Transavia ou le gouvernement des soviets
3 décembre 2014 Jean-Louis Baroux 1 commentaire À la une, Chroniques Air France, Transavia 4213 vues
Il m’a fallu lire et relire les informations parues la semaine dernière dans une lettre électronique concurrente pour m’assurer que j’avais bien encore toute ma tête.
Et c’est ainsi que j’ai appris que les pilotes d’Air France avaient été amenés à se prononcer par référendum sur le périmètre qu’il convenait d’attribuer à Transavia.
Pour tout dire les bras m’en tombent. Cela revient à faire décider par ces derniers de la stratégie de la compagnie.
Il n’est pas question de leurs conditions d’emploi mais bien de ce que la filiale d’Air France / KLM aura le droit de faire. Combien d’avions pourra-t-elle exploiter ? Quelles lignes aura-telle le droit de desservir ? A quelle échéance ? Bref comment cette compagnie aura-t-elle le droit d’exister.
Je veux bien que les pilotes soient parfaitement capables d’avoir un avis circonstancié. Après tout ils doivent bien être consommateurs du transport aérien en tant que passagers à défaut de payer leurs billets.
Mais qui leur a donné le mandat de s’exprimer, plus que cela de fixer le devenir de cette compagnie ?
Le transport aérien ne fonctionne ni plus ni moins que comme toute autre société installée dans un univers dit capitalistique, c’est-à-dire non étatique.
Les grandes décisions y sont prises au sein du Conseil d’Administration sur la base de recommandations faites par la direction de l’entreprise.
Je n’ai vu nulle part que ces orientations doivent être soumises au vote des salariés. Et c’est bien ainsi.
Non pas que les salariés n’aient pas leur avis à donner, en particulier pour ce qui concerne les conditions de travail voire de rémunération. Mais doit-on aller au-delà ?
Dans de nombreuses grandes entreprises, les salariés sont représentés au sein du Conseil d’Administration. C’est très heureux et c’est d’ailleurs le cas chez Air France / KLM.
Et si je ne m’abuse, les pilotes y siègent et sont donc à même de convaincre les autres membres du Conseil et d’influencer les décisions que celui-ci est amené à prendre.
Mais imaginons que les conducteurs de train, par exemple, votent par référendum les orientations de la SNCF, quelles lignes ouvrir, quelle politique commerciale adopter, quels investissements faire etc.
Imaginons que les employés d’EDF décident de l’implantation des centrales nucléaires ou de leur fermeture. Peut-on concevoir que les ouvriers des constructeurs automobiles soient amenés à décider des nouveaux modèles ?
On pourrait à loisir multiplier les exemples et on voit bien l’absurdité de ce que ces pratiques pourraient entraîner.
Alors les pilotes estiment, eux avoir non seulement leur avis à donner mais leurs orientations à faire prévaloir. Pourquoi pas dans le fond, mais alors ils doivent en tirer les conséquences. Puisque la stratégie de l’entreprise se décide en Conseil d’Administration, ils doivent prendre le contrôle de la société et faire élire leurs représentants à cette instance par l’Assemblée des Actionnaires.
C’est comme cela que cela marche et pas autrement.
Par conséquent, ils doivent racheter Air France /KLM. Alors, une fois majoritaires à l’Assemblée des Actionnaires, ils pourront à loisir décider de la stratégie de l’entreprise, ils nommeront aux postes de direction et ils pourront alors mettre en œuvre leur vision.
Seulement cela signifie prendre des risques. Il faut mettre son argent sur la table. Sont-ils disposés à le faire ?
Combien d’entre eux d’ailleurs sont actionnaires de leur entreprise alors qu’ils ont eu de fortes incitations pour ce faire ? Après tout, le cours de l’action Air France / KLM n’est pas très élevé pour le moment : 8,476 €. Ce devrait être faisable.
La capitalisation boursière de l’ensemble est à ce jour de 2.544.658.600 € et il y a 4.767 pilotes chez Air France et 7.931 dans le groupe.
Seulement il n’y a aucune chance que ces messieurs acceptent de mettre la main à la poche pour tenir les rênes de l’entreprise.
Alors de grâce, qu’ils laissent les dirigeants gouverner et qu’eux-mêmes exercent leur métier de la meilleure manière possible, en évitant les conflits inutiles et en améliorant autant que faire se peut la «on time performance».
Jean Louis Baroux
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1 commentaire pour “Transavia ou le gouvernement des soviets”
Bonjour,
Je réagis à votre article qui pose une bonne question, mais ne parle pas d’un point auquel est confrontée Air France et sa direction : la conduite du changement.
Le meilleur moyen de mettre en place une conduite du changement au sein d’une entreprise est de la faire accepter par le plus grand nombre. Actuellement il semble que seuls les pilotes y soient réfractaires (on l’a vu dernièrement)
Je vois par ce référendum une manière de les impliquer et de leur faire accepter ce changement.
Si il est fait dans cet optique, un référendum n’est pas en soit une « erreur » de la direction, ou un signe d’abandon des rênes de leur part.
Qu’en pensez-vous ?