Crise du tourisme : le transport aérien doit-il tout changer en profondeur ?
7 juin 2021 Jean-Louis Baroux Aucun commentaire À la une cargo, CMA-CGM, Fedex, France, IATA, LATAM 3378 vues
Le transport aérien va émerger progressivement de la léthargie dans laquelle la pandémie mondiale l’a plongé. La remontée est beaucoup plus lente que prévue et elle dépend essentiellement de la capacité de vaccination des Etats. Or celle-ci est très différente d’un pays à l’autre, chacun employant d’ailleurs sa propre stratégie sans s’occuper de son acceptation par les autres.
Le Monde a fait la preuve que la mondialisation peut être arrêtée à tout moment alors qu’elle est la source de la prospérité et de l’augmentation constante de l’espérance de vie auxquelles nous nous étions habitués.
Le transport aérien sortira exsangue de cette période. Beaucoup de compagnies et non des moindres ont dû déposer le bilan, c’est en particulier le cas en Amérique Latine. D’autres ont suspendu les commandes d’appareils qui leur étaient pourtant nécessaires pour rendre leur exploitation
compatible avec les nouvelles contraintes écologiques. Et certaines compagnies ont entamé la revente d’une partie importante de leur flotte, comme par exemple Vietnam Airlines ou LATAM.
Le réveil sera encore plus difficile car les Etats vont supprimer progressivement les aides massives qu’ils ont octroyées pendant au moins une quinzaine de mois. Et même si les clients sont impatients de voyager, comme le montrent toutes les études, la reprise restera freinée par l’ouverture des frontières en ordre dispersé.
Il faut donc s’attendre à de sérieux changements dans l’organisation du transport aérien futur. Celui-ci devra prendre en compte à la fois les contraintes écologiques mais aussi les réalités économiques.
En clair les coûts risquent de ne pas baisser suffisamment pour compenser l’absence de recettes.
Alors, si les transporteurs ne veulent pas mettre la clef sous la porte, ils seront dans l’obligation de remonter leurs tarifs.
Finis pour un temps tout au moins les coefficients de remplissage supérieurs à 80 % voire à 90 %, il faudra s’habituer à des niveaux de l’ordre de 65 % à 70 %, comme d’ailleurs ceux qui étaient enregistrés dans les années 1970. Pour un temps tout au moins, la course au volume devra bien s’arrêter.
Mais les clients auxquels on va demander plus d’argent, vont de leur côté réclamer plus de services.
Le premier d’entre eux sera sans doute la protection de leur argent de la part des compagnies aériennes. Ils ont été échaudés par les difficultés à se faire rembourser d’une manière ou d’une autre, y compris par leurs agences de voyages, car la plupart des acteurs survivaient en obtenant une trésorerie entretenue par les effets pervers du « yield management ».
D’une manière ou d’une autre les fonds déposés par les clients devront être sécurisés. Si IATA, concernée au premier chef, ne crée pas cet indispensable fonds de garantie, il est probable que la Commission Européenne pour commencer, va obliger les transporteurs à en fournir un à ses clients.
Et il est à craindre qu’elle ait la main lourde comme elle l’a eu par le passé pour régler les abus de surbooking et l’absence d’indemnisation des passagers lors des retards des vols.
Il est possible que l’évolution du transport aérien ne s’arrête pas là. Un autre scénario est possible : la spécialisation des transporteurs.
La traversée de la pandémie a mis en avant l’extrême importance stratégique du fret aérien qui a d’ailleurs été la seule activité à survivre voire à se développer pendant cette période.
Ce n’est dès lors pas un hasard de voir l’un des trois leaders mondiaux de transport maritime : la CMA CGM, créer sa propre compagnie aérienne cargo. On peut lui faire confiance pour la développer rapidement, car le fret aérien s’avère être finalement d’un très bon rapport.
Amazon se lance également dans l’aventure. D’ores et déjà le secteur est largement structuré avec 34 compagnies spécialisées dans le cargo dont au moins 3 géants : Fedex, UPS et DHL qui opèrent flottes supérieures à 500 appareils et produisent un chiffre d’affaires annuel au-delà de 60 milliards de dollars.
Pourquoi alors ne pas imaginer un futur où il n’y aurait plus de compagnies aériennes, ni de transporteurs maritimes, et pas plus d’opérateurs ferroviaires, mais uniquement des ensembles de transport spécialisés dans les passagers ou dans le cargo. Chacun d’eux pourrait utiliser tous les
moyens de transport disponibles.
Ainsi Air France, par exemple pourrait devenir un gros opérateur ferré sur un réseau européen et Fedex utiliser une flotte de bateaux performants. Chaque ensemble pourrait ainsi choisir les moyens les plus adaptés à la satisfaction de ses clients et aux contraintes écologiques.
Ce n’est certes qu’un scénario possible, il y en a sans doute d’autres. La seule certitude est qu’il faut s’attendre à de profonds changements.
Jean-Louis Baroux
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