Faisons un petit rappel historique. Le groupe IAG (International Airlines Group) a été fondé le 21 janvier 2011 par l’apport de British Airways et d’Iberia. Rappelons qu’à l’époque Ibéria allait très mal alors que British Airways avait déjà largement entamé son redressement. Ceci explique la répartition du capital : 55% pour British Airways et 45% pour Iberia.
L’objectif était clairement le contrôle du marché transatlantique, British Airways dominant le nord et Ibéria l’Atlantique sud. Et contrairement à beaucoup d’analyses, dont la mienne, je dois l’avouer, la mayonnaise a bien pris et Iberia est revenue en profit.
[1]Au total le groupe composé de 3 transporteurs : Aer Lingus, British Airways et Iberia plus leurs filiales : BA City Flyer, BMI, Open Skies, Sunair pour British Airways et Air Nostrum, Level et Vueling pour Iberia, a réalisé en 2017 un profit net de 2,021 milliards d’€ pour un chiffre d’affaires de 22,972
milliards d’€. Le tout avec 63.422 salariés.
A titre de comparaison, le groupe Air France/KLM a réalisé pour la même période un chiffre d’affaires de 25,784 milliards d’€, un résultat d’exploitation de 1,488 milliard d’€ contre 3,015 milliards d’€ pour IAG et un résultat net négatif de 275 millions d’€ avec 83.500 salariés.
Cette avalanche de chiffres, certes un peu rébarbative, démontre à l’évidence combien le groupe anglo-espagnol est devenu performant. Il faut dire que les efforts de redressement de British Airways ont commencé dès le milieu des années 2000 sous la présidence de Rod Eddington. Ce dernier a fait des coupes sombres dans le réseau et dans le nombre de salariés et ce très douloureux traitement a porté ses fruits. Il suffit de comparer le chiffre d’affaires par employé : 360.000 € chez IAG contre 308.800 pour AF/KL.
[2]Et de plus IAG a commencé à se doter d’une panoplie complète de transporteurs. Aux compagnies traditionnelles : British Airways et Iberia, sont venus se rajouter des transporteurs « low cost » courts courriers comme Vueling et maintenant longs courriers avec Level et Aer Lingus qui fonctionne comme un vrai « low cost ».
Et voilà qu’est tombée la nouvelle de l’intérêt que le groupe porte à Norwegian, dont il a déjà ramassé 4,6 % en bourse. La compagnie norvégienne ne se porte pas très bien pour le moment.
Elle a commencé à annoncer des pertes, certes modestes à 111 millions d’€ pour son exercice 2017, mais elle a lancé une alerte sur ses résultats du premier trimestre 2018 avec une perte estimée à 200 millions d’€.
[3]On se demande d’ailleurs si Bjorn Kjos, le CEO, n’a pas eu les yeux plus gros que le ventre et si le nombre d’appareils en commande : 208, est justifié et si même les responsables ont un plan pour les utiliser. Or donc voilà la compagnie un peu déstabilisée, au moment où elle a prévu une forte offensive « low cost » sur le marché transatlantique, lequel faut-il le rappeler, est considéré par IAG comme sa chasse gardée.
[4]Alors supposons que Willie Walsh arrive à mettre la main sur Norwegian, que se passerait-il ?
D’abord il a largement le moyen de mener la transaction au bout. Il faut pour cela débourser 200 millions d’€ et reprendre une dette de 2 milliards d’€, ce dont le groupe a largement les moyens.
Il se trouverait alors dans la situation très favorable de faire disparaître à son profit un puissant concurrent potentiel lequel pourrait être largement utilisé contre les deux autres groupes européens : Lufthansa et Air France/KLM.
Ce faisant il rajouterait à l’ensemble IAG les 33 millions de passagers transportés par Norwegian et les quelque 200 appareils de nouvelle génération qui sont dans son portefeuille.
Avec une telle acquisition, IAG deviendrait alors le premier transporteur européen doublant Lufthansa avec près de 140 millions de passagers. Cela lui conférerait également une position très forte sur le marché scandinave qui est particulièrement dynamique et sensible aux tarifs compétitifs.
On n’en est pas encore là, mais les rumeurs sont insistantes et l’achat des actions en bourse démontre la volonté d’IAG de se consolider dans cette direction.
Reste une inconnue. Qatar Airways possède 20 % d’IAG et la compagnie du Cheick Al Baker est ainsi devenue le premier actionnaire du groupe IAG.
Sa stratégie n’est pas encore très claire, mais son offensive sur le territoire européen a été récemment confirmée par le rachat de 49 % de l’italien Meridiana rebaptisée pour l’occasion Air Italy.
Tout bouge en Europe sans que pour le moment on ne s’en rende bien compte. Affaire à suivre.
Jean-Louis Baroux