Le simple fait de poser la question laisse entendre que l’activité économique liée au tourisme connaît quelques difficultés sur l’île aux parfums.
Petit coin de France perdu entre l’Afrique et Madagascar, posé sur l’Océan Indien entre l’équateur et le tropique du Capricorne, Mayotte cultive de longue date les contrastes.
Pour les uns, c’est un paradis trop méconnu. Destiné aux plongeurs, aux randonneurs et de façon plus générale aux amoureux de nature préservée. Un paradis doté du plus grand lagon du monde, de dizaines de plages de sable, d’une faune abondante à l’endémisme marqué et d’une flore originale.
Pour les autres, ce serait plutôt un purgatoire. Voire un enfer pour les touristes qui s’aventurent sur l’île compte tenu non seulement du manque de structures hôtelières mais surtout de l’ambiance délétère et du sentiment d’insécurité qui règnent ici depuis les « évènements » de novembre 2011.
Alors qu’en est-il vraiment ? Le partage est-il si léonin ? Ce territoire devenu département il y a tout juste deux ans et qui attendait beaucoup de l’accession à ce statut, va t- il s’imposer comme une destination à part entière dans le concert des Îles Vanilles au même titre que ses voisines, La Réunion, Maurice ou Les Seychelles ?
C’est ce que nous avons voulu savoir. En toute transparence et en allant à la rencontre de celles et ceux qui vivent au quotidien la réalité mahoraise.
Le tourisme n’est pas la première des priorités
Le Comité Départemental du Tourisme de Mayotte a été créé en 1987 mais semble n’avoir véritablement pris la mesure du problème que depuis deux ans et l’arrivée au poste de président du jeune conseiller général de la commune d’Ouangani, Rastami Abdou.
Ce dernier avoue vouloir axer la stratégie de développement touristique de l’ île autour d’un tourisme durable et alternatif en s’appuyant sur le tissu associatif local pour le moins très dynamique à Mayotte.
Pour mener sa mission à bien, M. Abdou a promu à la direction du CDTM celui là même qui a travaillé à l’élaboration du Schéma d’Aménagement et de Développement Touristique de Mayotte, Michel Ahamed.
En 25 d’existence, ce n’est que la seconde fois que le Comité départemental est dirigé par un mahorais. D’aucuns verront là un symbole…
Personnage emblématique, Michel Ahamed a mené de longues études de communication en métropole avant de se tourner vers le tourisme. Lorsqu’on l’interroge sur la situation du tourisme et sur la chute de la fréquentation pour la seconde année consécutive, il n’use pas de la langue de bois.
« Notre île est en plein renouveau et mets en place la départementalisation. Transports, éducation, santé, social… les chantiers et les attentes sont nombreux. Cela explique que vous puissiez avoir l’impression que nos élus ne considèrent pas le tourisme comme une priorité ! ».
L’arrivée d’XL Airways
Avec les 14 permanents qui œuvrent à ses côtés à Mamoudzou mais aussi dans les antennes de La Réunion et de Paris, il s’évertue à remonter la pente et à combattre les effets collatéraux des mouvements sociaux de l’automne 2011.
« Mais vous savez, on a des atouts en main. Et des défis à relever. Le premier touche les infrastructures : le premier frein au tourisme à Mayotte c’est l’hébergement. Car avec l’arrivée d’ XL Airways qui est venu compléter l’offre, l’aérien est satisfaisant désormais. »
Le manque d’organisation au plan local pose problème aussi. « Nous ne pouvons pas nous appuyer sur des OT ou des SI comme dans les autres départements français parce qu’il n’ y en a pas…Ajouter à cela des années d’incertitudes et d’ atermoiements politiques locaux , des tracasseries administratives en tout genre, et vous comprenez comment le retard s’est accumulé au fil des ans … ».
On se plaît à Mayotte de rappeler quelques beaux projets hôteliers réduits à néants par une application pointilleuse de la Loi Littoral.
Au centre des terres, la seule commune de l’île ne disposant d’aucun accès à la mer est elle aussi touchée par les effets contraignants de cette loi.
C’est celle de Ouangani, dont le conseiller général n’est autre que le président du CDTM.
Alors pour l’heure, avec les conflits sociaux latents chez les fonctionnaires et la multiplication des actes de délinquance et de violence (attribués généralement aux clandestins Comoriens), les difficultés d’hébergements et le fait de ne disposer que d’une dizaine d’ hôtels -dont six classés- ne sont plus tenus comme les seuls responsables du recul impressionnant du nombre de touristes.
On est de fait désormais bien loin des 50 000 touristes par an, dont une majorité en provenance de La Réunion, qui choisissaient la destination Mayotte. Visiblement, seul résiste encore le tourisme affinitaire, des visiteurs venus voir de la famille ou des amis… et qui résident chez ces derniers.
Mais il en faudrait plus pour décourager Michel Ahamed ou ses collaboratrices, Nadira-MaleckBertrand et Natty Ahamada (Promotion/Communication/Presse) qui multiplient les opérations et les salons.
Le nouveau Schéma d’Aménagement et les 9 sites qu’il définit pour accueillir de nouvelles structures hôtelières est quant à lui désormais applicable.
Le Label Ylang inspiré du classement en épis des Gîtes de France recense déjà 23 établissements classés, et des micro-projets touristiques fleurissent ici et là.
Ne reste plus qu’à espérer qu’avec la mise en place d’une vraie politique en faveur du tourisme, la population puisse ressentir les premiers effets bénéfiques sur l’emploi et l’amélioration de conditions de vie -indignes de notre pays par endroit- sur l’île.
De Mayotte pour La Quotidienne,
Jean BEVERAGGI