Depuis le vote pour sortir de l’Union Européenne, le fameux Brexit, les Britanniques commencent à découvrir que sur de nombreux points ils sont à la merci des futures négociations autour de l’article 50. Certains n’avaient pas mesuré à quel point, ils s’étaient habitués aux améliorations que l’U.E. leur avait apportées. Y compris dans le plaisant et sacro-saint monde des vacances.
Pour les vacances de fin d’année, un boom des séjours Outre-Manche
Evidemment, pour le peuple anglais, la chute de la Livre, de 1,45€ à 1,16€ en exactement un an, n’est pas une bonne nouvelle. La vie leur semble un peu plus chère, mais ils abordent le problème avec leur traditionnel flegme britannique. Par contre cela a boosté le tourisme réceptif en Grande Bretagne cet été. Sur le seul mois de juillet dernier le Royaume Uni a enregistré son record absolu de visiteurs (3,8 millions en un mois).
[1]Les prévisions à très court terme, pour les mois à venir, sont excellentes et pas seulement pour les résidents de la zone Euro.
A l’instar de Brittany Ferries, de nombreux spécialistes de la destination font la promotion de la Grande Bretagne pour les fêtes de fin d’année mettant tout particulièrement en avant Londres pour la qualité de ses illuminations et son monde du shopping, La période des soldes en tout début de l’année prochaine semble, elle aussi, très prometteuse.
A moyen terme en attendant la sortie effective du Royaume Uni de l’Union Européenne
Pour les réceptifs et les établissements touristiques français, la principale interrogation est de savoir ce que va devenir le marché britannique et ses millions de visiteurs qui viennent régulièrement découvrir la France et apprécier son art de vivre, ses vins et sa gastronomie.
[2]Un récent sondage réalisé par Euromonitor International pour le World Travel Market 2016 Industry Report qui vient juste de paraître, a révélé que suite à la chute de la Livre deux tiers des Anglo-saxons craignent que le budget de leurs vacances en 2017 subisse une très nette augmentation.
Déjà plus d’un tiers des opérateurs touristiques ont prévu d’augmenter leurs tarifs de manière significative.
Mais malgré cela plus de 70 % des sondés affirment que cela n’aura aucun impact sur le choix de leur destination de vacances pour l’année prochaine. C’est une bonne nouvelle !
Une autre étude menée par l’Agence Atomik (!) pour le compte de Travelzoo UK, précise que malgré la chute de leur monnaie la recherche pour des vacances hors du Royaume Uni reste stable, avec la proportion habituelle de vacances nationales (34 %).
Si l’Espagne et la France restent les deux principales destinations en Europe, le Canada et l’Australie sont particulièrement regardés pour des vacances « long-courriers ».
Devant l’augmentation des tarifs aériens et des séjours à l’étranger, nombreux sont ceux qui prévoient de restreindre leur budget sur place et la proportion de ceux qui pensent choisir une formule « all-inclusive » même pour des voyages en Europe est en nette progression.
A quoi s’attendre quand le Royaume Uni quittera l’Union Européenne
La semaine dernière à Londres dans les allées du WTM, le World Travel Market, les questions soulevés par le Brexit étaient un sujet beaucoup plus tendance dans les conversations que le résultat surprise de l’élection présidentielle américaine.
[3]Nombreux étaient les professionnels britanniques du tourisme qui espéraient que certains aspects de l’actuel système européen pourraient être maintenus, car leur totale abrogation nuirait autant au Royaume Uni qu’à l’Union Européenne. Ils placent ces points parmi les priorités que leur gouvernement devra négocier avec l’Europe.
– La liberté de circulation dans l’union Européenne :
Les Britanniques craignent, le jour où ils retrouveront leur traditionnel passeport bleu foncé, de passer nettement plus de temps aux contrôles de police pour entrer dans l’Union Européenne.
Mais c’est aussi un problème qui affecterait réciproquement tout voyageur européen entrant au Royaume Uni face au renforcement des contrôles britanniques.
[4]– La Carte d’Assurance Santé Européenne:
Si l’usage de cette dernière disparaissait pour les ressortissants Britanniques, il leur faudrait souscrire une assurance individuelle, ce qui pénaliserait leur budget vacances. Mais il en serait de même pour le touriste européen visitant le Royaume Uni qui pourrait réciproquement ne plus bénéficier automatiquement de l’accès aux soins hospitaliers en cas de nécessité.
– Les compensations pour les vols annulés ou retardés:
Cette fois-ci, par contre, cela ne concerne que les Britanniques, car ces compensations viennent d’une directive européenne qui ne pourrait plus s’appliquer aux vols extra-européens au départ des aéroports Britanniques. C’est pourquoi de nombreuses voix s’élèvent pour demander au gouvernement de Theresa May de rapidement passer une loi qui garantirait le même système de protection aux passagers de tous les vols au départ ou à destination du Royaume Uni.
[5]– La place des expatriés européens au sein de l’industrie touristique britannique:
Autre point qui effraye quelque peu les sociétés réceptives au Royaume Uni, que va t-il se passer pour les très nombreux expatriés européens qu’elles emploient de manière permanente ?
UKinbound qui regroupe 370 sociétés réceptives britanniques – le stand UKinbound au WTM était le plus grand stand des Iles Britanniques- vient de déclarer que chez ses adhérents environ 30 % des employés étaient des expatriés européens, et que dans ce secteur il était extrêmement difficile recruter des employés qualifiés et motivés sur le marché local, précisant que sans cet apport de personnel européen la qualité des services s’en ressentirait très rapidement.
[6]De même la British Hospitality Association a déclaré que toute mesure pour diminuer le nombre ou limiter l’embauche de travailleurs européens expatriés faisait peser une menace très sérieuse sur l’avenir du secteur touristique.
Ces très nombreux expatriés européens qui actuellement viennent travailler dans le domaine du tourisme en Grande Bretagne sans aucun problème administratif pourront-ils rester après la mise en place du Brexit ? Cette inquiétude peut paraître fondée, car Amber Rudd, le Home Secretary (l’équivalent de notre Ministre de l’Intérieur), est en train d’étudier un plan très controversé qui obligerait toutes les entreprises britanniques à dresser la liste de leurs employés étrangers. Un premier pas vers une possible restriction à l’embauche ?
Même si pour l’heure le gouvernement de Theresa May semble, au dire même de la presse anglaise, dans l’incapacité de tracer les grandes lignes des futures négociations avec l’UE, les Anglais qui sont plutôt pragmatiques savent bien qu’au final ces problèmes trouveront une solution et vont de l’avant.
Il suffisait de voir l’animation très professionnelle du salon WTM qui pendant trois jours a vu 50.000 professionnels courir de rendez-vous en rendez-vous et y signer pour environ 3 milliards d’euros de contrats, pour savoir que le business du tourisme y était loin d’être morose.
Frédéric de Poligny