Les compagnies aériennes sont fragiles, même quand elles sont assises sur des marchés importants. La récente fin de Fly BMI, pourtant une des plus anciennes compagnies britanniques est là pour nous le rappeler. Beaucoup de transporteurs et d’abord des « low costs » ne durent que très peu de temps.
La mortalité infantile est extrêmement élevée. 121 compagnies à bas coûts sont ainsi mortes dont 44 en Europe, excusez du peu. C’est d’ailleurs le continent qui déplore le plus de liquidations devant l’Amérique du Nord avec 38 compagnies et l’Asie Pacific avec 20.
Tout cela fait désordre. On peut d’ailleurs se demander pourquoi il y a tant de morts dans ce secteur d’activité. J’y vois quatre raisons.
D’abord une sous-capitalisation des nouveaux transporteurs. Il est relativement facile de monter une compagnie aérienne régulière, surtout en Europe qui bénéficie de l’Open Sky », avec relativement peu de mise de fonds. Les appareils peuvent être pris en location ou en leasing et les autres charges sont variables. Or beaucoup de fondateurs de compagnies aériennes minimisent le coût d’entrée sur le marché. Aussi les faibles fonds propres sont-ils consommés rapidement et le transporteur met la clef sous la porte.
Ensuite, ce qu’il faut bien appeler, une certaine voire grande incompétence de certains dirigeants.
Beaucoup se lancent dans l’aventure en pensant qu’on peut vendre des sièges d’avion comme des casseroles. Ils n’ont aucune conscience de l’énorme expertise qu’il faut développer pour mettre en l’air de manière régulière sur une route déterminée un avion rempli de passagers. Ils pensent réinventer la roue sous la seule expérience qu’ils ont vécue en tant que passagers. Et ils se disent qu’au fond, ce n’est pas si difficile de gérer une compagnie. Et puis une compagnie aérienne c’est du pouvoir et de la reconnaissance par les autorités comme d’ailleurs cela est le cas pour les médias.
Alors cela tente beaucoup d’entrepreneurs qui ont fait fortune dans des secteurs moins, disons, prestigieux et qui n’en ont pas eu la reconnaissance espérée.
Et puis on constate une terrible méconnaissance de l’accès au marché. En ce sens, Internet, pourtant bien pratique, parait être le seul sésame, d’ailleurs peu cher à utiliser, car monter un site marchand n’est pas si difficile. Seulement cela coûte finalement très cher car il faut dépenser d’énormes budgets pour seulement faire connaître son site.
Alors que l’utilisation des GDS et du circuit des agents de voyages peut paraître plus onéreux en coûts variables, mais évite d’énormes charges fixes.
Seulement beaucoup de nouveaux dirigeants ne sont pas familiers avec ces outils professionnels alors qu’ils manipulent Internet à longueur de journée. En conséquence ces nouveaux transporteurs ne sont pas vendus par le circuit de distribution qui pourtant représente encore 70 % des ventes.
Enfin, il ne faut pas oublier que les transporteurs traditionnels ne se laissent pas faire si facilement.
Leur capacité de réaction est importante, efficace et souvent brutale. Ils connaissent le marché et les acteurs de la distribution et ils sont capables d’afficher des tarifs égaux ou même inférieurs aux nouveaux entrants dont ils pensent à tort ou à raison qu’ils sont plus utiles morts que vivants.
Or donc le transport aérien se trouve avec une très grande mortalité qui touche non seulement les « low costs », mais les compagnies traditionnelles. 540 transporteurs ont été liquidés dans les seuls Etats Unis, dont de très grands comme Pan Am, TWA, Eastern Airlines ou Braniff par exemple.
382 ont disparu en Asie et 205 en Afrique. L’état des dégâts en Europe et en Amérique latine n’est pas encore finalisé. Cela signifie que les clients sont de moins en moins protégés. Avec la généralisation progressive des « Open Skies » la concurrence est de plus en plus dure et les risques de dépôt de bilan s’accroissent. Résultat les clients ne sont plus protégés et leur argent n’est plus garanti.
Cette situation ne peut plus durer longtemps. Ou bien les compagnies prennent elles-mêmes les dispositions qui s’imposent pour sécuriser les fonds déposés par les clients en direct ou via leurs agents de voyages, ou bien le législateur va s’en mêler. C’est simplement inéluctable.
Il faut tout de même se rappeler que pour n’avoir pas voulu gérer entre elles les indemnités dues aux clients pour des retards ou des surbooks, la réglementation a eu la main très lourde, voire trop lourde. Ce sera pire lorsque les administrateurs de la Commission Européenne se mêleront des dépôts de bilan des compagnies. Mais ce sera trop tard pour pleurer.
Il est grand temps que IATA prenne cette affaire en mains et réactive une étude qui date maintenant de plus de 10 ans laquelle chiffrait à 50 cents de dollar par passager la sécurisation des fonds déposés en cas de faillite d’une compagnie aérienne.
Et que l’on ne dise pas, comme cela a alors été le cas que seuls les petits transporteurs sont en danger et que les gros ne veulent pas payer pour les petits.
L’histoire est là pour prouver le contraire.
Jean-Louis Baroux