Certains signes ne trompent pas : Air France a ouvert le 06 juin dernier une liaison quotidienne entre Orly et New York JFK en B 777/200 et ce, dans le cadre de la « joint-venture » avec Delta Air Lines.
Voilà qui marque bien la fin du déclin de cette plateforme qui a été vidée consciencieusement de son activité au profit de Charles de Gaulle.
[1]Remontons un peu le temps. Les premiers vols significatifs remontent à 1918, année de la création d’une base aérienne américaine. Par la suite et jusqu’en 1948, Orly sera essentiellement dédiée au transport militaire, les américains, toujours eux, installant une base importante pour la US Army Force entre le 28 août 1944 et le 7 novembre 1946. La Marine française prend alors possession de la base jusqu’au 01 mars 1954 date à laquelle elle sera alors uniquement consacrée au transport civil.
L’infrastructure actuelle date tout de même de 45 ans puisqu’Orly Sud a été inauguré par le Général de Gaulle le 24 février 1961 et Orly Ouest a été ouvert le 26 février 1971. Mais l’âge d’or de cet aéroport aura tout de même été limité car à partir de la création de Roissy Charles de Gaulle le 08 mars 1974, toute la stratégie d’Aéroports de Paris et des Pouvoirs Publics consistera à pousser un maximum de transporteurs vers Roissy, même si ces derniers tels que Swissair, Lufthansa ou Alitalia, par exemple, ne le souhaitaient surtout pas.
Et à partir de ce moment-là, Orly a stagné. Oh certes, l’aéroport a eu sa part de développement en particulier pour le transport domestique, et quelques potentialités internationales avec AOM ou Air Liberté, mais les velléités de croissance ont vite été annihilées par le décret pris, sous la pression puissante de Christian Blanc alors PDG d’Air France par Bernard Bosson alors Ministre des Transports le 06 octobre 1994, qui limite Orly à 250.000 mouvements par an.
[2]Mais on ne peut pas changer la géographie et Orly reste tout de même une plateforme pratique à utiliser, avec un temps de roulage pour les avions beaucoup plus court que Charles de Gaulle, et surtout beaucoup plus près de Paris (14 km) que Roissy. Alors les clients ne s’y trompent pas, ils privilégient, lorsqu’ils le peuvent, cet aéroport, d’autant plus que la desserte terrestre de Roissy reste désastreuse, en attendant l’hypothétique Roissy Express dont on parle depuis plus de 20 ans.
Et puis il faut tenir compte d’un phénomène passé finalement assez inaperçu : c’est la multiplication des dessertes internationales à Orly, portée essentiellement par Transavia dont la vocation première était d’occuper les créneaux horaires qu’Air France serait amenée à abandonner sous la poussée du TGV.
[3]Avec 43 destinations, Transavia a créé un véritable réseau moyen-courrier international à destination de 21 pays. Voilà qui a diversifié insensiblement au fil du temps l’image uniquement domestique et Maghreb d’Orly. Au total 40 pays sont desservis maintenant au départ d’Orly et on voit poindre plusieurs long-courriers, les Antilles et la Réunion, certes, mais également le Cap Vert, Cuba, l’Iran, la République Dominicaine et même les USA.
Nul ne doute que le phénomène s’accentue avec l’arrivée des Boeing 787 Dreamliners ou des A 350 long-courriers d’une capacité moyenne et qui par conséquent seront moins attirés vers les gros « hubs ».
Dans le même temps, Aéroports de Paris, maintenant Paris Aéroport, a engagé un vrai plan de rénovation de l’aéroport avec l’extension de la jetée Est qui est déjà achevée et la création d’un module de jonction entre les aérogares Sud et Ouest. Les travaux sont déjà bien engagés. Et puis, cerise sur le gâteau, Orly disposera enfin d’une vraie desserte ferroviaire avec la capitale inclue dans le plan d’ensemble du Grand Paris. Ne doutons pas que ces investissements et la conjoncture aéronautique n’amène un futur certain à Orly.
Il faut tout de même dire que la plateforme revient de loin. Le 01 juin 2011 un projet de loi avait même été déposé pour délocaliser Orly et les idées les plus saugrenues telles que son déplacement au sud de la Beauce ont été réellement envisagées. Le bon sens a fini par l’emporter, mais de justesse.
[4]Tout serait parfait s’il n’y avait pas ce couvercle mis au développement de l’aéroport, je veux parler du fameux décret Bosson. Celui-ci limite faut-il le rappeler, à 250.000 le nombre de mouvements annuels acceptables à Orly alors que l’aéroport peut en accueillir facilement 400.000. Je connais bien l’argument qui vient à l’appui de cette décision : la protection des populations riveraines. Or on a rarement vu une telle contre vérité prospérer.
Rappelons que le bruit des appareils n’est pas pris en compte dans le décret, seuls les mouvements sont comptés alors qu’à Roissy les riverains bénéficient des quotas de bruit. Pourquoi faut-il que les riverains d’Orly subissent la double peine : moins d’emplois car l’activité a été déportée à 70km de leur domicile et plus de bruit car celui-ci n’est pas pris en compte et que les appareils les plus anciens, c’est-à- dire les plus bruyants ne sont pas pénalisés à Orly ?
Espérons que là encore, le bon sens finira bien par l’emporter.
Jean-Louis BAROUX