Alain Battisti, le patron de la Fnam (la Fédération Nationale de l’Aviation Marchande) ne décolère pas.
« Si l’on ne fait rien, il n’y aura plus de compagnies aériennes françaises dans 5 ans » déclare t-il sans ambages.
Principale organisation professionnelle du secteur aérien, la FNAM représente plus de 95 % du secteur du transport aérien français, soit plus de 100 000 emplois dont 72 000 emplois dans les compagnies aériennes et 30 000 dans l’assistance en escale et gestionnaire d’aéroports.
« Afin de comprendre la situation présente du transport aérien français, explique Alain Battisti, « il est utile de rappeler qu’à la fin des années 90, le marché européen du transport aérien dans le sillage de la dérégulation Américaine des « années Reagan », s’est totalement ouvert à la concurrence.
Cette décision politique européenne souhaitée par les Etats, dont la France, a été conduite par les autorités dans « l’intérêt supérieur du consommateur » avec pour objectifs de démocratiser le transport aérien, de réduire les prix du billet, tout en donnant des droits supplémentaires aux clients/passagers/consommateurs« .
Evidement les « low cost » ont joué sur les avantages fiscaux et un droit social avantageux en matière de concurrence intracommunautaire, de ce grand Marché Européen, mais également au développement d’Internet qui a révolutionné la distribution des billets d’avions tout en en réduisant fortement les coûts.
« Mais, rappelle Alain Battisti, l’Europe et les Etats ont oublié de mettre à niveau la fiscalité, le système social, les règles du marché du travail entre les Etats« .
Dans ce contexte, la croissance des compagnies « low cost» s’est bâtie en jouant des avantages fiscaux et surtout d’un droit social avantageux par sa souplesse et son pragmatisme.
« Parmi les « low cost », certaines compagnies voyous bâtissent leur croissance en bafouant les règles européennes en matière de droit social, de fiscalité, de droits des consommateurs... »
Ryanair et Easyjet, deux exemples de compagnies voyou ?
« Je citerai deux exemples : la récente condamnation de Ryanair, qui applique une surtaxe de 2 % sur les paiements par carte bancaire. Cette surtaxe a été jugée illégale. Mais disons les choses franchement, constitué en business- model, le non-respect délibéré des Lois et des règlements donnent à certains des avantages concurrentiels majeurs sans qu’aucun vrai coup de sifflet ne soit donné par les autorités. Dans le cas présent, que signifie 150 000 € d’amende au regard de 2 % de revenu complémentaire calculé sur plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaire ?
Le second exemple nous vient d’Easyjet, compagnie reçue en grandes pompes au ministère des Transports en Juin dernier et qui, par ailleurs, déclarait publiquement n’opérer sur le territoire national que la moitié de ses vols avec du personnel basé, c’est-à-dire « déclarés » en France.
En clair, Easyjet ne paye que la moitié des cotisations sociales dues par son exploitation française! Combien d’entreprises françaises pourraient de façon pérenne ne payer que la moitié de leurs URSSAF ?
Halte à la concurrence subventionnée
« En matière de concurrence extracommunautaire, nos aéroports, poursuit le président de la Fnam, voient débarquer de nouvelles compagnies souvent créées de toutes pièces par des Etats souverains. Peut-on accepter sans restriction la concurrence sinon subventionnée, du moins soutenue par des Etats aux ressources financières sans limite ?
Face à l’évolution de la concurrence, les compagnies régulières françaises ne sont pas restées inactives. Elles ont travaillé leurs fondamentaux, et, s’appuyant sur des alliances capitalistiques et commerciales, en jouant sur tous les leviers de gestion. Elles réforment leur offre, travaillent leurs programmes et leurs tarifs, régulent les capacités, développent des hubs internationaux ou nationaux, font le plus souvent les bons choix d’investissement en modernisant leur flotte.
Pour autant, ces efforts de gestion, ces décisions stratégiques sont-elles suffisantes pour survivre et se développer ?
Les entreprises françaises du Transport Aérien vivent des handicaps structurels qui les menacent de disparition pure et simple. Les coûts sociaux et fiscaux imposés par notre pays à ses entreprises sont simplement incompatibles avec la guerre économique que nous livrons.
En 2010, la taxation (hors impôts sur les sociétés) des entreprises de l’aérien en Allemagne représentait 0,3% du chiffre d’affaires, 0,1% aux Pays-Bas, 11 fois plus en France (1,1%). Depuis 2010, la situation s’est aggravée en France alors que la taxation en Allemagne et aux Pays-Bas s’est réduite.
La France notamment est le seul pays d’Europe où les coûts de sûreté augmentent d’année en année.
Le rôle des pouvoirs publics en tant que producteur de service doit être également remis à plat. La puissance publique a le devoir de réduire ses coûts de fonctionnement .
La direction générale de l’aviation civile (DGAC), dont la compétence des personnels est reconnue en France et à l’étranger, doit simplifier ses procédures internes et réduire celles qu’elle impose aux compagnies, aux aéroports, à l’ensemble des acteurs de l’industrie.
Enfin en matière d’infrastructure, l’Etat peut agir efficacement et de façon éclairé en évitant la création ou le maintien de rente de situation à l’abri de la concurrence.
Le pavillon français se trouve désormais à la croisée des chemins. Soit nous renonçons collectivement à exister, c’est, d’une certaine manière, le plan proposé par le syndicat majoritaire des pilotes de lignes qui en refusant le développement « low-cost » du groupe Air France, condamne la compagnie à renoncer au court et moyen-courrier, soit nous réagissons collectivement entreprises, salariés, pouvoirs publics, pour donner à nos enfants un avenir au sein d’un transport aérien tricolore au cœur d’une concurrence saine et rééquilibrée.