La pandémie a-t-elle mis fin aux ambitions aéronautiques sud-américaines ? Cela pourrait bien être le cas si on en juge par les dégâts qu’elle a déjà causés. Les trois plus grands transporteurs aériens : LATAM, Avianca et Aeromexico sont passés par le dépôt de bilan et ils vont avoir bien de la peine à s’en relever.
Les pays de ce continent ont été dans l’incapacité de soutenir leurs transporteurs au même niveau que les états européens, du Golfe et des USA ont pu le faire, les finances publiques ne le permettaient pas. Par conséquent les compagnies n’ont eu d’autre ressource que de passer par les fourches claudines du Chapter 11 américain. Celui-ci est d’ailleurs beaucoup plus souple que la réglementation européenne sur les dépôts de bilan, mais la pilule est tout de même très dure à avaler.
Pour survivre, les trois gros groupes, mais aussi les autres transporteurs de moindre importance comme Aerolineas Argentinas, ou TAME pour l’Equateur et Amaszonas pour le Pérou et le Paraguay, devront faire des coupes sombres dans leur réseau, leur flotte et hélas, leur personnel. Tout le transport aérien latino-américain, à la notable exception de Copa Airlines, va se retrouver très affaibli lorsque, d’une manière ou d’une autre, le trafic va reprendre. Comment remonter un réseau international performant alors que les bureaux de ces compagnies ont été fermés et que les salariés ont été licenciés ?
Pendant des années il faudra patiemment reconstruire les opérations en partant sans doute des réseaux domestiques si indispensables à la survie économique des pays. La conséquence sera l’abandon au moins pendant longtemps des lignes long-courrier en particulier les transatlantiques. Cela va donner un boulevard aux transporteurs européens et golfiques qui vont ressortir de la période actuelle largement refinancés, et dont les coûts auront été grandement diminués.
Le marché long-courrier devrait retrouver assez rapidement un niveau proche de celui des années passées, mais les compagnies sud-américaines seront dans l’incapacité de profiter de cette opportunité car ils devront repartir de très loin.
Cette situation pose également la grande question jamais résolue de la garantie de bonne fin pour les billets achetés auprès de ces transporteurs.
Soyons clairs, il est plus que probable que les clients ne retrouveront jamais leur argent car les règles du Chapter 11 ne vont certainement pas les passer dans la catégorie des créanciers privilégiés. La conséquence sera une perte de confiance dans ces transporteurs qui conduira probablement les passagers à choisir les compagnies protégées par leurs états et donc jugées plus fiables.
Bref, les perspectives pour ce continent deviennent bien sombres. D’ailleurs, elles ne touchent pas que les transporteurs. Les aéroports et même le grand constructeur brésilien Embraer ne vont pas en sortir indemnes non plus.
Le rapprochement entre Boeing et Embraer était quasiment bouclé mais la Covid a alors frappé et l’accord a été dénoncé par le constructeur américain le 25 avril 2020. Ainsi Embraer reste très fragilisé au moment ou son grand concurrent canadien Bombardier est devenu une branche d’Airbus et où les appareils rebaptisés A 220 se placent comme des petits pains avec 630 commandes fermes pour 26 clients.
Les aéroports étaient avant la crise dans un état qui nécessitait de très gros investissements pour se hisser à un niveau comparable à ce que l’on trouve dans de nombreux pays.
Ils sortiront eux aussi très fragilisés et dans l’incapacité de consentir aux investissements indispensables. Ils seront alors probablement rachetés par quelques grands groupes internationaux qui trouveront une formidable opportunité pour gagner rapidement de l’argent.
Les deux opérateurs français : ADP et Vinci Airport déjà bien implantés, seront bien placés pour ramasser la mise.
Le transport aérien est indispensable à l’économie de de continent qui ne dispose pas des infrastructures au sol comparables à celles que connaît l’Europe, par exemple.
Comment les compagnies vont-elles ressortir de leur passage par les Chapter 11 ? C’est toute la question. On ne peut pas exclure que le transport aérien sud-américain passe massivement dans des mains étrangères.
La fierté des pays risque d’en prendre un coup, mais les clients y gagneront peut-être.
Jean-Louis Baroux