Il y a quelques jours l’AESA a publié un document préparatoire en vue d’une prochaine autorisation de vol en Europe pour les Boeing 737 MAX qui sont actuellement interdits de vol dans le monde entier depuis 20 mois, suite aux deux accidents meurtriers ayant entrainé la mort de 346 personnes en octobre 2018 et mars 2019.
Suivant l’avis des autorités fédérales américaines (la FAA) qui vient d’autoriser la reprise des vols, l’AESA a laissé entendre que son autorisation devrait être effective fin janvier 2021.Ces deux organismes confirment que, pour eux, Boeing a enfin réussi à corriger les problèmes liés au MCAS, le système anti-décrochage à l’origine des deux crashs. Le nouveau système informatique devra être rapidement installé.
Mais avant que les 737 MAX ne puissent revoler, il va falloir que soit aussi modifiée une partie du câblage électrique de chaque appareil dont les experts ont constaté qu’ils représentaient un risque d’incendie car certains faisceaux de câbles électriques n’étaient pas assez bien isolés.
D’autres petits bugs, mais moins graves, ont aussi été découverts pendant ces mois de contrôle et devront être remis en état.
La grande nouveauté est l’obligation pour tous les pilotes d’avoir effectué une requalification complémentaire sur des simulateurs de vol, même si le nombre de simulateurs de vols disponible en Europe est très restreint.
Ce stage devenu totalement obligatoire est au minimum nécessaire pour apprendre à maitriser et utiliser le système MCAS. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Car ce système MCAS n’existe que sur les 737 MAX. Toutes les versions de 737 antérieures aux MAX n’en avaient pas besoin.
Il faut savoir que les Boeing 737 existent depuis plus de 50 ans, et qu’au fil des années Boeing a régulièrement produit des séries de 737 modifiés et modernisés, avec un bel argument de vente aux compagnies aériennes, les pilotes déjà qualifiés pour un modèle plus ancien n’auraient besoin que de 2 ou 3 heures sur une tablette pour être apte à piloter la nouvelle version. Mais quand Boeing a lancé la version 737 MAX, ils ont décidé de ne pas vraiment informer les compagnies aériennes et surtout pas les pilotes des petits problèmes de cet appareil.
Il faut revenir à la genèse du 737 MAX. Voulant concurrencer Airbus et ses nouveaux appareils moins consommateurs de carburant et qui se vendaient très bien, Boeing au lieu de créer un nouvel appareil a décidé pour éviter des investissements énormes, de modifier une fois encore son bestseller le 737 en y installant des moteurs moins gourmands. Mais ces moteurs économiques se sont révélés plus gros et malheureusement la hauteur disponible sous les ailes était insuffisante.
Alors les ingénieurs de Boeing ont eu l’idée géniale d’avancer un peu vers l’avant l’emplacement des ailes ce qui leur faisaient gagner la hauteur nécessaire. Mais le fait d’avancer les moteurs vers l’avant, modifie considérablement les effets de la poussée surtout au décollage. L’avion a alors la tentation de se cabrer fortement.
Pour corriger ce problème, Boeing a créé le MCAS, un système informatique qui fait automatiquement plonger l’appareil vers le bas s’il se cabre trop. Mais pour cacher ce gros défaut de conception, les pilotes n’ont guère été informés de son installation et surtout de la manière de réagir s’il venait à se dérégler.
Ce qui a couté la vie à 346 personnes et à engendrer une crise de confiance dont Boeing va payer le prix pendant longtemps encore.
Certaines compagnies aériennes ont annulé leurs commandes de 737 MAX. En 1 an et demi, le nombre des commandes de cet appareil a chuté de près de 1000, passant de 4.500 à 3.500 aujourd’hui.
Mais le dilemme des grosses compagnies clientes de Boeing est que si elles annulent leurs commandes elles auront des difficultés à renouveler leurs flottes rapidement car le seul autre grand constructeur c’est Airbus qui a déjà un carnet de commande de 7.500 appareils et qui aurait du mal à augmenter sa capacité de production.
Il y a aussi des compagnies aériennes qui comme Ryanair ont fait le choix, pour des économies de maintenance, d’avoir une flotte mono-constructeur avec uniquement des Boeing 737. Difficile pour ces dernières de changer de fournisseur.
Au début de la reprise des vols du 737 MAX, il y a un risque certain de voir un certain nombre de passagers qui refuseront d’embarquer à bord d’un 737 MAX. Mais la faculté d’oubli chez l’homme est importante et Boeing espère que d’ici une année d’une année ce rejet sera minime, surtout que les nouvelles versions de cet appareil ne porteront peut-être plus la mention MAX.
Cependant, aux Etats Unis, la puissante Flyers Rights Organisation, vient de faire appel devant la Cour d’appel du District de Columbia (Washington) de la décision de la FAA d’accorder un certificat de navigabilité au 737 MAX, rappelant que c’est la 4ème fois que Boeing et la FAA assurent que le Boeing 737 MAX est un appareil sûr (dont 2 fois juste après les 2 crash aériens) et que à chaque fois la FAA garde secrète les études et les documents concernant les tests qui ont aboutis à cette autorisation de vol.
Flyers Rights s’appuie sur une décision antérieure de cette Cour d’Appel qui avait déjà statué en 2017 qu’aucune Agence Fédérale ne pouvait baser une décision sur des données et des tests secrets.
Flyers Rights rappelle aussi que Boeing et ses dirigeants n’ont pas hésité à cacher la vérité alors même qu’ils étaient entendus sous serment devant les commissions du Congrès, et que encore récemment ils ont fait obstruction à certaines demandes de documents émanant de Commissions du Ministère des transports ou de Commissions du Sénat.
Frédéric de Poligny