A l’heure où le premier réseau d’agences de voyages de France, Selectour, s’interroge sur une nouvelle vision de son système coopératif tendant vers plus d’ »intégration », subsiste une question essentielle valable pour toute agence affiliée à un réseau : « et le client dans tout çà ? ».
La logique de « plus d’intégration » se comprend aisément :
D’une part il y a une volonté, pour «l’intégrateur», de mieux maîtriser son outil principal : le réseau de vente pouvant aller jusqu’à des prises de participation majoritaires (encore faut il que les statuts des structures abritant ces réseaux le permettent ?
[1]Sur ce premier point, la pluralité de typologies d’entreprises constituant les réseaux volontaires ne pourra déclencher un élan en masse vers ce nouveau schéma.
Bien entendu que plusieurs dizaines d’entreprises : en difficulté, en recherche d’un nouveau souffle ou en phase de transmission … adhéreront !
Cependant, pour la grande majorité d’entre elles, elles adhèrent justement à un réseau volontaire afin de préserver cette liberté d’agir qui est l’essence même de leur affaire.
Prenons trois exemples :
– Bon nombre d’agences sont également autocaristes ; les liens capitalistiques, souvent familiaux, entre les 2 structures ne laissent guère de place à un début d’intégration.
– Les agences « multi-activités », et elles sont de plus en plus nombreuses, affichent un chiffre d’affaires qui se répartit pertinemment entre 4 ou 5 activités : distribution, billetterie, groupes, réceptif, activité de niche … de telle sorte qu’une approche d’intégration s’avère très complexe.
En effet, quels outils et quels avantages peuvent retirer ces agences d’un modèle d’intégrés pour l’ENSEMBLE de leurs activités ?
[2]– Des mini-réseaux, au sein de ces grands réseaux, qui ont su avantageusement se structurer, mailler leur territoire et pour lesquels une logique d’intégration ne présente pas d’intérêt.
En résumé, c’est l’incroyable diversité des entreprises qui les composent qui fait la singularité des réseaux volontaires. Mais c’est aussi cette diversité qui rejette, par nature, tout modèle unique, de quelque ordre qu’il soit.
– La promesse d’une meilleure rémunération grâce à une politique de ventes plus exigeante, C’est bien entendu l’argument majeur que met en avant « l’intégrateur » :
plus d’intégration = plus de revenus pour les agences : pas si simple !
[3]Pour le tourisme, si d’un côté le TO est disposé à rémunérer davantage la performance, l’agence, elle, a pour souci principal de répondre à l’attente de son client, coûte que coûte !
Face à une demande de plus en plus protéiforme émanant de ce client, l’agent de voyages ira prioritairement vers la production des TO. S’il ne trouve pas le produit adapté, il aura recours à des solutions alternatives (vol + réceptif, etc…)
[4]L’accessibilité à l’ensemble de l’offre étant de plus en plus aisée pour les agences, la profonde mutation du process d’achat est en marche : je crains qu’on la sous estime car, dans une relation BtoB, le client n’est pas la priorité, nous y reviendrons.
Pour la billetterie, qui demeure l’activité majoritaire de notre profession en France, la notion de performance est encore plus essentielle, je dirai meme qu’elle constitue l’unique sujet des relations Fournisseurs/réseaux.
L’intégration prend effectivement ici tout son sens mais, une fois encore, elle laisse peu de place à une réelle notion de services différenciés que l’on peut apporter au client affaires !
La question se pose donc à nouveau : Et le client dans tout çà ?
A quand une vraie réflexion entre les fournisseurs et les agences, fédérées en réseau, pour mettre le client au cœur de leurs préoccupations communes ?
[5]De mémoire de « vieil agent de voyages », je n’ai jamais été sollicité par des TO pour réunir, dans mes agences, quelques clients fidèles à leurs marques pour recueillir les avis et critiques sur la brochure en cours et sur les améliorations à apporter ? ne serait ce pas là une idée qui placerait habilement le client comme trait d’union entre le TO et l’agence ?
Les Tour Operator distribuent leur production en direct, par leur propre réseau de distribution par les réseaux tiers ou les indépendants.
Les réseaux volontaires centralisent les paiements, fluidifient le lien commercial, négocient avec les fournisseurs les meilleures rémunérations. Pour certains, ils apportent, au travers d’une marque visible, une réelle identité au point de vente.
Cependant, on ne met jamais comme point de rencontre entre production et distribution le client. Et, de mon point de vue, il y aurait tant à faire …
[6]Ce client qui, pour d’autres produits de consommation, se renseigne sur internet, va visualiser les produits en boutique, appelle un call center, achète en boutique ou sur le site puis se fait livrer, chez lui, dans l’enseigne la plus proche ou dans un magasin de proximité.
L’agilité dans ce parcours de vente est devenu pour le client la norme. En mobilisant intelligemment toute la chaine de la production à la distribution, ne pourrions nous pas offrir demain à ce client l’agilité qu’il obtient ailleurs ?
Ainsi, le client achète en direct sur le site du TO (qui pourrait l’en empêcher?) mais il peut exprimer le besoin de régler son dossier en plusieurs fois, en chèques-vacances, obtenir un « carnet de voyages »
fourni, un référent unique avant le départ, etc… Pourquoi l’agence proche de chez lui ne pourrait elle pas lui offrir ces SERVICES + ? Tout le monde y gagne : le TO, l’agence ET surtout le CLIENT !
La course au meilleur taux de commission va vite atteindre ses limites, si ce n’est déjà fait. Valoriser par contre ces services, comme on l’évoque depuis des années mais sans jamais le faire, est la meilleure piste à explorer dans l’intérêt du client commun !
[7]Quant à la billetterie, la préoccupation des transporteurs et hébergeurs comme celles des agences business est d’apporter, chacun de leur côté, plus de service à leurs clients sans jamais concevoir une offre de services globalisée. Un ou plusieurs réseaux d’agences, intelligemment répartis sur un territoire donné, peuvent apporter nombre de services complémentaires, pour le compte des transporteurs et hébergeurs, à leurs clients ( ex : « un interlocuteur unique, 24/24, proche de vous »)
En marge d’un schéma d’intégration, c’est probablement un nouveau rapport qu’il faut inventer entre la production et la distribution dans lequel le service prend une réelle valeur marchande.
En complément de ses activités de base, les agences de voyages peuvent augmenter fortement leur rémunération en offrant au voyageur un « bouquet de services plus » proposés par les producteurs, transporteurs et autres hébergeurs.
Quels seraient aujourd’hui les meilleurs accélérateurs de cette offre globale de services agences : les réseaux de distribution, bien sûr !
JL Dufrenne