Le livre de Jérôme Tourbier, « Tourisme en péril », n’a pas laissé indifférent notre ami Mark Watkins, le patron fondateur de Coach Omnium et le président de l’association « Comité pour la Modernisation de l’hôtellerie et du Tourisme Français ». Hormis des données chiffrées contestables, Mark a plutôt apprécié ce livre que les professionnels devraient avoir dans leur bibliothèque. Nous, on a repris certains passages du livre. Vous ne serez pas étonné des propos toujours directs de Mark Watkins.
Une liste de griefs longue comme le bras
[1]En général, Mark Watkins ne pratique pas la langue de bois. Il confirme la nécessité de ce type d’ouvrage qui remet sur la table les problèmes vécus par de nombreux professionnels du tourisme et en particulier par les hôteliers. Ce sont surtout les griefs contre les pouvoirs publics. Quelques morceaux choisis ci-dessous :
– il remet en cause le lourdingue millefeuille administratif et la pénible organisation des collectivités territoriales qui encadrent pitoyablement nos entreprises et le tourisme français;
– il râle contre la France, « pays de paperassiers jamais rassasiés de nouvelles réglementations » (et de normes);
– il s’insurge contre la pathétique cascade de réglementations imbéciles et coûteuses auxquelles les restaurateurs et les hôteliers ont été confrontés depuis ces dernières années;
– il fustige la carence dans la stratégie touristique pour la France et l’absence de vraie prise en compte de la promotion et de la commercialisation;
– il s’attriste de l’image de la France en matière d’accueil des touristes, via nos taxis, garçons de café et nos guichets de contrôles des passeports, insuffisants en nombre dans nos aéroports internationaux;
– il rappelle combien nos politiques n’ont rien compris au tourisme et sont encore dans des fantasmes d’industrialisation totalement dépassés;
– il s’apitoie sur la malbouffe et la décadence de la gastronomie française (mais est-elle réelle ?) au profit de nos concurrents mondiaux;
– il se rebelle à constater que seuls les groupes de tourisme et du CAC 40 ont voix au chapitre alors qu’ils ne sont pas représentatifs du secteur touristique composé en grande majorité de microentreprises et de PME;
– il se plaint du mépris dont les métiers du tourisme (et plus largement les métiers manuels) font l’objet par les élites de la Nation.
La liste est hélas longue des griefs que l’on peut sans aucun doute développer à l’encontre de notre pays et de son inefficacité en matière touristique.
Des chiffres dont se délectent les journaux « grand public »
Mark Watkins évoque les chiffres faux qui ont servi à appâter la presse. Ceux-ci figurent sur 4e de couverture du livre. L’auteur émet quand même un doute sur les statistiques officielles dans le cœur de l’ouvrage en chuchotant que l’on fait dire ce que l’on veut aux chiffres du tourisme. Et aussi que l’Insee avait calculé qu’environ 1 touriste enregistré sur 5 ne faisait que traverser notre pays… mais compté comme une arrivée touristique.
Un ministère du tourisme à temps complet serait le moindre mal
Mark Watkins tout comme l’auteur du livre sont d’accord sur le fait que Laurent Fabius, ministre d’Etat et ancien Premier ministre, avait pris le tourisme sous son aile et avait provoqué un électrochoc positif pour le secteur. Nous étions habitués à n’avoir que des secrétaires d’Etat de second plan ou dans le meilleur des cas un ministre délégué. Si les discours et les promesses de Laurent Fabius ont été bel et bien entendus ; les actes n’ont pas changé la face de la France.
Mark Watkins, sait cependant que les hommes politiques sont en attente d’un intérêt politique direct et immédiat.
Un jugement complaisant des Assises du Tourisme et Atout France …mais contestable
Si le livre de Jérôme Tourbier est plutôt positif sur les Assises du Tourisme et ses trente mesures. On peut être certain que Mark Watkins et de nombreux professionnels ont une autre vision de cette « plaisanterie démagogique ». Jérôme Tourbier n’est pas non plus contestataire à l’égard d’Atout France, dans sa partie promotion du tourisme français. Mais comme l’indique Mark, « une majorité des professionnels du tourisme s’accordent à dénoncer l’imposture de ce zinzin et ses insuffisances notoires.
Demander plus d’argent pour Atout France en comparant les budgets de la Catalogne espagnole ou d’autres, rejoint tous ces rapports parlementaires complaisants qui ont été dictés par le DG d’Atout France ».
Le tourisme représente une part de PIB double que celle de l’agriculture
L’auteur du livre évoque la part du tourisme dans le PIB de la France. La référence est de 7 % du PIB. Mais, comme le rappelle Mark Watkins, personne ne sait vraiment comment cela se calcule tant le tourisme touche beaucoup de branches d’activité, directement et surtout indirectement. Pour information, la part de l’agriculture dans le PIB de la France est de 3,5 %.
Aller au restaurant n’est plus une fête
Les rares restaurants qui versent dans la qualité sont pleins, comme l’observe Jérôme Tourbier. Mark fait observer que cela reste vrai dans les grandes villes car dans les campagnes il y a des perles qui trouvent difficilement la clientèle en quantité pour s’en sortir économiquement. En fin de compte, le problème du secteur de la restauration est qu’aller au restaurant n’est plus une fête ou une exception comme autrefois. On y est accoutumé. Du coup, les clients sont blasés, difficiles à étonner et donc pas facilement sous le charme. Ou plutôt si, un serveur particulièrement sympathique surprend alors que cela devrait être la norme.
On va ici éviter d’évoquer les restaurants d’autoroutes infâmes que fréquentent nos fameux touristes de passage.
L’inefficacité des syndicats hôteliers
Mark Watkins souligne qu’il n’y a rien, dans « Tourisme en péril » sur les syndicats hôteliers. Il serait juste de les mettre lourdement en cause par leur inefficacité à défendre l’image du secteur des CHR, leur passivité patente face aux réglementations imbéciles, leur incapacité à aider les petits établissements qui se meurent, leurs rivalités qui fragilisent la filière, etc…
Serge Fabre
« Tourisme en péril » par Jérôme Tourbier, aux Editions JCLattès — 15 € TTC.