Crise du transport aérien : comprendre le rôle des institutions


Dans ces temps si troublés, les compagnies aériennes se retournent vers leurs gouvernements car c’est d’eux seuls qu’elles attendent l’aide qui pourra les sauver. De leur côté, les pays ne peuvent pas se permettre de laisser dépérir ce secteur d’activité. Il en va de l’existence même du commerce, seul moteur réel de l’activité économique.

Le risque est grand dès lors de voir la grande construction du transport aérien disparaître au profit de nationalisations protectionnistes. On pourrait aisément imaginer un système où, comme pour les chemins de fer ou nombre d’autres secteurs d’activité, chacun ferait sa propre politique sans se préoccuper des autres. Cela signifie la raréfaction des droits de trafic sous le prétexte de protection des compagnies nationales.

Or s’il y a une vraie spécificité du transport aérien c’est bien son concept international et la coopération entre les transporteurs fussent-ils en concurrence les uns envers les autres. C’est ce qui a fait sa prospérité et en conséquence ce qui a été l’un des principaux facteurs de la croissance mondiale.

Deux grandes institutions sont à l’origine de ce qu’il faut bien appeler un indéniable succès : l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) et l’IATA (International Air Transport Association).

Tout a commencé en novembre 1944 lors de la convention de Chicago ou les représentants de 44 Etats ont créé l’OACI, en anglais ICAO (International Civil Aviation Organisation).

Les visionnaires présents lors de cette convention ont décidé deux fondamentaux : le transport aérien serait mondial et les mêmes règles devraient s’appliquer dans tous les pays. Ces derniers seraient d’ailleurs représentés par des ambassadeurs, c’est assez dire l’importance de cette institution.

L’OACI a œuvré de manière très intelligente. Elle n’est pas devenue un monstre administratif, elle s’est contentée, si l’on peut dire, d’ériger les règles en laissant à l’autorité aéronautique de chaque pays le soin de les faire appliquer.

En France, ce rôle est naturellement dévolu à la DGAC. Par contre, l’OACI contrôle de près les capacités techniques et administratives des autorités auxquelles elle délègue les applications.

Et si l’audit est jugé non satisfaisant, l’ensemble des compagnies du pays concerné est placé dans la liste noire, c’est-à-dire qu’elles sont exclues du transport aérien international.

C’est ainsi que le transport aérien est devenu aussi fiable, et que les compagnies ont pu prospérer jusqu’à transporter plus de 4 milliards de passagers en 2019 avant un taux d’accidents infime.

Alors que l’OACI est l’organisation des Etats, IATA, créée en avril 1945 à La Havane, est, elle, le lieu où les compagnies organisent leur coopération.

Dès le début il est apparu que les besoins de transports des clients excéderaient les capacités de dessertes des compagnies. Il était donc nécessaire
d’organiser leurs échanges respectifs. Tout comme pour les aspects opérationnels il fallait créer une coopération commerciale et administrative.

C’est ainsi qu’ont été mis sur pied les systèmes de billetterie, codifiés de la même manière partout dans le monde, mais également les reconnaissances des titres de transport entre les compagnies aériennes, permettant ainsi avec un seul billet de voyager sur plusieurs transporteurs.

Et pour simplifier le tout en 1971 IATA a mis en place le BSP ce qui a grandement simplifié et sécurisé la distribution des billets auprès des agents de voyages.
Rendons hommage à Brian Barrow, lequel est toujours en activité, pour avoir lancé ce produit.

Je passe sur les nombreuses décisions prises par IATA pour simplifier l’administration d’un secteur d’activité qui regroupe un gros millier de compagnies aériennes et réalise un chiffre d’affaires de 800 milliards de dollars.

Ces deux institutions ne sont certes pas parfaites, comme toute construction humaine. Certains excès sont commis. Les compagnies aériennes pèsent d’un poids trop prépondérant par rapport aux autres acteurs du transport aérien : aéroports, agents de voyages, assistants aéroportuaires et j’en passe. Il n’en demeure pas moins vrai que leur action a constitué un facteur clef dans la réussite du transport aérien.

Au moment où chacun a tendance à se replier sur soi, il vaudrait mieux ne pas l’oublier.

Jean Louis Baroux





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