C’est reparti. Dès que le mouvement écologiste reprend de la voix, la première cible est le transport aérien accusé de tous les maux alors qu’il ne produit que moins de 3 % du CO2, si je lis bien les études. Et on nous explique que le train par exemple, voire même la voiture polluent beaucoup moins. Et ce n’est probablement pas faux.
Sauf qu’il faut comparer ce qui est comparable. On fait tout dire aux statistiques. Rapporter les émissions de CO2 d’un Airbus 320 à celles d’un TGV sur un Paris Marseille est pour le moins osé.
En effet qui prend en compte les infrastructures au sol ? Il faut pour faire circuler un TGV construire les voies, les gares et tous les services annexes et ce, sur toute la longueur du parcours. Qui a calculé l’impact sur le CO2 de la production des matériaux nécessaires : béton, acier pour les pylônes et les rails, goudron pour les gares et j’en oublie certainement. Et puis il faut rajouter l’entretien obligatoire lequel est lui aussi grand consommateur de CO2. La surveillance des voies est par exemple confiée à des hélicoptères car les drones ne résistent pas au souffle des TGV.
Bref, avant de condamner le transport aérien pour des raisons strictement écologiques, il serait honnête de mettre tous les paramètres dans la balance. Et si on se projette à 20 ans voire plus loin comme le font les écologistes, il faut alors prendre en compte les formidables progrès du transport aérien attendus, alors que pour autant qu’on le sache les trains n’ont pas fait encore leur révolution technologique.
Les appareils qui seront couramment en service d’ici à 5 ans seront ceux de la classe NEO pour Airbus ou MAX pour Boeing. Ils sont infiniment moins consommateurs de carburant et ils font beaucoup moins de bruit que leurs prédécesseurs. Le tout en utilisant uniquement les infrastructures aéroportuaires qui nécessitent un entretien largement moins coûteux que celui de la voie de surface.
Mais admettons que le différentiel reste encore important d’ici à 20 ans, c’est-à-dire avant la sortie de la propulsion électrique dont certains disent qu’elle serait tout de même envisageable couplée à l’utilisation partielle du carburant pour les phases de décollage.
Cela justifie-t-il la taxation du kérosène ? Après tout, pourquoi pas si l’ensemble des pays imposent la même mesure avec la même intensité. Sinon le risque sera de fragiliser encore les compagnies françaises déjà soumises à de nombreuses charges qui sont épargnées à leurs concurrents.
Au fond, il est pratique de montrer du doigt le transport aérien pour éviter de faire les nécessaires efforts ailleurs, c’est-à-dire là où se produisent 97 % des émissions de CO2. Faute de pouvoir agir concrètement sur un ensemble d’acteurs très diffus, pointer le transport aérien est très pratique.
C’est oublier un peu vite son utilité majeure : relier des hommes de culture différente, ce qui constitue la première pierre du maintien de la paix tant il est vrai qu’on a moins la volonté de taper sur quelqu’un de connu.
Or le transport aérien est le seul à pouvoir faire le travail dans des conditions de sécurité sans cesse améliorées. Sur la base de 100 millions de passagers kilomètres, le transport aérien fait jeu égal avec le train avec un taux de 0,035 au début des années 2000, lequel taux est tombé à 0,005 en 2017.
Taxer les riches n’a jamais enrichi les pauvres. Il est certes facile de pointer la clientèle du transport aérien qualifiée d’aisée. Mais c’est encore oublier que ce secteur d’activité a fait de considérables efforts pour baisser les tarifs, parfois de manière excessive, au point de mettre en danger l’économie de certaines compagnies aériennes.
Ainsi le transport aérien n’est plus réservé aux privilégiés mais il est devenu largement accessible à toutes les couches de la population. Cela fait d’ailleurs la prospérité de tous les acteurs du tourisme.
Enfin faut-il rappeler que près de la moitié du prix d’un billet d’avion est constitué de taxes, même si certaines d’entre elles comme la surcharge carburant n’ont rien à faire dans cette rubrique.
Quoi qu’on en dise et en dépit de sa croissance régulière, le transport aérien est fragile. C’est un secteur à haut risque capitalistique qui mobilise de considérables investissements dans la recherche, le tout pour obtenir un transport peu polluant, fiable et accessible à tous.
Jean-Louis Baroux