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Tourisme en Egypte, Les richesses du passé pour assurer l’avenir ?

C’est incontestable : le pays des pharaons fascine toujours autant les français. Lesquels se bousculent dés lors que se présente une exposition, comme actuellement celle consacrée à Osiris dans les locaux de l’Institut du Monde Arabe (IMA). Autre preuve, s’il le fallait, de cet engouement pour l’Egypte Antique, les millions d’ouvrages vendus au fil des ans par Christian Jacq. Ses romans, biographies et autres bandes dessinées se vendent comme des petits pains. Et sa dernière livraison (1) ne semble pas devoir échapper à la règle…

Des années durant, cette histoire d’amour franco-égyptienne a engendré un flux touristique constant, le marché français pointant en tête au niveau des classements de fréquentation touristique. Mais les temps ont bien changé, et les effets collatéraux de la révolution ont pesé lourd.

Il y a cinq ans, plus de 800 000 touristes français visitaient dans l’année Le Caire, Louxor, Abou Simbel et les autres sites remarquables de l’Egypte. A ce jour, on en dénombre tout juste 100 000 ! Plus que la crise économique, ce sont les problèmes sécuritaires et la montée des mouvements islamistes extrémistes qui ont plombé la destination.

Egypte octobre 2015-1 [1]La semaine dernière, à l’invitation de l’Egyptian Tourism Fédération et sous la conduite de Riham Wahid, la directrice du Bureau de Tourisme Egyptien à Paris, c’est une importante délégation française qui s’est rendue sur place.

Il y avait là des politiques -(2) trois députés du groupe d’amitié France-Egypte-, quelques scientifiques, chercheurs et enseignants, une kyrielle de personnalités des arts et de la culture, et des représentants des principaux médias nationaux ou spécialisés dans le tourisme.

Sans oublier aussi plusieurs dirigeants des organismes les plus représentatifs de l économie touristique dans l’hexagone (3).

L’objectif annoncé des autorités égyptiennes était clair : démontrer que le pays a confiance en son avenir et qu’il investit sans compter pour ce faire.

Quelques semaines après l’inauguration d’une nouvelle voie du Canal de Suez, le régime du président Sissi veut croire que les richesses du patrimoine antique de son pays vont redonner de l’attractivité et un second souffle au tourisme.

Autant le dire, les égyptiens n’avaient pas lésiné sur les moyens. La délégation a pu ainsi visiter les chantiers de deux musées gigantesques qui devraient dans les années qui viennent ouvrir leurs portes aux visiteurs.

Non loin de Kéops, plusieurs milliers d’ouvriers s’activent sans relâche afin que le Grand Egyptian Museum (GEM) puisse proposer dès 2018 toutes les plus belles collections pharaoniques.

Sur le site, Tarek Sayed Tawfik, le directeur du GEM, s’est évertué à partager son optimisme en annonçant une prévision de fréquentation de 10 000 visiteurs par jour…

_MG_6216 [2]Toujours au Caire, mais dans le quartier historique, c’est le Docteur Khaled El Enany, directeur du Musée du Caire, qui a fait les honneurs de la visite de son nouveau fer de lance, le musée des Civilisations Egyptiennes. Un autre projet grandiose conçu et réalisé avec l’aide de l’Unesco, et dont la réalisation aura trainé en longueur.

Il s’en trouvera pour s’étonner que l’Egypte ait entrepris simultanément la construction et l’aménagement de deux structures démesurées et pour le moins concurrentielles. Deux structures possédant leurs propres réserves et leurs propres ateliers de restauration ! Ce que réfute Khaled El Enany : «Les deux seront complémentaires dés lors que le flux de touristes sera redevenu normal… ». Pari fou ou foi inébranlable dans l’avenir ?

Après Le Caire, c’est à Abou Simbel que toute la troupe s’est retrouvée pour le second volet de ce triptyque. Avant de procéder à l’inauguration d’un musée dédié aux égyptologues ayant contribué à sauver les temples des eaux du barrage d’Assouan (et en particulier à Christiane Desroches Noblecourt dont le fils Alain était présent), il nous aura été donné la chance d’assister en bonne place à un instant rare et magique.

Deux fois par an, au lever du soleil, les premiers rayons du soleil pénètrent jusqu’au fin fond du grand temple. Eclairant ainsi les statues de Ramses II, Amon et Ré-Horakhty…Et nous étions le bon jour.

La troisième étape de ce marathon de 72 heures marqué par l étalage du savoir-faire égyptien en matière d’organisation événementielle (son et lumière suivi d’un dîner aux étoiles à Abou Simbel, croisière-déjeuner sur de vénérables felouques à Louxor, vols intérieurs privatisés…), aura été plutôt vécu comme un retour aux dures réalités du temps présent.

IMG_6324 [3]Sans pour autant faire l’impasse sur les visites des temples de Tarnak, de Louxor ou celui de Medinet Habou sur la rive Ouest, l’heure aura été surtout à la réflexion. A Louxor, quasiment vidée de ses touristes, le constat de désolation est peut être plus criant qu’ailleurs.

« Cette saison, on espère voir 30 à 40 bateaux de croisières naviguer sur le Nil » nous confiait le charismatique président de l’Egyptian Tourism Federation, Elhamy Elzayat.

Il y a cinq ans, avant les évènements que l’on sait, 284 navires sillonnaient le Nil et le lac Nasser. Aujourd’hui, amarré les uns aux autres sur les quais de Louxor, ils offrent un spectacle de désolation.

Alors la bonne volonté, la détermination des responsables égyptiens et les pharaoniques projets en cours seront ils suffisant pour reconquérir le marché français ? Les annonces – distillées à grands coups de conférences de presse- de la relance imminente de quelques missions archéologiques utilisant la détection radar seront elles de nature à rassurer les touristes français ?

« L’idée de faire miroiter la possibilité de trouver enfin la tombe de Nefertiti va plaire aux médias nationaux parce que ce mystère a toujours été et restera vendeur… de papier.

Mais pour ce qui est de vendre des voyages, je suis plus sceptique, avouait en aparté l’un des voyagistes français présents dans la délégation.

Egypte-richard soubielle-hicham zazzou [4]Erigé en animateur des débats entre toutes les composantes de ce groupe hétéroclite, le vice-président du SNAV, Richard Souvielle, s’est efforcé de faire remonter toutes les remarques et suggestions de nature à crédibiliser les différentes initiatives pouvant –à court terme- permettre la reprise du marché français.

Interlocuteur privilégié des autorités égyptiennes, M.Souvielle fait preuve d’un optimisme mesuré. Et s’appuie pour cela sur un constat : « Après la révolution, tous les marchés ont accusé le coup et chuté. Mais ils ont désormais remonté la pente. A l’exception du marché français ».

C’est d’ailleurs pour cette raison, et grâce aussi à l’arrivée de marchés émergents comme la Russie ou d’autres pays de l’Est, que la situation du secteur touristique en Egypte n’est pas désespérée… Même si elle reste préoccupante.

Egypte-tombe de nefertari [5]Nonobstant ce constat, les français continuent de bouder leur terrain de jeu préféré qu’est le Nil. A l’exception de ces touristes enchantés et croisés dans la vallée des Reines alors que sous la conduite de Christian Le Blanc nous venions à titre exceptionnel de visiter la tombe de Nefertari. Des touristes venus en individuels (ils représentent désormais 75 % du marché français), après avoir effectués leurs réservations en direct via le net…

Voilà aussi des chiffres et une situation qui devraient inciter la profession à se pencher sur la question. Ce qu’elle a commencé à faire en organisant très prochainement un éductour spécial en Egypte à l’attention de 150 jeunes agents de voyage !!

On n a jamais aussi bien parlé que de ce que l’on connait. Et on est surtout plus à même de tordre le coup aux rumeurs et autres idées reçues que quand on a constaté de visu que la sécurité des sites en Egypte est assurée. Pour autant que cela reste du domaine du rationnel. Et en sachant qu’en matière de terrorisme le risque zéro n’existe pas. Au pied des pyramides en Egypte comme dans un train à grande vitesse circulant entre la Belgique et la France.

Pour la Quotidienne,
Jean BEVERAGGI

 

(1) « J’ai construit la Grande Pyramide » de Christian Jacq, chez XO Editions

(2) Le président du Groupe, Philippe Folliot, député du Tarn, Françis Hillmeyer, député du Haut-Rhin et Geoges Fenech, député du Rhône

(3) Richard Souvielle (SNAV), Patrick Abenin (SETO), Jean François Alexandre (Ditex), Gilbert Baladi (Makarios Conseils), Georges Cid (Apst) …

Photos/ J.B La Quotidienne