[1]Voilà une compagnie dont on n’a pas fini d’entendre parler. Il s’agit de Norwegian, en fait Norwegian Air Shuttle.
Bien entendu c’est une « low cost » et bien entendu elle vient de l’Europe du Nord, en l’occurrence de Fornebu à côté d’Oslo.
Elle vient de faire parler d’elle en lançant la première opération « low cost » transatlantique depuis la faillite du SkyTrain de Sir Freddie Laker le 6 février 1982.
Autrement cela fait 32 ans que l’on n’avait plus tenté l’aventure. Voilà qui va encore secouer les habitudes.
Certes il y aura beaucoup de sceptiques mais qui peut parier sur l’échec de cette opération ?
D’autant plus que la croissance de ce transporteur, dirigé par Bjorn Kjos, est fulgurante et que ses ambitions ne sont pas médiocres.
Elle est de création récente : 1993 et elle a commencé modestement en travaillant en coopération avec Braathens jusqu’à ce que cette dernière compagnie ait été rachetée par SAS.
Depuis elle a fait son chemin sur le court courrier européen essentiellement.
Actuellement elle opère 87 appareils, des Boeing 737/300 et 737/800 et elle a transporté plus de 17 millions de passagers en 2012.
Mais ce qui impressionne est son carnet de commande. Jugez plutôt : 56 Boeing 737/800, dont elle recevra 10 par an, mais aussi 100 Boeing 737 Max 8 plus 100 en option, mais également 100 Airbus 320 Neo plus 50 en option et enfin 5 Boeing 787 Dreamliners loués à ILFC et qui sont en opération.
Si je compte bien, cela fait 256 appareils en commande plus 150 en option. Cela fait une taille du niveau des plus grands européens.
Autant dire que le transporteur norvégien a quelques sérieuses ambitions.
La compagnie vient de lancer son offre transatlantique à destination de New-York, Fort Lauderdale et Los Angeles à partir de Stockholm et Copenhague.
Certes les effets d’annonce sont moins tonitruants que ceux de Michael O’Leary le médiatique président de Ryanair et les tarifs restent à un niveau raisonnable.
Pour le mois de juillet, comptez 760 € aller-retour entre Stockholm et New York. On peut d’ailleurs les comparer à ceux d’Air France qui propose aux mêmes dates un tarif de 999 € ou ceux d’XL Airways qui affiche 879 € toujours aux mêmes dates.
Bien entendu on est en haute saison et les prix baisseront certainement à l’automne. Mais finalement on reste dans le raisonnable. Et c’est tant mieux.
La question qui vient naturellement à l’esprit est celle-ci : pourquoi une compagnie basée dans un pays de tout juste 5 millions d’habitants avec un marché naturel scandinave de 20 millions d’habitants en rajoutant la Suède et le Danemark peut-elle avoir ce degré de réussite alors que nous n’arrivons pas à faire émerger un vrai transporteur « low cost » en France, dont la population est plus du triple ?
Et que l’on ne parle pas de niveau de vie. Celui des pays nordiques est largement comparable au nôtre. Et que l’on ne parle pas non plus des impôts, car le niveau d’imposition de la Suède, par exemple est même supérieur à celui de la France.
Alors pourquoi n’arrivons-nous pas à réussir ce que font les autres ? Pourquoi ne pouvons-nous pas lever les capitaux suffisants pour monter enfin un grand transporteur « low cost » ?
Posons la question autrement : la création d’une grande compagnie à bas coûts en France fragiliserait-elle plus notre transporteur national ? Je ne le crois pas car la situation en France est largement dominée par EasyJet qui représente, et de loin, le plus grand danger pour le moyen-courrier d’Air France.
L’émergence d’un gros opérateur français ferait d’abord justement concurrence à EasyJet et Vueling.
Sauf que pour le moment les blocages ne sont pas économiques mais culturels.
Il faudrait, pour avoir quelques chances de réussir, tout d’abord débloquer l’aéroport d’Orly qui par une aberration bien française est géré par un nombre de mouvements limité à 250.000 et ce depuis 1997, au lieu de l’être par des quotas de bruit tout comme Charles de Gaulle.
Il faudrait ensuite que l’on arrête cette menace de grèves chaque fois qu’une catégorie de salariés veut de nouveaux avantages ou simplement le maintien des anciens, fussent-ils excessifs.
Il faudrait enfin une administration, je veux parler de la DGAC, dynamique et dont le but soit de favoriser par tous moyens le transport aérien et non pas de maintenir un filet protecteur autour de notre compagnie nationale.
Bref, ce n’est pas pour aujourd’hui.
Jean-Louis BAROUX