, pour les passagers les plus fortunés le transport maritime vers la terre sainte. Les premiers voyages à thématique religieuse.

Puis, à partir du XVIe siècle vint le temps du « Grand Tour. » C’est à l’origine un long voyage initiatique destiné à aguerrir le jeunes nobles anglais fortunés. Une dolce vitra ou un Erasmus avant l’heure. Avant de se généraliser partout Europe.

Les prémices du tourisme moderne

Montesquieu, Goethe, Robert Spencer furent les voyageurs les plus connus.
La démocratisation du tourisme fut l’œuvre de Thomas Cook qui en 1845 organisa le premier voyage en train qui transporta 1 200 voyageurs entre Leicester et Liverpool pour participer à la réunion d’une ligue de tempérance.

Justifiant son ambition d’éduquer et d’initier les masses populaires.

Créant un modèle économique toujours en vigueur. Signant officiellement la naissance des agences de voyages commerciales et récréatives. Le début d’une longue aventure.

La suite ne fut qu’ adaptation aux circonstances, opportunités, inventions et autres modernismes du moment : avions, palaces, bateaux de croisière, informatique, numérique.

Des voyages luxueux et élitistes pendant longtemps et qui se popularisèrent à partir de 1936 et les congés payés et 40 ans plus tard par la mise en place du tourisme populaire de masse. Le « petit prix » devenait l’incontournable graal du voyageur moderne.

Le paradoxe reste toujours le même pour les voyageurs : la recherche de différences : de biodiversité, de religions, architecture, histoire, culture.
Tout ce que l’on ne connait pas dans son propre environnement. La curiosité est un moteur puissant motivant le voyage. Avec l’argent bien sûr.

Les exemples de chocs de civilisation sont nombreux 

Un touriste anglais en redingote et haut de forme qui visite du XIXe siècle les ruines de Persépolis et qui grave son nom et ses fonctions pour la postérité sur les colonnes d’un palais.
Ou encore ce  groupe franchouillard qui réclame avec véhémence son traditionnel steak frite dans un restaurant asiatique.

Egalement ces « bobos » tiers-mondistes bien-pensants qui distribuent à la volée des stylos publicitaires à des jeunes enfants d’une tribu africaine. Estimant ainsi participer à leur éducation.

Donc encore et toujours une volonté d’intrusion rapide dans un autre monde.
Le touriste lambda est un voyeur en puissance qui paye pour découvrir ce qu’il ne trouve pas chez lui.

Je laisserai de côté l’aspect écologique actuel qui est aussi délicat que piégeux à évoquer.

Certainement une partie du devenir du tourisme à l’avenir. Mais c’est aussi l’arbre qui cache la forêts et les ventes dans tout ça ?

La logistique touristique actuelle 

Le plus souvent, tout est prévu et organisé pour que tous les sens du cerveau soit au repos qui dans certain cas confirme à un abêtissement programmé. Le sérénité du voyageur est le maître mot. L’imprévu est dédormais banni de la découverte.

Ainsi, la découverte des ours brun du Katmai en Alaska en « drop off » (aller-retour journée au départ d’Anchorage) car l’Ome touristicus est pressé.

Donc, à l’arrivée en hydravion au lodge, il vous est remis un bipeur avec la photo d’un ours et le temps d’attente prévu avant de pouvoir le voir.

L’endroit est parfaitement sécurisé et adapté à la vision des ours sauvages. C’est l’ours superstar qui reçoit sur rendez-vous. Mais, qu’est devenue la spontanéité de l’instant présent ?

Côté pratique le stimulus d’orientation est compensé par l’offre préalable – le programme de voyage.

Le véritable GPS papier ou numérique de tout voyageur moderne effectuant un circuit.

Tout doit être scrupuleusement et contractuellement fourni au voyageur. Tel qu’il l’a imaginé ou rêvé et choisi.

Hébergement, nourriture, transport, tout est prévu et anticipé. Le cerveau reptilien mis en veille.

Même le plaisir, la vision le goût, le toucher l’odorat peuvent être pris en charge dans le cadre du package. Ils sont souvent évoqués, suggérés, photographiés, échangés sur les réseau sociaux ou des questionnaires de satisfaction.

Bref, les émotions, le plaisir doivent être prévue,
partagées. L’imprévu n’est plus de mise.

Une grande partie du déroulement du voyage est encadrée strictement par le Code du Tourisme, les clauses des assurances souscrites.

L’agressivité émanant du cerveau limbique peut ainsi être plus facilement canalisée.

Restent imprévus les impondérables, les douleurs morales consécutives, la peur, l’agressivité qui sont le « sel » du voyage et forment les souvenir les plus authentiques et les plus durables.

Dans mon cas, j’avoue être rétrograde et accepter la part de l’aventure, à tous les sens du terme.

Pour la petite histoire, reste un cas particulier à part. La reproduction de l’espèce. Plus exactement que qu’il en reste.

Je veux parler la recherche de la compagne (ou du compagnon).

Le voyage est en lui-même un opportunité de rencontre et les boites de nuit peuvent permettre
des parades amoureuses spécifiques à la période des amours dans le monde humain.

Mais la reproduction de l’espèce n’est pas le but recherché.

Après tout, « l’homme est le seul animal qui peut faire l’amour en toute saison. » affirmait Jean-Jacques Rousseau.

Les progrès de la science ont toutefois démontré qu’il n’était pas le seul.

En résumé c’est bien le cerveau limbiques et le cerveau néocortical qui sont les plus sollicités au cours d’un voyage touristique du fait de son caractère subjectif et émotionnel qu’il génère.

François Teyssier





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