La Quotidienne a demandé à Joyce Pitcher, avocate au Barreau de Paris, des précisions sur les fameux avoirs imposés par les compagnies aériennes. Joyce Pitcher intervient, depuis 2013, en droit international des affaires, droit de la consommation et droit aérien. Le cabinet représente plusieurs milliers de passagers contre des compagnies aériennes dans le cadre de vols retardés ou annulés.
La Quotidienne : Comment faire en cas de refus de remboursement de vol annulé du fait du Covid-19 ?
Joyce Pitcher: Le nombre de vols annulés du fait de la crise sanitaire ont été nombreux et les passagers semblent encore démunis face aux réponses qui leur sont données par les compagnies aériennes.
Certaines d’entre elles sont tout simplement injoignables et les passagers ne parviennent pas à transmettre leurs réclamations. D’autres, à la marge, acceptent de rembourser.
Pour les agences de voyages, c’est également un véritable casse-tête !
Toutefois, la majorité des compagnies aériennes, considère pouvoir s’opposer aux demandes de remboursement ou imposer des avoirs. Les passagers se trouvent démunis face à ces réactions. Nous vous rappelons les droits des passagers et les actions possibles pour faire valoir vos droits.
LQ : Quels sont les droits des passagers ?
JP : Il convient de distinguer les vols soumis à l’application du Règlement n°261/2004 et les autres.
Concernant les vols soumis au Règlement n°261/2004
Ce règlement s’applique aux vols provenant de l’Union Européenne et à ceux à destination d’un Etat membre de l’Union Européenne, sous réserve qu’ils soient opérés par un transporteur européen.
En cas d’annulation de vol, quelle qu’en soit la cause, ce règlement prévoit l’obligation pour les compagnies aériennes de laisser le choix aux passagers entre : le remboursement du vol ou le réacheminement à titre gratuit des passagers vers la destination prévue.
Le règlement ne prévoit aucunement la possibilité d’imposer un avoir aux passagers, quelle que soit la cause de l’annulation du vol, contrairement à ce que certaines compagnies veulent faire croire aux passagers.
La Commission Européenne est d’ailleurs venue le rappeler à deux reprises. Dans ses premières recommandations en date du 18 mars 2020, elle précisait déjà: “si le transporteur propose un bon, cette offre ne peut pas affecter le droit du passager d’opter plutôt pour un remboursement”.
Par une recommandation du 13 mai 2020, la Commission a pu rappeler d’une part, que « de nombreux passagers et voyageurs ont été́ touchés par l’impact économique de la crise et ont vu leurs revenus baisser en raison de la réduction de l’activité́ économique, qui compromet les perspectives tant des employeurs que des travailleurs » et, d’autre part que les passagers peuvent accepter un avoir mais qu’ils doivent avoir le choix entre le remboursement et l’avoir
Le droit au remboursement est donc incontestable pour les vols soumis à l’application du règlement n°261/2004.
Les pratiques de certaines compagnies aériennes, encore aujourd’hui, tendant à faire croire aux passagers qu’ils seraient contraints d’accepter des avoirs, sont totalement abusives.
Pour les Vols non soumis au règlement n°261/2004
Pour tous les autres vols, qui n’entreraient pas dans le champ d’application du règlement précité, il convient de se tourner vers les conditions générales des compagnies aériennes, ou les dispositions nationales applicables.
Il convient de rappeler que la loi française pourra tenir à s’appliquer dans de nombreux cas, même lorsque la compagnie aérienne a choisi d’indiquer une autre loi applicable dans ses conditions générales.
Les passagers seront alors fondés à réclamer le rembourser des vols annulés et des frais supportés en conséquence, du fait de l’inexécution contractuelle, bien que celle-ci soit due à une force majeure. En effet, la prestation n’ayant pas été exécutée, les passagers ont bien un droit au remboursement de leur vol.
Enfin, il est important de noter que les passagers pourront également solliciter le remboursement des frais supportés du fait de l’annulation du vol (restauration, hébergement, transport).
LQ : Comment faire valoir vos droits en cas d’annulation ?
JP : Il est très fortement recommandé aux passagers d’écrire à la compagnie aérienne, afin de lui faire savoir leurs demandes, et de conserver une trace de cette demande, qu’elle ait été faite par formulaire, e-mail, message Facebook ou courrier.
De toute évidence, si les passagers reçoivent des propositions d’avoirs raisonnables, que ces derniers seraient en mesure d’accepter si leur situation financière le permet, sans risquer la faillite de la compagnie aérienne, ces derniers peuvent le faire.
Lorsque les passagers refusent la proposition d’avoir et ne parviennent pas à obtenir le remboursement de la compagnie aérienne dans les 7 (sept) jours, une procédure pré-contentieuse (mise en demeure) puis une procédure judiciaire pourraient être engagée.
Il paraît important de préciser que les passagers ayant accepté un avoir sous la contrainte, ou ayant reçu un avoir sans l’avoir accepté, pourront toujours solliciter le remboursement. Toutefois, ceux ayant accepté l’avoir de leur plein gré pourront difficilement agir en remboursement.
Inciter les compagnies à rembourser les vols annulés lorsque les passagers en font la demande, permet également de relancer l’économie du monde du voyage, en redonnant confiance aux voyageurs.
Face aux nombreuses incertitudes liées à la maladie, les voyageurs ne réserveront aucun vol s’ils savent qu’ils prennent le risque de ne pas pouvoir être remboursés en cas de nouvelle annulation liée au Covid-19.
Pour information, Maître Pitcher peut être contactée via le site: https://pitcher-avocat.fr [1], ou sur son groupe Facebook dédié aux réclamations des passagers :
https://www.facebook.com/groups/260180261834590/ [2]
Propos recueillis par Serge Fabre