Rarement une année se sera mieux présentée pour le transport aérien. Deux facteurs expliquent la situation. D’abord la baisse du pétrole qui aura un effet considérable sur l’amélioration des comptes. Mais de plus cette baisse historique intervient au moment où les compagnies aériennes ont largement entrepris l’assainissement de leurs structures, comprenez l’allègement de leur masse salariale et la reconversion de leurs réseaux.
[1]Revenons sur l’effet pétrole. En un an, entre le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015, le prix du pétrole a fondu de 40 %, et la baisse va peut-être encore continuer. Le prix actuel du gallon américain est de 0,85 $ soit 0,225 $ le soit moins 21 % par rapport au dernier cours de 2015.
En chiffres gros, disons que la facture du carburant en 2016 va baisser de l’ordre 50 % par rapport à 2015. Economie considérable car le poste carburant était jusqu’à l’année dernière le plus important et de loin pour les compagnies aériennes. Chez Air France/KLM il a pesé 6,629 milliards d’€ en 2014, derniers chiffres connus.
Avec une économie de 50 % ce sont plus de 3 milliards d’€ qui tombent mécaniquement dans les caisses. Or au plus haut de ses pertes, la compagnie a enregistré un déficit de 1,5 milliards €. On voit bien que tout naturellement, et bien entendu si le prix actuel se maintient, la compagnie va engranger un profit substantiel. L’effet sera d’ailleurs notable dès les comptes 2015, et on en aura la confirmation avec la publication qui devrait intervenir le 28 février prochain.
Un deuxième effet se fera sentir : celui de la maitrise des charges. Le prix très élevé du carburant a eu au moins un effet positif, celui d’amener les compagnies aériennes à très sérieusement réformer leur mode de gestion. Le premier souci a été d’éliminer le surplus de personnel qui au fil des années s’était accumulé. Cela avait deux conséquences perverses : d’abord des charges totalement inutiles et ensuite une dérive dans le processus de décision. En effet moins les personnels sont utilisés, plus ils veulent démontrer leur importance et chacun veut amener son grain de sel à chaque décision à prendre.
Or en période de vaches grasses, la diminution du nombre de salariés est quasiment impossible, quelle que soit la méthode utilisée. Par contre il est plus facile de se faire comprendre y compris par les syndicats lorsqu’il y va de la survie des sociétés. C’est ainsi que les compagnies européennes ont fait baisser leur nombre de salariés de manière très importante au cours des 8 dernières années.
Les méthodes ont été plus ou moins dures selon les pays et les législations sociales, mais dans l’ensemble les diminutions sont bien réelles. Les compagnies américaines, quant à elles, ont toutes eu recours au « Chapter 11 » ce qui a permis d’aller à la fois plus vite et plus intensément dans les restructurations.
Les résultats sont là. Le premier transporteur américain à publier ses résultats : Delta Air Lines a fait état du plus gros profit jamais réalisé par une compagnie aérienne, depuis l’origine de ce mode de transport. La compagnie a engrangé un bénéfice avant impôts de 5,9 milliards de $ et de 4,3 milliards de $ après impôts tout cela pour un chiffre d’affaires de 40,7 milliards de $, soit un bénéfice net représentant 10,5 % du chiffre d’affaires.
Il n’y a pas si longtemps, IATA rêvait d’un ratio de 8 %.
Donc pas de doute, l’année 2015 sera très bonne, en tous cas bien meilleure que les prévisions ne le laissaient prévoir et 2016 s’annonce encore meilleure. C’est enfin une très bonne nouvelle.
Mais la situation a son revers de médaille. Forte de leurs bons chiffres et des prévisions optimistes pour 2016 et les années à venir, les compagnies risquent de relancer une dérive qui anéantira les efforts passés. Cela n’a d’ailleurs pas tardé pour Delta Air Lines. Les gains engrangés sur le carburant ont été de 5,06 milliards de dollars mais dans le même temps, les coûts salariaux ont augmenté de 8 % et la recette unitaire a baissé de 4,4 %. Il est à craindre que le même phénomène se reproduise sur tous les autres transporteurs.
Le transport aérien a toujours eu une relation très particulière avec le marché et les compagnies n’ont su répondre à la concurrence que par une baisse constante des prix et des prestations. Il serait largement temps d’inverser cette manière de gérer cette activité et de profiter de l’embellie qui se profile pour, bien au contraire, reconstituer très sérieusement les marges, diminuer l’endettement colossal que certains transporteurs ont accumulé et, bien entendu, améliorer le traitement des clients qui ont été les premiers impactés lorsqu’il a fallu diminuer les coûts.
Delta Air Lines a distribué 1,5 milliard de $ à ses 82.000 salariés ce qui fait tout de même une jolie prime de plus de 18.000 $ par employé et versé 2,6 milliards de $ à ses actionnaires. Exemple à suivre.
Jean Louis BAROUX