L’infatigable Richard Branson, le milliardaire casse-cou qui a réussi à se blesser sérieusement cette année dans une simple chute de vélo alors qu’il a battu de nombreux records para-sportifs autrement plus dangereux, vient d’annoncer officiellement un de ces nouveaux défis, relancer les vols supersoniques commerciaux.
Son projet de remettre Londres à 3h15 de New York n’est que la première partie d’une révolution ambitieuse du transport aérien commercial qui à terme permettrait de relier entre eux les principaux aéroports mondiaux en moitié moins de temps et à des tarifs abordables.
[1]Pour cela Virgin Group, propriété de Richard Branson, a fait un investissement majeur dans la start-up aéronautique américaine « BOOM » qui développe un nouvel appareil supersonique dont la silhouette et les capacités lui valent d’être considéré comme un mini-Concorde avec un nombre de passagers inférieur de moitié (45 au lieu de 100) mais avec une vitesse de croisière légèrement supérieure (Mach 2,2 contre Mach 2,02).
Pour rappel, Mach 1, le mur du son, c’est 1 078 km/h.
Richard Branson s’est engagé à acquérir les 10 premiers exemplaires commerciaux du Boom.
La recherche et les études techniques sont suffisamment avancées pour qu’un vol d’un prototype d’essai, un appareil bi-place de petite taille le XB-1 surnommé le Baby-Boom, soit prévu pour fin 2017 quelque part en Californie du Sud. Les premiers vols commerciaux du Boom sont eux envisagés à l’horizon 2023. C’est quasiment demain!
[2]Pour Blake Scholl, pdg-fondateur de la société Boom qui est basée à Denver (Colorado), « les vols supersoniques ne seront pas réservés à ceux qui voyagent habituellement en jet-privé, mais à ceux volant actuellement en Business Class, et très bientôt à tout voyageur aérien« .
Admirateur du Concorde, merveille technologique créée il y a plus de 40 ans, Richard Branson avait même proposé d’acheter un Concorde à British Airways pour une somme symbolique lors de l’arrêt définitif des vols en 2003.
Visionnaire autant qu’homme d’affaires avisé (enfin pas toujours !) Richard Branson a analysé les faiblesses du projet commercial du Concorde et pense en avoir trouvé la parade.
Le Prix proposé
Les tarifs élevés du Concorde limitaient la clientèle potentielle. Alors qu’avec les progrès technologiques actuels et surtout avec les nouveaux matériaux composites qui sont maintenant homologués pour la construction aéronautique, le ratio carburant/passager/km peut-être très largement amélioré réduisant la consommation de carburant et rendant de ce fait les tarifs très attractifs.
L’option retenue serait de proposer par exemple des vols supersoniques aller-retour Londres-New York aux alentours de 6.000$, soit l’équivalent d’une Business Class actuelle sur des vols subsoniques.
La rentabilité commerciale
La rentabilité du Concorde était basée sur un fort taux de remplissage de ses 100 places, ce qui n’était pas toujours le cas. Avec seulement 45 places le futur Boom supersonique de Virgin sera plus facile à remplir surtout si les tarifs arrivent à être proches de ceux de la Business Class. Dans ce cas, le futur service Résa du supersonique risque même d’être débordé…
[3]L’autre problème majeur du Concorde fut qu’il ne desservait que New York. Alors que l’idée est de créer des routes transatlantiques et transpacifiques en basant des appareils dans des aéroports proches de la mer où ils pourraient passer le mur du son sans créer de nuisances, aux Etats Unis, New York vers Londres évidemment, mais aussi Los Angeles vers Sydney, et San Francisco vers Tokyo.
Imaginez un peu les gains de temps des vols supersoniques: depuis Londres, la Thaïlande serait à 5h de vol, l’Australie à environ 8h, les Emirats autour de 3h… Si les prix suivent, le marché serait énorme.
Les restrictions américaines
Evidemment le Concorde était bruyant au décollage mais il avait surtout le défaut majeur d’être un avion européen utilisé par des compagnies européennes.
Faut-il y voir malice si l’administration américaine ne lui a ouvert que New York ? Avec peu de vols le coût de la maintenance des appareils obligeait British Airways et Air France à maintenir des tarifs élevés qui ne venaient pas trop concurrencer les compagnies américaines sur les vols transatlantiques qui pour tous étaient les plus rentables.
Actuellement les vols supersoniques civils sont interdits au dessus du territoire américain et Virgin n’envisage pas de vols intérieurs supersoniques aux USA dans l’état actuel de la législation américaine.
Mais ce qui rend le projet de Richard Branson plus réaliste, ou en réalité moins utopique, c’est que la Société Boom avec qui il s’est associé pour créer cet appareil est une société américaine et que les futurs appareils seront construits aux Etats Unis et vendus aux Etats Unis. Cela devrait même plaire à Mr Trump et à son slogan « L’Amérique d’abord ! ».
[4]Du Concorde Richard Branson a repris l’idée d’un voyage de luxe en y rajoutant les progrès de la technologie et de la connectivité et de l’espace individuel avec un seul siège de chaque côté de la travée centrale chaque passager bénéficiant d’un grand hublot.
C’est vrai que sur le Concorde les sièges, en 2×2, n’étaient pas très larges et les hublots étaient minuscules, par contre les services au sol et à bord étaient inoubliables.
Tous ceux qui ont eu la chance de voler sur le Concorde rêvent de reprendre un de ces vols supersoniques ou l’avion s’élance dans le ciel comme une flèche grimpant jusqu’à 18.000m (les vols classiques ne dépassent pas les 10 000m) où quand il se stabilise on a l’impression de planer dans l’espace. Planer à Mach 2,02, soit 2 179 km/h, ce n’est pas rien quand même. Là haut le ciel y est d’un bleu profond qui va presque jusqu’au noir.
Pour peu, on pourrait se prendre pour un cosmonaute. Et le passage du mur du son (Mach1) me direz vous? S’il n’y avait pas le compteur de vitesse au mur de la cabine passager nul ne saurait quand on le passe, ni même quand on dépasse Mach 2.
Et puis partir en milieu de matinée de Londres ou Paris pour atterrir 3h plus tard à New York JFK juste à temps pour l’ouverture des bureaux ou pour tout simplement prendre un café ‘américain’ sur la 5ème Avenue (rassurez-vous on peut aussi y trouver des cafés dignes de ce nom) avant d’entamer une journée complète de promenade dans la Grosse Pomme.
Que demandez de plus, sinon « Encore! ».
Frédéric de Poligny