Il semble bien que l’âge d’or des « hubs » soit terminé. Il aura tout de même vécu près d’un demi-siècle depuis que les grands aéroports américains ont mis à la disposition des grands transporteurs de ce pays une architecture adaptée aux passagers en correspondance. C’était au début des années 1980, juste après la libéralisation de transport aérien décidé en 1978 pour les Etats Unis. Le modèle a été copié depuis par la plupart des compagnies et grandes plateformes aéroportuaires mondiales.
C’est ce qui a entraîne également la multiplication des appareils de court et moyen-courriers destinés à alimenter les gros long-courriers de plus de 300 sièges utilisés sur les grands axes.
[1]Tout le monde s’y est mis et les compagnies du Golfe en ont fait un fantastique outil de conquête. En fait les transporteurs de la région et les Etats qui les supportent ont transformé ce qui est un vrai inconvénient en un moment de plaisir avec deux avantages.
D’abord pour les passagers qui coupent leurs très longs vols en deux moyens et puis pour les aéroports qui, en transformant leurs installations en centres commerciaux, ont créé une recette très importante, pouvant même concourir à plus de la moitié de l’économie des plateformes.
Rajoutons une autre conséquence favorable à mettre au crédit des « hubs », c’est la baisse des prix du transport aérien. En effet ce mode d’exploitation, allié il faut le dire au « yield management », a permis aux compagnies aériennes d’atteindre des coefficients de remplissage inenvisageables auparavant. Autrement dit, les appareils étant mieux remplis car alimentés par les correspondances, le prix de revient au siège a baissé, et les clients en ont été les premiers bénéficiaires.
Mais la situation risque de se dégrader en profondeur sous plusieurs contraintes ou opportunités. La première difficulté risque bien de venir des aspects sécuritaires. Plus un aéroport est gros et plus il devient une cible pour les terroristes.
[2]Notons d’ailleurs que plus il est important et moins il est possible de contrôler les passagers, certes, mais aussi et surtout les employés. Il y a 120.000 porteurs de badges donnant accès aux zones sensibles dans les deux grands aéroports parisiens. Est-on sûr que tous sont inoffensifs ? Pour ce qui concerne le volet des passagers, il faut faire confiance aux nouvelles technologies capables sans doute de détecter les individus potentiellement dangereux sans que les files de passagers s’allongent démesurément aux postes de contrôle.
On se demande d’ailleurs pourquoi les aéroports parisiens ne sont toujours pas équipés massivement de détecteurs pour les chaussures sans que les clients aient besoin de les enlever.
Les machines existent et sont en service dans nombre d’aéroports étrangers. Un investissement sans doute modéré serait très apprécié, de même que la généralisation de rangées de « Parafs » pour éviter les passages parfois si longs aux entrées et sortie du territoire.
La deuxième cause de danger pour les « hubs » réside dans la construction aéronautique.
Les constructeurs ont mis sur le marché des biréacteurs de moyenne capacité parfaitement capables d’être exploités sur des vols de 7 heures, c’est-à- dire qu’ils peuvent couvrir 90 % des besoins de transport.
Or ces nouveaux appareils sont performants et plus faciles à remplir que les très gros porteurs.
[3]Rajoutez à cela que les clients ont encore tendance à préférer des vols directs aux vols à escale, ne serait-ce que parce que le transit dans la plupart des aéroports est toujours source d’anxiété.
Voilà quelques bonnes raisons pour cesser d’alimenter des gigantesques « hubs » au profit de liaisons directes.
Au fond cela risque d’être très favorable au transport aérien.
Au moins 80 % du trafic long courrier français est capté par les aéroports parisiens. Cela n’est sans doute pas très sain.
Si les compagnies arrivent à mettre à la disposition des grandes métropoles régionales des appareils adaptés aux longs courriers et à un potentiel beaucoup plus réduit, cela ne sera que bénéficiaire au transport aérien.
[4]D’ailleurs que l’actuelle exploitation en forme d’énormes « hubs » alimentés directement et uniquement par une même compagnie, ainsi que cela se passe dans tous les grands aéroports, entraîne des coûts d’exploitation importants et inutiles, avec une sous-utilisation des avions et une érosion de la recette.
Par conséquent le moment où les plateformes de correspondance seront alimentées par des « low costs » n’est certainement pas éloigné.
Mais alors les aéroports devront modifier en profondeur leur architecture et les cheminements des passagers et des bagages pour traiter ces nouveaux flux de passagers.
Bref le modèle actuel de « hubs » est en voie de profonde transformation, comme ont pu s’en rendre compte les participants au Paris Air Forum organisé de main de maître par La Tribune le 16 juin dernier.
Jean-Louis Baroux