Fosun/Club Med : fleurons de l’économie chinoise ou tigres de papier ?
16 décembre 2022 François Teyssier 1 commentaire À la une APST, Chine, Club Med, Fosun, Franck Chaput, Yannick Faucon 7226 vues
Le 13 décembre dernier, lors de la réunion des Entreprises du voyage Centre-Est animée avec brio par son Président Yannick Faucon. J’ai été intéressé par une remarquable et passionnante intervention de Franck Chapus, le Président du Comité des régions de l‘APST qui a interpelé l’audience sur une problématique importante. Le Club Med étant un des adhérents majeurs de l’APST, que se passerait-il si Fosun, sa maison-mère venait à disparaitre ? Un scénario catastrophe sans doute, mais une situation qui n’est pas sans fondement. Examinons les faits avec discernement. A chacun d’en tirer ses propres conclusions.
La première interrogation : Fosun c’est quoi exactement ?
Une entreprise crée en 1992, il y a tout juste 30 ans, par 4 étudiants, tous issus de l’université Fudan qui ont réuni un capital de 36 000 yuans, soit environ 6 000 euros pour se lancer dans les affaires.
Le miracle économique chinois a permis un développement stratosphérique de l’entreprise.
Rapidement , le Shanghai pharmaceutical Group s’est spécialisé dans le domaine de la santé : la distribution pharmaceutique, les services médicaux, les hôpitaux, les soins aux personnes âgées. Après son introduction à la bourse de Shanghai, elle s’associe au Carlyle group.
Entreprise américaine spécialisée dans le capital investissement pour créer le premier fond privé d’investissement chinois : Fosun international Limited.
Fosun se diversifie rapidement : assurances, finances en ligne, sports, mode et loisirs En 2015, son chiffre d’affaires était d’environ 10,8 milliards d’euros.
A partir de ce moment le conglomérat faisait parler de lui dans la rubrique des faits divers. Un premier coup de semonce : le 11 décembre 2015 son Président, le milliardaire tycoon Guo Guangchang disparaissait mystérieusement pendant 4 jours.
La rumeur précisait qu’il avait été arrêté pour être entendu dans le cadre d’une campagne anti-corruption initiée par le Président Xi Jinping. La rumeur enflait pendant que la bourse de Hong-Kong s’affolait.
Le monde des affaires venait de comprendre qu’un fleuron privé du capitalisme chinois dépendait étroitement du pouvoir du parti communiste qui veillait à ses intérêts politiques. Un paradoxe, difficile à comprendre pour des mentalités occidentales.
Mais, la croissance effrénée du groupe reprenait de plus belle dans les quatre activités qui segmentent le groupe. Selon leur propre définition : « la santé », « le bonheur », « la richesse et « la fabrication intelligente. »
Prise de participation majoritaire dans le groupe Indien Gland-pharma, puis dans la banque portugaise BCP. La diversification devenait toutefois un peu plus erratique.
Prise de participation minoritaire dans le capital du brasseur Tsin tao. Rachat de la société française Saint Hubert spécialisée dans la margarine et de la maison Lanvin dans le domaine de la mode.
Le secteur du tourisme était au centre des préoccupations du conglomérat. Des investissements qui ne se révélèrent pas toujours heureux : prise de participation de 18 % au capital de Thomas Cook.
Puis après la défaillance de ce dernier, rachat de sa marque pour 13 millions d’euros. Prise de participation de 20 % dans le Cirque du Soleil de Guy Laliberté actuellement placé en faillite mais qui pourrait redémarrer bientôt. Fosun restant toujours dans la course, mais avec désormais 25% de participation.
Mais également Forte et de très nombreuses autres entreprises, moins connues en Europe, mais toutes très importantes. Une frénétique partie de Monopoly à l’échelle planétaire.
Mais c’est le club Méditerranée qui nous intéresse aujourd’hui. C’est en 2002, sous l’impulsion d’Henri Giscard d’Estaing, que le groupe Accor entrait à hauteur de 28,9 % dans le capital du Club Med à la place de la famille Agnelli qui était jusqu’alors actionnaire majoritaire. Cette participation durera exactement 2 ans.
En 2008, la stratégie élaborée faisait long feu et se révélait être une impasse.
En 2010 l’actionnariat était composé principalement par Fosun international et le groupe Ardian (ex Axa Private Equity.) Mais, le financier italien Andrea Bonomi , aidé par Sol Kerzner (Sun hotels) s’invitait en force dans le but de prendre la majorité du groupe.
Au terme d’une OPA épique, Fosun faisait une contre-offre imparable et Bonomi se retirait et se consolait de son échec en faisant une plus-value de 939 millions d’euros.
Le 2 janvier 2014, Fosun devenait donc l’actionnaire majoritaire du Club Med. Le 14 décembre 2018 introduisait le Club Med à la bourse de Hong-Kong. Un vrai succès.
Sa valorisation boursière était évaluée à 2,44 milliards de dollars. Après une nième restructuration le groupe chercha à se développer dans le massif alpin français. Un échec cuisant car il se heurta à une forte contestation pour ne pas dire une hostilité de la part de la population locale et ses élus qui refusèrent « que la montagne devienne un parc d’attraction. »
En 2020, l’activité du Club Med chutait de 58 % du fait de la pandémie de covid-19.
Néanmoins, la direction du Club Med annonçait l’ouverture de 16 nouveaux sites dont 8 en Chine, mais aucun en France.
Fosun international publiait un résultat total de 82,89 milliards de RMB (environ 11,25 milliards d’euros.) Soit un augmentation de 17,7 % par rapport à l’année précédente. Tout va très bien Madame la Marquise…
245 000 % de valorisation en 30 ans d’existence, cela laisse rêveur. Sans doute un peu trop ?
Actuellement Fosun est au creux de la vague et la maison-mère du club Med a chuté il y a un peu plus d’un an à son niveau le plus bas depuis 10 ans. Le groupe est dans l’œil du cyclone.
La raison principale est qu’en 2023, Fosun devra rembourser quelques 8 milliards d’euros d’obligations.
Moody, l’une des agences de notation américaine a baissé la note de Fosun en invoquant la faiblesse de ses liquidités et l’affaiblissement de son portefeuille dans un contexte de ventes d’actifs. Seul l’avenir pourra apporter une réponse sur l’avenir du propriétaire du Club Med.
Mais, la situation semble toutefois être préoccupante.
Voilà pour l’histoire et les faits connus, avérés ou déclarés.
Reste la légende noire de Fosun international. Tout ce que nous ne savons pas, tout ce que nous supposons. Il sera difficile de séparer la réalité du fantasme.
Fosun aurait des comptes off-shore ? C’est une pratique courante à la quasi-totalité des conglomérats internationaux.
Les avoirs seraient de Fosun seraient-ils gelés en Chine ? Pas administrativement ou de force à ma connaissance. Mais, c’est une situation de fait. Fosun devra bientôt rembourser sa dette qui représente les trois quarts de son chiffre d’affaire. A-t-il les liquidités pour le faire ?
Si cela était impossible. Il ne lui resterait que la situation de la pyramide de Ponzi. Une manœuvre aussi illégale que dangereuse. Mais c’est une simple supposition sans fondement.
Impossible à dire dans l’état d’opacité de l’entreprise. Sa communication affiche une grande sérénité. Nous vivons une époque où le « politiquement correct » est la norme.
Simple hypothèse, si Fosun disparaissait que deviendrait le Club Med ? De toute évidence, ce serait une « catastrophe industrielle majeure. » Surtout dans le contexte économique actuel et à venir. Une tragédie humaine pour les salariés de l’entreprise.
Cela engendrerait un effet domino avec pour conséquence immédiate la disparition de l’APST qui serait dans l’impossibilité d’assumer seule un tel sinistre évalué au minimum à 150 millions d’euros.
Franck Chapus affirme que si l’APST disparaissait la quasi-totalité des agences de voyages disparaitrait également faute de pouvoir présenter les garanties légales spécifiques à la profession et d’intervenants financiers susceptibles de proposer des solutions acceptables.
Examinons les chiffres. Le Club Med est une société privée immatriculée en France. Son capital social est très exactement de 149 704 804,00 euros.
Son chiffre d’affaires déclaré fin 2021 était de 546 millions d’euros.
Le total du bilan Actif/Passif s’élève à 943 millions d’euros. Le résultat net est une perte de 280 millions d’Euros. Le nombre de salariés est de 5 850 personnes.
Son état financier est jugé comme étant « moyen ».
Ultime question et non des moindres. Le gouvernement français affirme que le Club Med est une société « intouchable. » Mais, il se garde bien de définir l’étendue et les moyens de son action éventuelle.
Pour l’instant donc, ce sont des mots, de la communication. Aucun engagement précis en tout cas.
Il est vrai que le Club Med est un symbole du patrimoine national qui fait et fera rêver les français. Est-ce suffisant pour assurer sa pérennité en cas de défaillance du groupe Fosun. Difficile à dire aujourd’hui.
François Teyssier
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1 commentaire pour “Fosun/Club Med : fleurons de l’économie chinoise ou tigres de papier ?”
Merci François, c’est trop gentil !