[1]En seulement 20 ans d’existence, qu’il fête ce mois de juillet, Amazon n’a pas seulement bâti le magasin virtuel le plus efficace du monde, avec une offre produits infinie et un service client qui fait référence.
Le géant de Seattle, on le sait moins, est aussi le précurseur des applications du Big Data dans le retail.
L’explication tient peut-être au fait qu’avant d’être un commerçant, Amazon est une entreprise de technologies. Un ADN bien particulier, qui fournit chaque jour les exemples d’un commerce intelligent, c’est-à-dire inspiré et dicté par les besoins des 244 millions de clients actifs ou, plutôt, leurs comportements, leurs historiques de navigation « online », leurs achats… Bref, leurs données.
C’est de cette matière première, transformée par ses algorithmes, qu’Amazon tire son avantage compétitif : les suggestions d’achats, par exemple sont personnalisées, à l’inverse du mécanisme massif de couponing, qui frappe plus ou moins distinctement sa cible : 97 % des coupons envoyés aux clients finissent à la poubelle ! Dit autrement, le « tir chirurgical » se substitue au bazooka. D’autant que les prix d’Amazon s’adaptent en temps réel à ceux de la concurrence, pour convaincre le client de rester fidèle. Sur le site américain d’Amazon, les prix des produits changent… 1 736 fois par minute, selon une étude de Profitero.
Ces données-là ne profitent pas qu’au client.
Elles alimentent, dans une boucle vertueuse, les prévisions de ventes, fiabilisent le stock… L’organisation tout entière baigne dans une logique de Big Data.
Le commerce prédictif n’est plus un fantasme
L’un des projets « fous » d’Amazon consistera, ces prochaines années, à commencer à livrer les produits chez les particuliers, avant même qu’ils soient commandés. Improbable ? Peut-être pas, tant la firme de Jeff Bezos s’ancre chaque jour un peu plus dans le quotidien des consommateurs, avec son futur smartphone (le Fire Phone) ou, encore, sa fameuse télécommande « Dash », connectée en Wi-Fi et équipée d’un lecteur de codes-barres, qui permet de faire ses courses en ligne depuis le canapé.
Vu sous cet angle, le commerce prédictif n’a plus rien d’un fantasme. Big Data est bel et bien en train de lui donner chair, en le nourrissant d’une courbe exponentielle de données personnelles. Leur production est dopée par les taux d’équipement et d’usage croissants de terminaux comme les smartphones et tablettes, sans oublier, bientôt, les objets connectés.
Un chiffre pour s’en persuader : 90% des données personnelles produites dans le monde l’ont été … ces deux dernières années. Un autre pour se convaincre de l’urgence d’agir, sous peine de se voir submerger : moins de 1% d’entre elles sont analysées .
Big data, socle du cross canal
Dans ce contexte, les enseignes ont, à l’évidence, tout à gagner à basculer dans une logique de Big Data et, même de « smart data ». C’est-à-dire de passer d’un processus de collecte quantitative de données, à une exploitation qualitative et intelligente de celles-ci.
L’objectif ? Ouvrir la voie à un commerce prédictif, dont la pertinence influence les décisions d’achat à chaque étape du processus : la formation de la motivation d’achat, la prise d’informations sur le produit, la comparaison de celui-ci (prix, service client…), l’achat puis le paiement.
L’ensemble fournit le socle pratique du nouveau mantra de la distribution qu’est le cross canal. La croissance future du commerce repose sur une offre et une expérience cross canal, certes, mais qui suppose la prise en compte individuelle du client, de ses besoins et de son historique, et une personnalisation de la relation. La fidélité du client est à ce prix, et réclame des preuves.
Les clients veulent le meilleur du digital et du magasin
Le cross canal rend stériles les éternels débats opposant le magasin au web, ou agitant la menace du showrooming ou du webrooming.
La dernière étude Wincor/Ifop montre en effet que le client veut bénéficier de l’ensemble des commodités et, plus prosaïquement, profiter du meilleur des deux mondes : se renseigner en ligne (46 %), continuer d’acheter en magasin (62%), lieu de réassurance où il découvre le produit et bénéficie des conseils vendeurs (20%).
Tous les canaux deviennent complémentaires. Mais chacun d’entre eux doit se mettre au niveau : le client souhaite consulter les avis sur les produits en magasins (sur borne, sur application mobile…), tandis que le vendeur connecté peut commander un produit indisponible pour le compte du client, ou accéder à la base de données concernant celui-ci, afin de lui fournir un conseil sur-mesure. Inversement, en e-commerce, on peut songer à un schéma dans lequel le produit commandé en ligne peut être livré 24/7 dans un casier, qui servira aussi de lieu de retour si le client n’est pas satisfait.
La bonne nouvelle, c’est que les distributeurs possèdent déjà peu ou prou les pièces de ce grand puzzle.
Quelles données plus fiables peut-on imaginer que celles issues des tickets de caisses ? Composition précise du panier d’achat, typologies d’articles, récurrence des achats, mesure de l’impact promotionnel, données liées à la carte de fidélité, numéro de carte bancaire associée…
Aujourd’hui, une grande partie de ces données récoltées ne sont que peu ou pas exploitées. Elles se situent pourtant à une portée raisonnable : depuis 2001 et la dématérialisation, les données des tickets de caisses sont stockées en PDF sous forme de journal électronique.
Ce gisement de données s’enrichit encore, pour les distributeurs, à mesure que se développe les parcours d’achat « online » et cross canaux, à l’image du drive ou du click and collect. Sans oublier le commerce mobile (« m-commerce »), qui s’appuie sur les applications mobiles ou tablettes, sur lesquelles le client compose son panier de courses, renseigne éventuellement sur ses habitudes alimentaires, ses souhaits en matière de paiement et de livraison…
Laurent Houitte,
Directeur Marketing & Alliances chez Wincor Nixdorf