Dario remet du coeur à l’ouvrage


Encore une bonne surprise de l’ami Fabrice Dariot, que je remercie pour m’avoir fait parvenir son dernier roman : Pierre de Stonne. Fabrice Dariot est le président et le fondateur du broker www.bourse-des-vols.com. C’est un parisien de vie et de coeur, amoureux des belles lettres et des romans noirs.

Ici il nous livre un récit haletant, dans l’ambiance et le huis clos de l’une des plus meurtrières batailles de la deuxième guerre mondiale où l’infanterie et les blindés français et allemands s’affrontent, avec de lourdes pertes, pour le contrôle du village de Stonne, petite commune du département des Ardennes.

Comme toujours chez Dario, pas de héros musclés et bien portants. Juste des hommes ordinaires, fatigués et tétanisés par la peur, plongés dans des circonstances extraordinaires.

Le titre et la photo de couverture annoncent la couleur : chevaux exténués, fumées épaisses, déroutes et déluge de feu évoquent irrésistiblement la débâcle française. Et les premières pages de l’ouvrage enfoncent le clou: si ce livre emprunte parfois les codes du roman de guerre, le coupable est déjà désigné : c’est l’échec, avec son cortège de panique et d’absurdité.

Une réussite à lire absolument.

PR

Dario
Pierre de Stonne
Otago édition





    1 commentaire pour “Dario remet du coeur à l’ouvrage

    1. Moi aussi, j’ai lu Pierre de Stonne : Autant l’avouer, la guerre de 39-45 n’est vraiment pas ma tasse de thé : trop sombre, trop violente, glacée et sanguinolente, boueuse et terrifiante …
      La guerre, quoi !

      Je me suis lancée néanmoins dans cette histoire, l’écriture du Sieur Dario ne m’étant pas totalement inconnue, et je sais son art de raconter les choses d’une époque, aussi troublée qu’elle soit : la précision du mot juste, les envolées de phrases façon « parlées », la puissance de ses personnages pourtant ordinaires, limite insignifiants.

      Je n’ai pas été déçue !

      Dans son récit, Dario fait plus le reporter que l’écrivain. Je veux dire par là qu’il est sur le terrain, il respire avec ses héros les brouillards épais et âcres, il patouille dans la boue gluante qui aspire vers le fond, c’est un témoin « sur le motif » et même les mots dans sa plume sont ceux du moment présent. On est en temps réel !

      On est donc en mai 1940, dans les Ardennes. D’un côté, la Wehrmacht, de l’autre les divisions blindées françaises et là, quelque part dans ce bourbier, Stonne, petit village paumé, décor involontaire de ces batailles sans merci, mêlant hommes « À l’arrêt, sans eau, sans ombre et sans raison apparente » et machines de guerre.

      La plupart des personnages n’ont pas de nom, plutôt une description d’eux-mêmes : Le moine en chasuble « aux genoux luisants de prières », Maillot-Jaune, Grand-Boiteux, le Nordiste, l’Expert…
      Raymond, René, Petit-Louis ne font que passer, puis … trépasser très (trop) vite !

      Reste Redede, résumé d’un nom à triple tiroirs, l’aristo riche, qui « attend son héritage et écrit ». Il parle avec des « imparfaits du subjonctif et une élégance détachée ». Son manuscrit, Le soleil gris, est récupéré par le narrateur-sans-nom lui aussi, qui en découvre avec admiration le style « bien tourné » et finit par s’en attribuer le mérite, … Redede ayant terminé sa vie avec « des cratères partout » au sud de Guise, après 3 heures de bombardements.

      Dans cette histoire, on navigue entre l’avant, le pendant et l’après, le tout dans le désordre. Un genre de règle des 3 lieux.

      Dans cette histoire, les femmes sont mère ou pute, parfois dévergoigneuse, exceptionnellement baronne, comme Frida qui « traverse la pièce, comme un cygne ride un étang ».

      Dans cette histoire, le héros n’en n’est pas un (Quoique…) il n’a même pas de nom, en tous les cas, je ne l’ai pas trouvé, mais il empreinte celui des autres : plus facile, moins risqué et il s’en accommode parfaitement, comme beaucoup de choses dans sa vie ! C’est la façon de faire de l’Apprenti ou du Griveton, comme il dit !
      Après, on est en mode Système D : on profite de la débâcle pour retrouver ses affaires courantes et en tirer bon parti. On l’a bien mérité, pas vrai ?

      La puissance de ce récit tient au soin particulier que Dario met dans l’évocation de ces soldats, ballottés par une guerre qui les dépasse, avec comme toile de fond les panzers, la gadoue qui colle aux molletières, l’explosion des corps sous les tirs incessants, et puis, la débrouille, la chance, la démerde, l’opportunisme, qui font que certains s’en sortent …

      Un récit impressionnant de précision, de sensations, d’émanations métalliques et sanglantes, mais en même temps, saupoudré d’une étonnante légèreté, une drôlerie tragique, et puis, cette amitié féroce et respectueuse, qui rassure et qui sauve.

      Au finish, j’ai adoré !
      Tout : l’écriture, le style, les mots surprenants, l’histoire, les personnages, l’humour, le déroulé façon puzzle, les expressions, et même, les images,…

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