« Les personnages et les situations de ces récits seront purement fictifs et toute ressemblance avec la tortue Carapatte de la famille Choupignon, ou la « Cie théâtrale Car à Patte » ou même avec des personnes, des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
[1]S’il était envisageable de mettre en scène l’une des épopées professionnelles les plus insolites du siècle passé, ce serait bien celle de ce citoyen discret que l’on nomme « chauffeur de car ».
Ce garçon, à ses débuts, portait casquette, blouse grise ou blanche (selon son service régulier ou occasionnel).
Haut en couleur, il aurait facilement trouvé une place de héros très sympathique dans ce roman qui malheureusement ne fut jamais écrit…
Petit à petit, on le voit apparaitre partout dans notre quotidien, dans des fonctions multiples intimement liées aux vies locales, c’est un personnage important et considéré… presqu’autant que Monsieur le curé, Monsieur le maire, Messieurs les instituteurs ou autres notables.
Il se charge d’acheminer Bécassine et ses oies vers le marché du coin (coin), les couples de jeunes mariés et leurs joyeuses familles sur les lieux de festivité, les joueurs de foot ou autres sportifs sur les stades, les garçons et les filles vers leurs colos, les scouts et paquetages vers leurs camps, mais aussi le bon peuple rural sur les lignes régulières, à horaires parfaitement respectés, avec une admiratrice juchée sur le capot du moteur…vélos, paniers et valises acrobatiquement ordonnés en haut, sur la galerie du toit…
Bref, ce brave bougre est partout… au service de tous, par tous les temps et tout le temps ! Un personnage devenu indispensable.
Cette appellation de « chauffeur » n’avait rien de péjoratif, bien au contraire, celui-ci n’avait rien à voir avec les chauffeurs de locomotives, rien à voir non plus avec des tourneurs d’hélices. Ce chauffeur appartient plus modestement à la prestigieuse catégorie des professions de services, descendant en ligne directe des chauffeurs de Maîtres.
Il se verra pourtant débaptisé et quelque peu pompeusement nouvellement qualifié de (?) « Conducteur d’autocar ».
Pour être à la hauteur de chaque situation, le chauffeur doit être doté de toutes les qualités humaines reconnues : il doit être robuste… (because pas de direction assistée), honnête… (il tient la caisse de la boutique), patient…(les clients sont déjà très exigeants), réactif… (seul face aux décisions, et because pas de portable), ponctuel… (qualité première par politesse), malin et informé… (pour répondre aux nombreuses interrogations de ses voyageurs).
Par ailleurs, il doit arborer une présentation impeccable, avec chemise et cravate, tel un garçon de restaurant… « On n’a jamais une deuxième occasion de faire une bonne impression… », il doit être séducteur, un peu mais pas trop, bien élevé et en toutes circonstances poli avec sa clientèle.
Il doit pouvoir changer une roue, être habile à régler tout impondérable d’ordre mécanique. Au-delà de ces qualités, il faut encore lui demander de faire office d’homme d’entretien pour astiquer son car à la fin de chaque journée.
Si cette liste non exhaustive de qualités évoque sans détour le portrait du gendre idéal, (qualités toujours bien présentes aujourd’hui), il faut avouer toutefois que belle maman y ajoutera un défaut majeur et rédhibitoire : l’absence ! Ce supposé futur gendre n’est jamais à la maison, son métier lui imposant d’être continuellement par monts et par vaux.
Amis lecteurs, puisque personne ne vous a jamais parlé de cet étonnant personnage qui, par le plus grand des hasards, s’est retrouvé parachuté au volant d’un autocar de tourisme… et pour personnellement bien connaitre ce sujet, je vais entreprendre de réparer une injustice, une anomalie, un déficit de reconnaissance à l’endroit d’un individu parmi les plus intéressants qui soient, j’ai nommé Monsieur Jérémie Richeplan à qui je viendrai régulièrement donner la parole dans La Quot.…car il a suivi pratiquement toute l’évolution de ce petit monde bien confidentiel, celui de la vie à bord d’un autocar depuis les années 60 jusqu’à nos jours.
(A suivre)
Jean-Pierre Michel