[1]Non ce n’est pas le nouveau titre de PSY, dont la vidéo laissent à penser qu’il devrait justement aller en voir un de toute urgence, mais un terme indien pour l’instant peu connu et dont je subodore qu’il sera bientôt en filigrane de tout les plans d’actions des entrepreneurs innovants.
« Jugaad » – mot hindi populaire que l’on pourrait à peu prés traduire par « solution innovante et improvisée née de l’ingéniosité et de l’intelligence ».
Mais encore ? Système D ! Voilà qui est sans aucun doute plus parlant pour nous.
Sauf que si le système D peut avoir une connotation péjorative en ce sens qu’il n’introduit pas la notion d’innovation mais plus souvent de « faire avec les moyens du bord », le Jugaad signifie plutôt l’innovation frugale, c’est-à-dire la capacité à innover dans l’adversité et avec peu de ressources.
Alors que les pays industrialisés innovent à coup de plan d’investissement à long terme, mobilisant des ressources humaines et capitalistiques importantes, les pays émergents inventent, créent, et produisent sur des cycles plus courts , avec peu de ressources, et dans un contexte à priori peu favorable (manque d’infrastructure, cadre législatif et politique instable, formation insuffisantes, etc…).
Et pourtant leurs innovations sont plus performantes et connaissent des succès incontestables et parfois fulgurants, face à des multinationales occidentales dont les projets aboutissent de plus en plus trop tard sur des marchés qui les ont devancés.
La situation actuelle de crise à bon dos, elle nous permet de nous réfugier derrière des causes conjoncturelles et provisoires et de prier pour que demain redevienne comme hier.
Le psychologue Thomas Muller, spécialisé dans la gestion des crises, constate que certaines personnes lors d’une crise s’efforcent simplement de revenir à la façon dont étaient les choses avant. Je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il ait assisté aux derniers congrès de professionnels du tourisme français…
L’innovation Jugaad, a contrario, c’est repenser les modèles économiques traditionnels, être plus à l’écoute, et surtout s’appuyer sur ces mêmes difficultés, que nous qualifions aujourd’hui à tort de crise, pour innover.
Comment ? En acceptant que l’innovation passe par des séries d’essais et d’échecs (culturellement difficiles à accepter en France) avant de réussir, et en suivant ces principes de base :
– rechercher des opportunités dans l’adversité : à nous de nous adapter aux changements de comportement des consommateurs de produits du tourisme au lieu de nous efforcer à leur imposer nos anciens modèles.
– Faire plus avec moins : les marges s’amenuisent chaque année, utilisons le peu qui reste à bon escient au lieu de négocier péniblement le « point de plus » prétendument salvateur.
– Penser et agir de manière flexible : changer d’avis et de stratégie ne veux pas dire perdre son âme, bien au contraire un entrepreneur n’est pas un croisé dogmatique en quête du graal mais un être intelligent et pragmatique qui n’hésite pas à changer d’orientation si le marché l’impose.
– Viser la simplicité : ce n’est pas forcement en investissant dans des usines à gaz technologiques permettant de consolider les offres multi-prestataires et d’assurer une diffusion intégrée multi-canal que les clients reviendront en courant.
– Intégrer les marges et les exclus : en deux mots, faire exactement l’inverse de ce que vient de décider Thomas Cook qui se recentre sur le mainstream et abandonne les produits sur mesures et haut de gamme.
– Suivre son cœur : l’intuition, l’écoute et l’empathie sont en période de mutation et de crise plus efficace que les études de marché et les audits de cabinet de consulting.
Si cette approche vous séduit, je ne saurais que trop vous inviter à l’approfondir par la lecture de : « L’innovation Jugaad – redevenons ingénieux ! »
(bien plus intelligent que de s’indigner en brassant de l’air devant les caméra de télévision, mais c’est un autre débat…) de N. Radjou, J. Prabhu et S. Ahuja aux Editions Diateino – 2013.
Pierre-André Romano