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Et pourquoi pas un pilote à la tête d’Air France ?

Depuis l’origine de la compagnie, le 07 octobre 1933, et jusqu’à ce jour, 18 présidents se sont succèdés à la tête de la compagnie nationale. Si on excepte la période troublée qui va jusqu’en 1945, il en reste 15.

Cela fait une durée moyenne de moins de 5 ans pour chacun. Un petit rappel, depuis sa création en 1985, c’est-à-dire il y a 33 ans, Emirates n’a connu que deux CEO.

Il est très intéressant de voir le profil de ces dirigeants. Si deux d’entre eux sont des personnages politiques : Max Hymans 1948 – 1961 et Anne Marie Coudrec la toute récente Présidente du groupe Air France /KLM, tous les autres sortent de la fonction publique où d’ailleurs ils ont occupé des postes éminents.

Joseph Roos (1961 – 1967) était Ingénieur Général de l’Air.
Georges Galichon (1967 – 1975), membre du Conseil d’Etat avait occupé d’éminentes fonctions dans les cabinets ministériels et présidentiels.

Pierre Giraudet (1975 – 1984), Ingénieur des Ponts et Chaussées avait assuré la présidence de la RATP et supervisé la construction de l‘aéroport de Roissy.
Marceau Long (1984 – 1987), était le type même du Haut Fonctionnaire avec entre autres le titre de Secrétaire Général du Gouvernement.
Jacques Friedmann (1987 – 1988) avait fait sa carrière dans la fonction publique avant d’être nommé par Jacques Chirac, alors Premier Ministre, à la tête d’Air France.
Bernard Attali (1988 – 1993). Enarque, administrateur de sociétés, avait dû sa nomination à l’alternance du pouvoir politique repassé à gauche après la victoire de François Mitterand en 1988.
Christian Blanc (1993 – 1997) lui aussi haut fonctionnaire avait fait sa carrière dans la Préfectorale et la présidence de la RATP. On lui doit les accords de Nouméa.

Jean Cyril Spinetta (1997 – 2009 puis 2011 – 2013 )uniquement à la tête d’Air France/KLM, c’est également un produit de la fonction publique et bien entendu un Enarque. Il avait cependant une bonne expérience du secteur suite à l’exercice de Président d’Air Inter dont il avait démissionné pour cause de désaccord avec son actionnaire, l’Etat.

Pierre Henri Gourgeon (2009 – 2011). Polytechnicien il avait été, entre autres, Directeur de la DGAC.
Alexandre de Juniac (2011 – 2013) est aussi un énarque, membre de plusieurs cabinets ministériels dont il a dirigé celui de l’économie et des finances.

Démissionnaire pour prendre la direction de IATA, Frédéric Gagey (2013 – 2016) lui aussi polytechnicien, haut fonctionnaire, il a cependant un long passé dans le transport aérien et avait intégré Air France en 1995.

Jean Marc Janaillac (2016 – 2018) haut fonctionnaire, énarque, il a fait connaissance avec le transport aérien chez AOM dont il a démissionné avant son effondrement. Lui aussi démissionnaire d’Air France car désavoué par le personnel suite à un « référendum ».

Anne Marie Couderc (2018 … ). Avocate de formation et femme politique, ancienne ministre et membre de plusieurs conseils d’administration.

Que retenir de cette liste ?

La grande constante est que l’Etat a toujours eu la main sur la position de Président d’Air France puis d’Air France / KLM. En fait ce poste si convoité, tout au moins jusqu’à ces dernières années, était plutôt considéré comme une récompense que l’Etat devait à ses bons serviteurs. Mais une chose me frappe, en 73 ans et 15 présidents, aucun n’a été issu de l’entreprise elle-même.

Est-ce à dire qu’il a été impossible de trouver dans les dizaines de milliers de salariés des leaders aptes à prendre les commandes, comme cela se passe d’ailleurs dans nombre de sociétés, et en particulier dans le groupe Lufthansa ou IAG ?

L’Etat a rendu un très mauvais service à la compagnie en essayant de la protéger de toute attaque extérieure, alors que ce n’était pas possible à partir du moment où la concurrence a pu s’exercer sans limite dans un ensemble européen gouverné par une politique d’ »Open Sky ».

Alors qu’il était impuissant à éloigner les menaces extérieures constituées par les low costs et intérieures par le TGV, l’Etat a donné la fausse impression qu’il s’arrangerait toujours pour éviter le pire à la société. Ce faisant il a donné prise à tous les excès quant aux demandes des syndicats ce qui fait maintenant le différentiel de charges par rapport à ses concurrents. On vient d’en faire l’amère expérience.

La société Air France ne pourra se réformer que lorsque l’Etat se retirera de son capital et débloquera enfin les créneaux d’Orly en gérant cette plateforme avec des quotas de bruits, tout comme Charles de Gaulle. L’Etat Français tout comme l’Etat Italien n’est pas en mesure de maintenir la compagnie à l’abri des règles du commerce et donc des concurrents. Essayons d’éviter, tant qu’il est encore temps, le syndrome d’Alitalia.

Jean-Louis Baroux