MSC met 1,2 milliards d’euros pour acquérir ITA : les dessous d’une bonne affaire
31 janvier 2022 Frédéric De Poligny Aucun commentaire Production Croisières MSC, Gianluigi Aponte, ITA, Italie, Lufthansa
Coup de théâtre dans le ciel italien ! ITA, la toute nouvelle compagnie nationale italienne qui est née il y a seulement quelques mois des cendres d’Al Italia, cherchait à s’appuyer sur une autre grande compagnie aérienne européenne, pour se développer. Le gouvernement italien, propriétaire à 100% d’ITA, attendait des offres précises de la part des deux compagnies aériennes qui avaient montré leur intérêt, en l’occurrence Air France et Lufthansa. ITA aurait pu devenir une filiale d’un de ces deux groupes aériens. Mais sorti du bois sans que personne ne l’ait vu vraiment venir, le groupe maritime familial MSC vient de monter au créneau avec une offre qui représente beaucoup d’avantages économiques et politiques pour l’Etat italien.
La Proposition de MSC
Pour Gianluigi Aponte, le PDG du groupe MSC, investir dans IOTA est une opération qui a du sens et qui ne peut qu’être bénéfique pour les deux parties. Sa proposition chiffrée entre 1,2 et 1,4 milliards d’euros pour obtenir la majorité du capital n’est pas une opération à court terme, c’est un investissement productif définitif à ses yeux, mais sous ses conditions qui sont totalement non-négociables.
MSC devra obtenir plus de 50 % du capital d’ITA, condition sine qua non ! Pour le reste, Gianluigi Aponte souhaite que l’Etat italien reste actionnaire de la compagnie à côté d’un éventuel autre actionnaire minoritaire qui pourrait être la compagnie allemande Lufthansa, avec qui MSC est en pleine négociation pour établir les règles d’un accord commercial.
Gianluigi Aponte a aussi affirmé à la presse italienne, qu’il était hors de question que MSC envisage de céder ses parts à plus ou moins long terme à Lufthansa. MSC compte gérer et développer ITA au travers du conseil d’administration et en sera le véritable dirigeant. « MSC ne sera pas un sleeping partner » a-t-il déclaré, tout précisant que l’actuel management d’ITA lui semblait parfaitement qualifié et qu’il était décidé à ce qu’il reste en place, ce qui ne peut que plaire au personnel d’ITA.
Les avantages pour le Gouvernement italien
Politiquement, ITA garderait son « italiannité » comme l’a déclaré Alfredo Altavilla, l’actuel PDG d’ITA, car même si de fait MSC est une société de droit suisse, MSC est un groupe familial italien sans autres actionnaires avec une assise économique et financière impressionnante.
Et MSC n’est pas soumis à la pression d’un actionnariat extérieur à la recherche de profits immédiats. Ainsi ITA resterait une compagnie aérienne indépendante « italienne » et ne deviendrait pas la filiale d’une compagnie étrangère. Une chose que le peuple italien devrait apprécier grandement.
Economiquement, c’est une privatisation qui évite les risques financiers pour le Trésor Italien. Le Groupe MSC est basé sur 3 piliers, le frêt, MSC Cargo est devenu la 1ère compagnie de containers au monde en dépassant le danois Maersk en 2021, la croisière, MSC Cruises est le n°3 mondial derrière Carnival et Royal Caribbean, et la gestion d’installations portuaires avec plus de 60 terminaux partout dans le monde.
Et de plus MSC vient d’acquérir l’ensemble des actifs du groupe Bolloré en Afrique « Bolloré Africa Logistics ». Le groupe MSC qui emploie près de 100.000 personnes a réalisé un CA estimé de 30 milliards d’euros en 2021.
Les perspectives pour MSC Croisières
Pour Gianluigi Aponte, l’investissement semble une évidence car les synergies ITA-MSC sont parfaites aussi bien sur le transport des passagers que sur le frêt.
Les vols d’ITA permettraient de faciliter l’acheminement des passagers des navires de croisière de MSC en provenance de toute l’Europe vers les ports d’escale, que ce soit en Italie, à Miami, à Dubaï ou vers n’importe quel port d’escale.
En retour, cela fournirait un nombre de passagers plus que conséquent sur les vols ITA.
Dans son estimation de la valeur d’ITA, Gianluigi Aponte a aussi intégré le potentiel des slots que possède ITA sur les aéroports de Rome-Fiumincino, de Milan-Linate et de Milan-Malpensa pour les vols passagers comme pour les vols cargo.
Les clients actuels du frêt maritime de MSC sont des entreprises qui ont aussi de gros besoins en frêt aérien, une autre belle synergie dont MSC entend bien profiter.
En faisant l’acquisition des activités logistiques de Bolloré en Afrique, MSC vient de s’ouvrir un vaste marché qui ne demande qu’à se développer au dire de tous les experts.
Les avantages pour Lufthansa
Au contraire du Groupe MSC, pour qui la pandémie Covid-19 n’a pas eu de véritables conséquences économiques graves grâce au transport maritime, Lufthansa a dû comme nombre de ses concurrentes, a dû s’appuyer sur des aides d’état, ce qui ne devrait pas lui laisser les coudées franches pour faire une offre majoritaire sur ITA.
Par contre, passer un accord commercial avec une participation minoritaire dans le capital d’ITA est une option qui a du sens. Car ITA est une société saine, sans dette et sans excès pléthorique de personnel. Et la perspective d’une stabilité économique et financière qu’apporte MSC, devrait faciliter les négociations.
De son côté Lufthansa apporterait à ITA la possibilité d’une centrale d’achats commune pour le carburant, les pièces détachées, l’entretien, et lui permettrait des économies significatives. Cela lui offrirait de meilleures possibilités de négociation sur les conditions d’acquisition future d’appareils supplémentaires.
Mais avant toute chose, ITA pourrait rejoindre le réseau transatlantique commun Lufthansa-Air Canada-United Airlines en tant que compagnie indépendante et non pas en qualité de filiale de Lufthansa.
Frédéric de Poligny
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