Tourisme : Iran ou Iran pas ?


L’arrivée du réformateur Hassan Rohani à la tête de l’ Iran et la levée des sanctions diplomatiques ouvre de nouveau la voie au tourisme. Mais de nombreux défis restent à relever avant que le pays devienne une destination phare …

C’était il y a trente cinq ans. Avant la chute du mur. Une éternité. Par un de ces changements brutaux qu’aucun expert ne voit jamais venir, l’Iran s’est fermée totalement après la révolution de 1979.

VainopoulosLa timide réouverture à la fin des années 1990 s’est vue rapidement stoppée par les attentats du 11 septembre et la guerre en Afghanistan. S’il est bien un secteur qui ne pèse plus rien c’est le tourisme. A tel point qu’en 2006, seul 1,8 % de la population active vit de l’accueil des visiteurs.

Un bond spectaculaire en 2013

Le changement date de la montée en puissance du courant réformateur suivie de l’élection de Rohani à la tête du pays en 2013. Le tourisme connait alors un véritable bond. Les touristes sont 3 354 000 en 2011 et 4 769 000 en 2013. Soit 42% d’augmentation en seulement deux ans.
Une hausse spectaculaire, mais qui concerne principalement les touristes asiatiques. A cette époque, l’Iran figure encore en haut de la liste des destinations fortement déconseillées aux voyageurs européens et américains, qui – de fait – ne représentaient que 10% des entrées dans le pays (dont seulement 4000 français/an).

Téhéran prévoit un « tsunami de touristes »

L’année dernière, une nouvelle étape de la réouverture touristique de l’Iran a été franchie. Grâce à la signature de l’accord sur le nucléaire, le pays a vu lever les sanctions internationales qui pesaient sur son économie. Depuis, la destination explose. Rien qu’entre 2014 et 2015, certains TO ont vu leurs réservations augmenter de plus 100 %.

D’ici 2025, les autorités de Téhéran prévoient d’atteindre plus de 20 millions de touristes par an. Le ministre iranien en charge du tourisme a même annoncé, juste après la levée de sanctions, un « tsunami de touristes ». Une projection beaucoup trop optimiste, mais qui traduit une dynamique de fond. Si l’on se base sur les analyses du WTTC (World Travel and Tourism Council), plus crédibles, l’Iran devrait dépasser la barre des 5 millions de touristes annuels dans les toutes prochaines années.

Tout (ou presque) est à construire

Aussi, chacun leur tour, les acteurs du tourisme sont en train de se positionner sur le créneau. Une quinzaine de tour-opérateurs présents en France proposent dès-à-présent des circuits en Iran. Côté transporteur, Air France opère, depuis avril dernier, trois vols par semaine entre Paris et Téhéran, et la compagnie a par ailleurs réouvert une agence dans la capitale iranienne.

Peut-on parler, à ce stade, d’un eldorado touristique ? En réalité, pas vraiment. Les réseaux de transport et les complexes hôteliers en Iran sont largement insuffisants pour répondre à une arrivée massive de touristes. En 2012, le pays ne comptait que 200 000 places-lits. Un chiffre largement en deçà des besoins (à titre d’exemple, la Norvège compte 516 000 places-lits pour 5 millions de touristes annuels).

Des problèmes structurels qui freinent l’émergence du marché

C’est pourquoi le Gouvernement se presse d’accélérer la modernisation des infrastructures de tourisme. Les promoteurs s’activent pour construire des hôtels, et d’ores et déjà plusieurs chaines internationales, dont AccorHotels, annoncent l’ouverture prochaine d’établissements dans le pays. Côté transport, la société Aéroports de Paris (ex ADP) a été sollicitée il y a quelques temps pour moderniser les aérogares, en prévision du développement du trafic aérien.

Beaucoup reste à faire. D’autant qu’au delà du manque de places-lits, le pays souffre d’autres problèmes structurels. L’impossibilité d’utiliser des cartes de crédits internationales sur place, la complexité des procédures d’obtention de visa, notamment pour les ressortissants français … Le pouvoir iranien a encore du pain sur la planche.

Par ailleurs, si certains voient dans l’Iran une alternative aux pays du Moyen-Orient, il n’attirera certainement pas la même quantité de touristes. Pour l’instant, cette destination ne s’adresse qu’à une certaine catégorie de touristes. Des touristes en attente de visites culturelles ou de paysages naturels. Dans un pays où le voile est obligatoire pour les femmes et où l’alcool est interdit, les autres formes de tourisme, notamment le tourisme balnéaire, ne sont pas (encore) prêts de se développer.

Richard Vainopoulos





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