Ryanair ou le Casse-Tête européen
7 octobre 2013 Jean-Louis Baroux Aucun commentaire À la une, Chroniques Ryanair, Travail dissimulé, urssaf 3161 vues
La semaine dernière Ryanair a été lourdement condamnée par le Tribunal d’Aix en Provence pour atteinte à la législation française du travail.
Les sommes en jeu sont importantes, même si elles ne sont pas très significatives au regard des résultats de la compagnie : 8 millions d’€ répartis en une amende de 200.000 € le rappel des cotisations à verser à l’Urssaf et aux caisses de retraite, respectivement 4 millions et 3 millions d’€ et 450.000 € à verser à Pôle Emploi.
Bien entendu la compagnie a fait appel du jugement, il faudra donc attendre le résultat de l’appel et éventuellement d’un pourvoi en cassation pour connaître le droit. Cela peut prendre encore des années.
Voilà bien l’illustration du casse-tête européen en matière sociale. Les législations des états sont très différentes et les cotisations sociales varient considérablement.
Par parenthèses, c’est en France qu’elles sont les plus onéreuses, mais c’est aussi le pays qui protège le plus ses salariés en cas de chômage. Le sujet est important. Il s’agit d’un véritable choix de société.
Dans l’affaire qui nous occupe, la compagnie Ryanair avait « logé » les employés de sa base de Marseille en Irlande et acquittait par conséquent ses cotisations sociales selon le barème irlandais.
Cela signifie quand même que les salariés marseillais n’étaient pas bien protégés en cas de licenciement et que leurs cotisations de retraites étaient pour le moins sous évaluées par rapport à leurs collègues employés sous le droit français.
Mais peut-on reprocher à la direction de Ryanair de profiter du flou de la législation européenne qui pour tout dire n’existe pas ?
Quel chef d’entreprise ne met pas tout en œuvre pour améliorer ses résultats puisqu’après tout il n’est responsable que de la bonne marche de sa société et pas des Etats dans lesquels il exerce ?
Après tout, Ryanair n’est pas la seule compagnie ainsi condamnée pour «travail dissimulé ».
En son temps EasyJet a écopé de 1,5 millions d’€ de pénalités de même que CityJet, pourtant filiale d’Air France.Cela signifie sans doute que Ryanair n’échappera pas à son amende.
Par essence, le transport aérien est multinational, surtout en Europe où les pays sont si petits. La conséquence est que les compagnies cherchent à appliquer le droit le plus favorable à leur économie. Dans ce sens il est évident qu’Air France est largement pénalisée par rapport à ses concurrents, sauf à se délocaliser.
D’ores et déjà, la holding Air France/KLM est une BV enregistrée aux Pays Bas. Il serait en effet déraisonnable pour une société binationale de s’immatriculer dans le pays le plus défavorisé.
On ne voit pas de solution, tout au moins immédiate, à ce casse-tête. Des compagnies françaises achètent des Certificats de Transport au Portugal, pays à législation sociale très souple. Il est à craindre que le mouvement ne s’arrête pas là. La concurrence est vive, et si elles peuvent le faire en toute légalité, les compagnies installeront leur siège social dans les pays les plus faciles.
Cela se fera inéluctablement au détriment des salariés qui, même s’ils maintiennent leur rémunération brute, seront moins protégés en cas de coup dur.
Il est temps, grand temps d’harmoniser les législations sociales comme d’ailleurs les aspects fiscaux, mais cela est un autre sujet. Cela prendra un temps considérable. Les gouvernements sont accrochés à leurs privilèges qui sont, en particulier, d’édicter des lois applicables à leurs concitoyens électeurs. Lorsque l’on voit les obstacles que les Etats dressent, via leurs administrations, pour mettre en place une gestion unique du ciel européen, ce qui paraît tout de même élémentaire, on mesure combien sera ardue l’harmonisation des règles sociales.
Tout le monde y a finalement intérêt car il n’est pas certain que l’harmonisation doive se faire par le bas. Au fond l’important n’est pas que le coût du travail soit plus ou moins élevé, l’important est que les concurrents soient mis sur un pied d’équité si ce n’est d’égalité.
Les syndicats ont un rôle majeur et positif à jouer à la condition de ne pas mener que des combats d’arrière-garde.
Jean-Louis BAROUX
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