Panier de Crabes chez Aigle Azur. Où en est-on ?
28 août 2019 Frédéric De Poligny 1 commentaire À la une Aigle Azur, Chine, David Neeleman, Franz Yvelin, Gérard Houa, HNA, Lu Azul, pekin 3632 vues
Lundi dernier lors d’un CSE extraordinaire (Comité Social et Économique) de la compagnie aérienne française Aigle Azur, l’actionnaire minoritaire Gérard Houa qui possède 19 % du capital au travers de sa société Lu Azul, a pris à la hussarde les manettes de la compagnie annonçant aux salariés dans un communiqué les errements de l’ancienne direction qui ont mené à plus de 50 millions d’euros de pertes durant les derniers 18 mois, surtout sur les nouvelles lignes européennes récemment créées (principalement Berlin et Milan), et qu’en conséquence il devenait le nouveau Président d’Aigle Azur car il avait réussi à rassembler 15 millions d’euros d’argent frais.
Passant aussitôt à l’action, il a annoncé que l’ancienne équipe, essentiellement Franz Yvelin, le Président en titre, et trois de ses directeurs étaient immédiatement mis à pied et qu’il nommait Philippe Bohn au poste de directeur général. Ce dernier qui est très fier de son rôle « d’influenceur économique« , ancien d’Airbus Afrique et DG d’Air Sénégal pendant environ 2 ans jusqu’en avril dernier, sa seule activité managériale connue dans le monde de l’aérien.
Il ne semble pas que les autres actionnaires aient donné leur aval à cette opération coup de poing. Gérard Houa dans son communiqué accuse sans ménagement l’ancienne direction (Franz Yvelin sans jamais le nommer) d’avoir mené une politique d’expansion à tout crin qui a mené à des pertes abyssales et d’avoir trompé tout le monde (salariés et actionnaires) en annonçant l’objectif d’un retour à l’équilibre rapide.
Il semble en effet qu’Aigle Azur ait depuis environ deux ans décidé d’assurer son avenir en développant fortement son réseau en Europe et sur le long courrier, avec l’ouverture de lignes vers Pékin et Sao Paolo par exemple. Il faut rappeler que les lignes d’Aigle Azur vers l’Algérie représentent l’essentiel de son activité, près de 60%, et que cela peut être considéré comme un risque économique.
Pour que ce développement tous azimuths d’Aigle Azur, Franz Yvelin comptait sur le support financier de son principal actionnaire, le conglomérat chinois HNA (49 % du capital).
Mais ce dernier est actuellement dans le collimateur du gouvernement chinois qui fait la chasse aux entreprises chinoises surnommées « rhinocéros gris » qui sont des colosses aux pieds d’argiles à cause d’un endettement à très haut risque.
HNA a fait de gigantesques acquisitions en empruntant à tout va et officiellement ses emprunts sont supérieurs à 50 milliards d’euros.
Pékin craignant que les problèmes à venir de ces sociétés ne soient préjudiciables à l’économie chinoise en général, a interdit à HNA d’emprunter d’avantage et a au contraire exigé la cession rapide d’une part non négligeable de ses acquisitions.
HNA a ainsi vendu cette année Gategroup, une des plus importantes sociétés de catering aérien au monde, pour 2,5 milliards d’euros. HNA a aussi vendu sa participation discrète de 9 % dans TAP Air Portugal, et a cédé la totalité de la compagnie aérienne low cost Hong Kong Express.
De même HNA qui avait réussi à devenir le premier actionnaire de la Deutch Bank avec environ 9 % du capital au travers d’habiles montages financiers, a ramené sa participation à 6 % dans cette institution allemande qui actuellement ne va pas très bien.
Le deuxième actionnaire, l’homme d’affaires américain David Neeleman , avec 32 % du capital, ne pouvait ou ne voulait pas être le seul à investir.
Et c’est à cet abandon de HNA combiné aux fluctuations des cours du pétrole que Franz Yvelin semble attribuer principalement les déboires d’Aigle Azur. Il y a quelques jours il déclarait à l’AFP en annonçant son intention de vendre à Vueling ses lignes vers le Portugal pour sauver la compagnie « Je me suis battu pendant des mois contre la majorité de mon actionnariat, qui nous a lâchement abandonnés ».
Cette absence de soutien financier est surement un des facteurs principaux qui ont mené au désastre des ouvertures de lignes. La ligne Paris-Pékin a été arrêtée au bout de 8 mois et celle de Sao Paolo devrait cesser en septembre.
La ligne Nantes-Lyon n’a tenu que 3 mois et celle Marseille-Dakar est fermée. La fréquence des vols vers Berlin et Milan a été réduite drastiquement.
Mais les déboires d’Aigle Azur ne semble pas s’arrêter là. Car devant cette main mise violente sur Aigle Azur, David Neeleman (photo ci-contre) a annoncé avoir l’intention de porter l’affaire en justice pour « usurpation » contre Gérard Houa Président autoproclamé, car pour lui Franz Yvelin est encore le Président d’Aigle Azur car ni lui ni HNA, qu’il aurait consulté directement, n’ont donné leur accord pour cette opération.
A très court terme, quid des lignes vers le Portugal ? Seront-elles cédées à Vueling ou resteront-elles dans le giron d’Aigle Azur ? La cession avait été envisagée pour octobre.
En tout cas cette opération « Tontons Flingueurs » entre actionnaires ne va pas faciliter l’avenir d’Aigle Azur dont l’horizon se noircit de plus en plus et dont certains craignent un atterrissage plus que douloureux.
Frédéric de Poligny
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1 commentaire pour “Panier de Crabes chez Aigle Azur. Où en est-on ?”
le pavillon francais disparait depuis des années dans l indifference la plus totale
mais qui en profite ??? le monopole revient a grand pas !!!