Comment faire entrer un carré dans un rond, voilà le défi de la direction d’Air France en lançant le projet Boost. Au fond cette affaire n’est compliquée que par les mauvaises habitudes sociales subies par la compagnie depuis plusieurs décennies.
Rien ne peut se faire sans l’aval des pilotes et on se demande bien pourquoi. D’autant plus que ces derniers ne montrent à aucun moment le souci de la prospérité de leur entreprise mais uniquement le maintien, voire même l’amélioration de leurs privilèges.
[1]L’analyse de la direction est pertinente. Si la compagnie nationale veut éviter une forte attrition, elle doit être capable de couvrir tous les segments de produit, depuis le « low cost », jusqu’au transport de luxe. C’est ce qui est fait sauf pour le « low cost » long courrier. Il est par ailleurs fortement attaqué sur le court-courrier lequel est devenu déficitaire après avoir été la vache à lait de l’entreprise.
On ne peut pas reprocher au management sa vision à partir du moment où la décision stratégique de croissance a été prise. On ne peut pas lui reprocher non plus le choix de créer une nouvelle compagnie plus souple, moins onéreuse à exploiter, capable de minimiser les pertes sur les lignes très déficitaires, car trop fortement concurrencées.
Mais la réponse n’est pas très claire tout au moins aux yeux d’un observateur extérieur. Boost est-elle une vraie nouvelle compagnie ? Fabrique- t-elle un produit « low cost » ou un produit traditionnel ? Quelle sera sa capacité à faire concurrence aux opérateurs dont les charges d’exploitation sont structurellement inférieures à celles de Boost ?
[2]Comment utiliser la belle image d’Air France en mettant sur le marché une compagnie qui ne porte pas son nom ?
Et puis comment arriver à faire baisser les coûts de l’ordre de 15 % à 18 % comme annoncé en utilisant des Airbus 340 pour la phase de démarrage long courrier, alors que de l’avis général, cet appareil est très onéreux à opérer ?
Je sais bien qu’il est facile de porter des interrogations depuis l’extérieur sans forcément avoir toutes les informations.
Je note cependant que la concurrence va rester aussi forte sur les lignes envisagées et que pour rentabiliser les opérations de Boost, il faudra plus que les 15 % d’économies. Il sera nécessaire de regagner une clientèle qui est partie vers les autres transporteurs car elle trouvait un meilleur rapport qualité/prix.
[3]Bon, est-ce une raison pour ne pas essayer ? Certainement pas. Je dirais au contraire que le projet devrait entraîner l’adhésion enthousiaste du personnel qui pourrait à tout le moins considérer les efforts et l’imagination déployés par la direction pour sortir le groupe Air France/KLM par le haut de la situation difficile dans lequel il se trouve.
Seulement il faudrait pour cela que les responsables de l’entreprise ne soient pas condamnés à devoir discuter, je dirais même marchander avec telle ou telle catégorie de personnel défendue par des syndicats dont le but est uniquement de défendre des intérêts catégoriels et ce au détriment de ceux de la compagnie.
Pour tout dire, je trouve un peu insupportable un mode de gestion qui s’apparente à celui des Soviets dans un monde manifestement si éloigné de ce mode de pensée.
[4]Cela fait des mois que le projet est sur la table et qu’il n’avance pas, tout simplement parce que des pilotes, qui ont bien accepté de voir les navigants commerciaux employés avec des salaires et avantages très réduits, refusent la mise en route de la nouvelle compagnie tant qu’ils n’auront pas obtenu entière satisfaction, ce qui rend impossible les baisses de charges nécessaires.
Ce ne serait pas la première fois que des intérêts purement catégoriels entrainent la mort des entreprises de transport aérien. Les exemples foisonnent mais manifestement ils ne servent à rien.
Jean Marc Janaillac a bien raison de rappeler que sans avancée significative, l’entreprise est vouée à reculer fortement. Le statut quo n’est plus envisageable.
Si la solution proposée par la création de Boost est jugée inadéquate par les pilotes, pourquoi n’en proposent-t- ils pas une autre meilleure ? L’obstruction systématique, ça suffit.
Jean Louis Baroux